XII
LE PARADIS RETROUVÉ

Evenor voulut en vain initier sa tribu aux découvertes des dives dans l'industrie, dans l'extraction et la mise en œuvre des métaux et dans l'emploi du bois, façonné par le fer aux divers usages de l'activité humaine. Ses proches parents et ses amis de la forêt maritime étaient les seuls qui cherchassent auprès de lui l'instruction morale et les arts de la pratique. Il eût fallu l'accord de toutes les volontés pour tenter des choses utiles, et ceux de la tribu sédentaire repoussaient généralement tout progrès et toute fatigue. Leucippe enseignait aux femmes et aux sœurs des exilés à broyer, à filer et à tisser les écorces et les tiges filamenteuses. Les autres femmes eussent voulu qu'au lieu de leur donner l'exemple du travail, elle trouvât une recette magique pour leur procurer des ornements semblables à ceux que la dive lui avait donnés et qu'elles s'obstinaient à croire tombés du ciel. Il ne fallut parler à aucun homme ni à aucune femme de la cité primitive d'apprendre à tracer et à lire les caractères écrits. On demandait que les préceptes fussent des amulettes, et le moindre caillou, doué d'une fausse vertu magique, leur eût été plus précieux que les formules de la vertu praticable.

De son côté, Mos, ne sachant pas renoncer aux amers triomphes de la vanité, bien qu'il eût reçu d'Evenor la notion divine et que son intelligence l'eût admise dans une certaine mesure, s'efforça adroitement de ressaisir l'autorité. Il échoua auprès des exilés et de leurs femmes, car ils s'étaient mariés, et, sous l'inspiration d'Evenor et de Leucippe, ils commençaient à comprendre et à sentir les douceurs de l'amour vrai. Ils avaient changé leur nom d'exilés en celui de réconciliés.

Mos, ne pouvant rien sur eux, s'adressa aux anciens, et, en même temps qu'il leur parlait des puissances occultes, il flattait l'instinct superstitieux en expliquant les rêves et en inventant des pratiques secrètes d'invocation, consistant en actes extérieurs, et non en efforts de la conscience et de la volonté. Ce culte convenait mieux à leur paresse princière que le travail de la pensée, et il eut de nombreux adhérents. Mos, redevenu plus heureux, avait abjuré les rites sanguinaires. La religion douce apportée par les élèves de la dive lui ouvrait une nouvelle source d'enthousiasme, car il était de nature mystique, et, ainsi qu'il arrive souvent chez les hommes de cette trempe, il savait allier une foi sincère à un grand orgueil et à de certaines hypocrisies.

Evenor vit donc que l'influence de la pure vérité ne pouvait s'étendre sur tous les hommes à la fois, et qu'il fallait aux uns des idées, aux autres des figures, à d'autres enfin des faits. Il se soumit d'abord avec douceur à la résistance des divers instincts, estimant sa tâche assez grande s'il pouvait faire quelques disciples parmi ses semblables. Mais, peu à peu, la guerre jalouse que Mos, tout en exploitant et en altérant les précieuses notions qu'il avait reçues de lui, faisait sourdement à son apostolat, attrista son âme, et il se retrouva vis-à-vis de lui-même comme au temps de son enfance, où il avait souffert dans son orgueil et dans le sentiment de sa supériorité. Il était homme, et rien n'est plus difficile à l'homme que de distinguer l'amour ardent du prosélytisme de l'estime ardente de soi-même.

Il avoua son affliction à Leucippe, et, un jour qu'ils en parlaient ensemble, lui se livrant à quelque amertume de cœur, elle le plaignant avec la complaisance un peu aveugle de l'amour, leurs pas se dirigèrent assez loin des cabanes, vers un endroit où Evenor s'arrêta tout à coup, frappé d'un vif souvenir, et s'écria:

—O ma chère Leucippe, c'est ici que, il y a déjà bien des années, je vins pleurer seul la résistance de mes jeunes compagnons à mon initiative. J'avais voulu, ma mémoire ressaisit à présent ce détail, établir l'égalité de droit dans nos jeux, et faire que les plus robustes n'eussent pas plus d'avantage que les plus faibles dans le partage des amusements. Je ne fus point écouté: je restai seul, triste et irrité. Je m'absorbai dans ma souffrance intérieure; je laissai passer les heures, puis je voulus revenir et je m'égarai. Je n'ai jamais su comment j'étais entré dans l'Éden, ni le temps qu'il m'avait fallu pour en approcher, car une fièvre et une ivresse s'étaient emparées de moi. Mais, Téleïa nous l'a dit, du côté des montagnes, l'Éden est bien près des établissements des premiers hommes, tandis que par la mer, il nous a fallu plusieurs journées pour atteindre l'embouchure du fleuve, seul endroit accessible de la côte. Il me semble que, si nous faisions quelques pas de plus, nous apercevrions les dernières élévations du plateau et les sommets bénis de nos montagnes d'Éden.

—Oh! si je le croyais, dit Leucippe, cette vue calmerait mon âme blessée de ta blessure, et la pensée que je suis plus près de ma mère chérie m'aiderait peut-être à supporter la longueur de notre séparation.

Ils marchèrent tout le reste du jour; ils dormirent sous les ombrages, et, le lendemain, ils reconnurent les cimes sublimes des montagnes d'Éden, dont ils suivaient la base abrupte et impénétrable avec une émotion ardente et presque désolée.

—Ah! que ces oiseaux sont heureux! disait Leucippe en regardant les aigles tournoyer comme des points noirs à peine saisissables au-dessus des crêtes blanchies par l'aube. D'où ils sont, ils voient notre jardin de délices, notre belle et chère demeure, et peut-être notre divine Téleïa cultivant nos fleurs et faisant manger dans sa main nos biches favorites.

Le bruit d'un torrent attirait leurs pas. Evenor, devançant sa compagne, reconnut l'ancienne brèche fermée par le tremblement de terre. De ce côté, elle était facile à escalader. Il pria Leucippe de l'attendre, et bientôt elle entendit un cri de surprise et de joie. Evenor, caché dans les rochers, reparut et lui dit des paroles que l'éloignement ne lui permit pas de saisir. Impatiente, elle gravit hardiment jusqu'à lui et le vit occupé à entailler la montagne avec sa hache. La roche, tendre et friable en cet endroit, avait cédé à l'effort des eaux et s'était trouée. Evenor élargissait l'ouverture avec ardeur, se disant que, si le bloc était partout de même nature, quelques heures de travail lui suffiraient peut-être pour s'y creuser un passage.

Tandis qu'il s'y passionnait, Leucippe alla lui chercher des fruits pour étancher sa soif, et, comme elle suivait avec précaution la corniche du rocher pour approcher d'une touffe de fraisiers, elle vit une ouverture plus large et antérieure au travail des eaux, d'où la terre et les graviers s'étaient détachés récemment. Elle y entra et, en peu d'instants, elle aperçut l'Éden. Alors elle revint, essoufflée et triomphante, vers son époux.

—Laisse là ce travail, lui dit-elle. Une porte s'est ouverte d'elle-même depuis notre départ. Bénissons le ciel qui nous a permis de la trouver!

Plusieurs saisons s'étaient écoulées déjà depuis que les époux avaient quitté leur solitude, et il leur semblait que c'étaient des années, car le temps se mesure aux émotions plus qu'à la durée. Traverser l'Éden fut pour eux comme un rêve. Leucippe volait plutôt qu'elle ne marchait, et elle ne s'arrêta pas un instant pour regarder sa cabane. Elle cherchait sa dive bien-aimée, et quand elle arriva au Ténare, inquiète, haletante, elle se sentit faiblir comme au pressentiment d'un grand malheur. Evenor la soutint pour entrer dans la grotte: la grotte était déserte. Le lit de peau d'ours était dérangé et traînant; la louve apprivoisée par Téleïa s'en était emparée et y nourrissait ses petits. Elle gronda d'abord, puis, reconnaissant Leucippe, elle vint ramper à ses pieds.

—Oh! ma mère n'est plus, s'écria Leucippe, et je n'ai pas recueilli son dernier souffle! Malheur à moi! malheur à notre exil sur la terre des hommes!

Elle se traîna jusqu'aux rochers de la solfatare et y pénétra, oubliant la défense que Téleïa lui avait faite autrefois d'en approcher et ne songeant plus qu'à retrouver les restes de cette mère chérie. Des vapeurs suffocantes sortaient de l'abîme, et Evenor arrêta sa femme avec effroi en la voyant pâlir et perdre la respiration.

—J'irai, lui dit-il; au nom du ciel, reste ici!

En ce moment des hurlements plaintifs se firent entendre et les chiens de la dive, sortant du gouffre, vinrent, comme avait fait la louve, caresser tristement Leucippe.

—Viens, dit Leucippe à son époux; puisque ces animaux fidèles ont pu braver l'air embrasé de ces cavernes, nous le pouvons, nous qui avons la volonté, et s'ils sont là, c'est que, morte ou vivante, celle qu'ils aiment y est aussi.

Ils pénétrèrent dans les cavernes et y trouvèrent la dive étendue sur une cendre blanchâtre, éclairée par les livides reflets d'un jour bleu, dont le foyer ne semblait être nulle part. En approchant davantage, ils virent que ce pâle rayonnement émanait d'elle, et ils contemplèrent son visage immobile et ses yeux éteints. Leucippe la crut morte, et, sans éprouver ni terreur ni dégoût, elle s'agenouilla pour baiser son front glacé et poli comme celui d'une statue de marbre, tandis qu'Evenor interrogeait la roideur de ses mains, qui semblaient s'être pétrifiées.

La dive respirait encore. Elle ne fut pas ranimée par le baiser de Leucippe, mais elle le sentit dans son cœur, car tout son corps était paralysé par l'action d'une mort qui se présentait avec des phénomènes particuliers, étrangers à la race humaine. Sans faire un mouvement et sans essayer seulement un regard, elle parla. Elle parla d'une voix qui n'avait plus de timbre et qui ressemblait au clapotement des eaux souterraines:

—Que Dieu est bon! dit-elle. Il permet que mes enfants bien-aimés viennent me bénir à ma dernière heure! Leucippe, je ne te vois plus; Evenor, je ne puis plus t'entendre; ne me parlez pas, ne touchez pas à mon corps, il n'est plus; il est tout enseveli, car il est bien où il est. Mon âme seule vous parle, écoutez-la! Dans un instant, elle sera dans un plus bel astre. Elle n'est encore ici que parce qu'elle vous attendait. Elle sait ce que vous avez fait depuis notre séparation; car, grâce au divin prodige de la mort, elle voit, pour un instant, dans le temps et dans l'espace. Votre mission n'est pas finie. Elle va se décider. Retournez d'où vous venez, vous y êtes nécessaires et vous devez y rester tant qu'il vous sera possible. Mais ne vous affligez pas: bientôt vous serez dans l'Éden avec une tribu docile et choisie que vous ne devez jamais abandonner. Oui c'est là, dans l'Éden, que Dieu récompensera votre soumission en bénissant votre hyménée; c'est là que des enfants naîtront de vous. A présent, adieu! Croyez! je vois… Espérez! je saisis!… Aimez-vous, Dieu nous aime… Je vous bénis… O liberté! le lien se brise… la vie m'appelle, la mort me quitte… J'entends des voix lointaines… Mes enfants… Ah! les âmes sont bien heureuses quand elles quittent cette prison du corps! A présent, sortez et ne revenez plus, car un grand mystère va s'accomplir. Allez!…

Elle cessa de se faire entendre. Evenor et Leucippe étaient frappés de stupeur, car elle avait parlé sans que ses lèvres fissent aucun mouvement, et même sa voix ne semblait pas sortir d'elle, mais planer au-dessus d'elle. Le rayonnement qui l'enveloppait pâlit au-dessus d'elle. La caverne rentra dans les ténèbres. Les chiens, qui se tenaient à l'entrée, s'enfuirent en hurlant. Evenor emporta Leucippe, qui, dans cet air lourd et brûlant de la bouche volcanique, avait perdu connaissance. Il la porta jusque dans l'Éden, et c'est là seulement qu'elle put pleurer sur le sein de son époux la dive qui l'avait tant aimée.

Elle voulait retourner auprès de son cadavre, mais Evenor lui rappela qu'en d'autres temps Téleïa leur avait ordonné, dans le cas où elle serait surprise par la mort, de la porter dans la caverne du Ténare, où elle voulait être abandonnée à l'action dissolvante de cette étuve naturelle où s'était consumée la poussière de ses parents, de son époux et de ses deux enfants.

Evenor, à genoux près de sa chère Leucippe dans la cabane de l'Éden, lui rendit le courage par l'effusion de sa tendresse sans bornes. Il lui demanda pardon du mouvement de faiblesse et d'égoïsme qu'il avait eu la veille et qu'il sentait maintenant indigne d'elle, indigne de la sagesse enseignée par Téleïa, et indigne de lui-même.

—Partons, lui dit-il, retournons vers nos frères, et, que la dive ait prophétisé ou rêvé le sort qui nous est promis, accomplissons jusqu'au bout avec patience la tâche qui nous est confiée. S'il m'arrive encore, homme faible et vain que je suis, de prendre la souffrance de mon orgueil pour la sainteté de ma mission, rappelle-moi, Leucippe, que j'ai été appelé du nom de fils par la plus céleste des dives, que j'ai reçu d'elle la lumière de l'amour et obtenu de toi l'amour de la plus céleste des femmes. Si, en songeant à tant de gloire et de bonheur, je manque de patience avec les hommes de ma race, menace-moi de la sévérité du ciel, car j'aurai mérité d'expier ma folie et mon ingratitude. Mais non! ceci n'arrivera point, car je sens que je dois maintenant m'élever au-dessus de moi-même. Ma confiance dans la suprême sagesse de Téleïa me rendait peut-être paresseux à me combattre. Si je tarde à montrer de la force et de la vertu, me disais-je, elle en aura pour moi et réparera dans le cœur de ma bien-aimée Leucippe le tort que je m'y serai fait par ma faiblesse. A présent, Leucippe, si j'ébranlais ta foi par mes doutes et ton courage par mes abattements, qui donc te consolerait dans cette détresse que partagerait ton amour? Quelle main essuierait les pleurs que tu verserais en secret, en essuyant mes pleurs indiscrets et lâches? Il te faudrait donc à ton tour, comme Téleïa, avoir de la force pour deux; et moi, je te laisserais porter un double fardeau? Non, non, je veux et je dois être désormais plus que ton frère et plus que ton époux; je veux être le père et la mère que les flots t'ont ravis; et si je ne puis te donner les trésors de science divine que possédait la dive adorée, je veux du moins te rendre sa tendresse délicate et son dévouement maternel.

—O le bien-aimé de mon âme! dit Leucippe, pardonne-moi, à ton tour, le déchirement de mon cœur. Tu le vois, c'est moi qui suis faible, puisque j'ai tant de larmes pour ma dive, quand je ne devrais songer qu'à consoler ta propre douleur, aussi grande, aussi profonde que la mienne. Est-ce donc ainsi qu'elle m'avait appris à t'aimer, elle qui me disait sans cesse: «Nos propres douleurs ne sont rien en comparaison du mal qu'elles font à ceux qui nous chérissent. Tuons donc en silence nos propres peines, et soyons-en consolés par la joie de les leur avoir épargnées!» A ton tour, Evenor, il faudra me rappeler l'exquise tendresse de la dive, quand je penserai trop à elle sans m'occuper des regrets que je réveillerai dans ton cœur. Ne m'a-t-elle pas dit en te donnant à moi: «Voici ton père et ta mère dans ton frère et dans ton époux?»

Evenor et Leucippe quittèrent l'Éden suivis des chiens de Téleïa, qui ne voulaient plus les quitter, et ils furent, dès le lendemain, de retour à la tribu.

Une grande agitation y régnait. Sath et une partie considérable des hommes forts de sa tribu y étaient revenus, non dans le désir de se réconcilier avec les anciens ni avec les exilés, mais avec la tentation de les déposséder de cette région, la plus fertile et la plus saine du plateau, à moins qu'ils ne voulussent subir tous les caprices de leur despotisme. Ces hommes, qui s'intitulaient les libres, ne comprenaient la liberté que pour eux-mêmes. Celle des autres ne leur était rien, et l'esprit de caste s'était emparé d'eux à ce point, qu'ils avaient cherché les exilés dans les forêts maritimes avec le projet de les employer à leur service, de les faire chasser pour eux, de les nourrir et de les loger à leur guise, en un mot, de les réduire en esclavage. Tel était le résultat de l'énergie sans cœur et de l'activité sans lumière de leur chef, le redoutable Sath.

Une raison plus personnelle encore avait déterminé celui-ci à venir poursuivre les exilés jusque dans la tribu des anciens. Il avait perdu sa femme, elle était morte par suite de ses mauvais traitements. Il n'avait osé exiger d'aucun de ses hardis compagnons le sacrifice de son amour, et il comptait trouver dans la tribu une vierge encore libre, ou une épouse mal défendue.

La plupart des réconciliés, enseignés et inspirés par Evenor et Leucippe, s'étaient comportés avec tant de sagesse depuis leur retour, que les anciens crurent pouvoir accueillir les libres avec confiance; mais, depuis deux jours qu'ils étaient là, déjà les libres parlaient en maîtres, déjà Sath exigeait qu'on lui livrât la jeune Lith, la seule fille de la tribu qui attendît encore le jour de son union. Elle était naturellement fiancée à Ops, qui était le dernier des jeunes gens à marier, les convenances de l'âge ne comportant pas de meilleur choix réciproque, et les deux adolescents s'étant promis l'un à l'autre. Lith éprouvait en outre pour Sath une vive répugnance, et ses parents, effrayés, alléguèrent qu'elle n'était pas encore nubile. Mais Sath ne tenait point de compte de leur refus et se préparait à enlever la jeune fille, lorsque Evenor, à peine rentré chez sa mère, fut adjuré par cette famille alarmée et par celle d'Ops, qui était la sienne propre, de leur venir en aide.

Evenor se rendit auprès de Sath, suivi de Leucippe, qui ne voyait pas sans terreur cette conférence, mais qui se tint dehors, pendant que son époux entrait dans la cabane où, installé chez ses propres parents comme en pays conquis, le superbe chef des libres, presque nu, ceint d'un court sayon de peau de sanglier, beau d'une beauté rude et sauvage, toujours jouant avec sa massue comme prêt à frapper quiconque lui résisterait, se raillait des remontrances de son père et commandait à sa propre mère comme à une servante.

Evenor lui parla avec adresse et douceur, invoquant leur parenté, leurs souvenirs d'enfance, et s'efforçant de lui faire comprendre le respect dû à la liberté d'autrui. Sath répondit avec mépris, puis avec menace, et comme il élevait sa voix rauque et tonnante, Leucippe alarmée entra avec Ops et s'approcha vivement de son mari.

A la vue de cette créature, alors sans égale sur la terre, le farouche Sath se sentit un moment vaincu et intimidé. Il parut même adouci et promit de réfléchir.

Mais à peine les époux se furent-ils retirés, que Sath alla trouver ses compagnons:

—J'ai vu la femme d'Evenor, leur dit-il; elle ne ressemble à aucune autre, et je la veux.

Tous lui promirent qu'il l'aurait. Contents de le voir épris de cette femme, ils pensaient, en l'aidant à s'en emparer, préserver les leurs à jamais de ses tentatives; mais, le lendemain, quand ils eurent vu Leucippe, leurs propres compagnes ne leur inspirèrent plus que dédain, et plusieurs résolurent de l'enlever pour leur compte.

Leucippe fut épouvantée des regards audacieux et ardents qui se fixaient sur elle.

—Que crains-tu? lui dit Evenor, ne suis-je pas là pour te défendre?

—Que pourras-tu seul contre eux tous? répondit Leucippe. La tribu voudra-t-elle s'engager dans une querelle sanglante pour une cause particulière? Ce brutal Sath te hait, ses compagnons sont plus forts et plus nombreux que les nôtres, et d'ailleurs attendrons-nous qu'un combat s'engage? Ne vois-tu pas que ces hommes ne sont accessibles à aucune sagesse, à aucune raison? Fuyons, mon cher Evenor, réfugions-nous dans l'Éden. Il nous sera facile de nous y fortifier contre leurs attaques, si jamais ils découvrent l'entrée mystérieuse que la Providence nous a fait trouver.

Evenor, retenu par un reste d'orgueil, et aussi par un sentiment de juste fierté et de vrai courage, répugnait à la fuite. Il ne pouvait se persuader que Sath voulût en venir aux mains, et il pensait que son attitude énergique et celle de ses amis imposeraient aux libres; mais il apprit avec douleur, dans la journée, que plusieurs des anciens et presque tous les jeunes gens des deux sexes de la tribu sédentaire s'étaient enfuis avec Mos. Mos avait plus de haine que de courage, et, quand il n'était pas soutenu par l'exaltation fanatique, il était craintif et abattu. D'ailleurs, depuis longtemps, il méditait d'entraîner avec lui les adhérents qu'il avait su conquérir, et d'aller former avec eux un établissement où l'influence d'Evenor ne balancerait plus la sienne.

Evenor espéra encore que les anciens sauraient faire prévaloir leur autorité morale pour empêcher une iniquité. Il alla les trouver avec Leucippe pendant que Sath, de son côté, animait ses compagnons. Evenor trouva des vieillards nonchalants qui aimaient mieux céder que de lutter; et, comme il revenait, affligé et pensif vers sa cabane, voulant cependant douter encore de la malice de Sath, il vit ses parents au milieu de ses amis qui se consultaient avec anxiété.

Ops vint au-devant de lui et lui dit:

—Sath est venu ici avec quelques-uns des siens; il a exigé qu'on remît ce soir Leucippe entre ses mains. Sur notre refus de transmettre à Leucippe un pareil ordre, il s'est retiré en riant, et, à présent, il s'apprête certainement à employer la force. Nous nous sommes donc rassemblés autour de ta demeure, tandis que notre père s'efforce d'en réunir d'autres que nous pour la résistance; mais nous ne pouvons espérer d'atteindre un nombre égal à celui des libres. Donne-nous donc confiance et courage, car il nous faudra peut-être mourir en défendant Lith et Leucippe, et il faut que, du moins, notre dévouement leur soit utile.

—O Dieu! dit Leucippe, serai-je donc la cause de cette lutte fratricide! Je te l'ai dit, Evenor, il faut fuir.

Mais la fuite ne semblait pas possible. Il était trop tard, car les libres surveillaient tous les mouvements des réconciliés et de leur chef. Le père d'Evenor revint avec quelques-uns des hommes mûrs de la tribu (de ce nombre était la famille de Lith) qui avaient reçu la parole d'Evenor, et qui disaient: «La raison comme la justice nous commandent de protéger Leucippe; car si nous cédons aujourd'hui, demain, de nouveaux libres, veufs ou fatigués de leurs femmes, qu'ils ne savent point aimer, viendront nous demander nos filles avant même qu'elles soient nubiles, ou contre le vœu de leur cœur, et ils les feront mourir de lassitude et de chagrin avant l'âge de mourir, comme la femme de Sath est morte à la fleur de ses ans.»

Les femmes de ces hommes mûrs et celles de réconciliés, qui avaient pour Leucippe une tendresse enthousiaste et qui tremblaient du péril où s'engageaient leurs maris, voulurent aussi s'armer, et Leucippe, exaltée maintenant par le courage et le dévouement de la petite troupe, distribua les armes de métal, les flèches et les javelots qu'elle tenait de la dive, et s'arma elle-même, décidée à tuer plutôt que de laisser tuer son époux ou souiller sa chasteté.

Cependant le jour s'écoulait, et les libres, que l'on attendait d'un moment à l'autre, ne se déclaraient pas. La division avait éclaté entre eux, ainsi qu'il arrive dans toute mauvaise entreprise, et plusieurs, enflammés d'amour pour Leucippe, voulaient qu'après la victoire la possession de la fille des dives fût décidée par le sort. Des enfants, s'étant glissés autour de leur conseil, vinrent rendre compte à Evenor de cet incident. Evenor en prenait d'autant plus de confiance dans le triomphe de sa cause; mais Aïs, sa mère, voyant descendre les premières ombres de la nuit, qui s'annonçait chargée d'orage, lui parla ainsi:

—Voici que la fuite devient possible. Voici les libres rassemblés pour la dispute comme nous le sommes pour l'amitié. Dieu ne veut pas que le sang coule, et c'est lui qui a troublé l'accord des méchants pour favoriser notre départ. Que chaque mère prenne ses plus jeunes enfants, que chaque père veille sur les aînés, que chaque époux emmène sa femme, qu'Evenor et Leucippe soient nos guides et qu'ils nous conduisent dans ce pays de l'Éden où nous ferons une ville nouvelle et où nous adorerons le grand esprit protecteur des âmes justes.

La nouvelle colonie partit donc furtivement, n'emportant ni vêtements ni vases, n'emmenant aucun animal, excepté les chiens de la dive qui ne quittaient jamais les pas de Leucippe, et se rejoignant par petits groupes dans le bois où Evenor, parti le premier avec sa femme, les attendait pour ouvrir la marche.

A la lueur des éclairs et au bruit de la foudre, les fugitifs marchèrent une partie de la nuit, et, cette fois, le voyage ne dura que quelques heures, les chiens ayant ouvert une route plus directe et plus mystérieuse. Mais comme, aux approches de l'Éden, les enfants fatigués exigeaient que l'on prît une heure de repos, Evenor, qui veillait avec les hommes, s'aperçut qu'un des émigrants se tenait seul à quelque distance, et, lorsqu'il voulut approcher pour le reconnaître, cet homme s'éloigna et disparut dans l'épaisseur des branches.

—Nous avons été suivis, dit Evenor à son père qui avait déjà cru remarquer l'espion, et il faut nous tenir sur nos gardes.

Ils éveillèrent les femmes et l'on se remit en route sans rencontrer d'obstacle; mais comme on arrivait à la porte d'Éden, Sath, avec une petite bande déterminée qu'il avait réussi à rallier, s'y présenta. Le combat allait s'engager lorsqu'ils crurent voir une femme, toute rayonnante de lumière et d'une stature gigantesque, s'élancer à leur rencontre et leur présenter sa face enflammée. Leur terreur fut si grande qu'ils s'enfuirent en jetant leurs armes et en poussant des cris de détresse. Plusieurs tombaient en chemin comme terrassés par l'épouvante; d'autres ne s'arrêtèrent que sur les bords du fleuve qui les séparait du village des libres et qu'ils repassèrent le lendemain, en se jurant de ne jamais revenir sur leurs pas. Sath s'était éloigné sans exprimer sa frayeur par aucun signe trop apparent: mais, revenu chez les anciens, il fut pris de délire et faillit mourir. Revenu à la santé, il montra sinon plus de bonté, du moins plus de crainte quand ses compagnons lui rappelèrent l'apparition menaçante, et ses mœurs s'adoucirent au point qu'une réconciliation devint possible entre lui et ceux de l'ancienne tribu.

Quant à Evenor et à Leucippe, eux aussi avaient vu cette femme rayonnante qui les avait protégés; mais ils la virent autrement, et sa stature ne leur parut pas excéder de beaucoup celle des hommes. L'apparition ne se révéla point à leurs compagnons qui entrèrent dans l'Éden avec des transports de joie. Lorsque Evenor et Leucippe voulurent, avant de les y suivre, contempler la face de l'être mystérieux qui avait semblé jusque-là se dérober à leurs regards, il se retourna et ils reconnurent les traits adorés de la dive, resplendissants de jeunesse et de beauté.

Mais, avant qu'ils eussent pu s'élancer vers elle pour lui parler, elle avait disparu, et ils se demandèrent si ce qu'ils avaient vu était un rêve.

Leucippe, agitée et transportée, courut à la caverne du Ténare. Elle y trouva le cadavre de la dive déjà séché et noirci par la fumée volcanique et gisant pour jamais sur la poussière de sa race.

Le reste de la vie d'Evenor et de Leucippe se perd dans la nuit des temps inconnus. Il est probable que l'établissement dans l'Éden fut prospère et que l'âge d'or nouveau, éclairé des clartés de l'âge divin antérieur, y régna longtemps à l'insu des autres races. Cependant Evenor, fidèle aux préceptes de Téleïa, s'était juré, en rentrant dans la forteresse paradisiaque, de ne pas restreindre sa mission aux félicités morales de la famille et de la tribu. Il est à croire qu'il sortit plusieurs fois de l'Éden pour répandre la lumière dans les divers établissements que Sath, Mos, les anciens et les libres formèrent sur le plateau; mais l'histoire des âges fabuleux, qui n'est qu'une tradition poétique, à force de varier dans ses légendes et dans ses symboles multiples, laisse dans une ombre impénétrable les événements des civilisations primitives.

FIN.






End of the Project Gutenberg EBook of Evenor et Leucippe, by George Sand

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK EVENOR ET LEUCIPPE ***

***** This file should be named 58299-h.htm or 58299-h.zip *****
This and all associated files of various formats will be found in:
        http://www.gutenberg.org/5/8/2/9/58299/

Produced by Carlo Traverso, Laurent Vogel and the
Distributed Proofreading team at DP-test Italia. (This
file was produced from images generously made available
by The Internet Archive/Canadian Libraries)


Updated editions will replace the previous one--the old editions
will be renamed.

Creating the works from public domain print editions means that no
one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
(and you!) can copy and distribute it in the United States without
permission and without paying copyright royalties.  Special rules,
set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark.  Project
Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
charge for the eBooks, unless you receive specific permission.  If you
do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
rules is very easy.  You may use this eBook for nearly any purpose
such as creation of derivative works, reports, performances and
research.  They may be modified and printed and given away--you may do
practically ANYTHING with public domain eBooks.  Redistribution is
subject to the trademark license, especially commercial
redistribution.



*** START: FULL LICENSE ***

THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK

To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
distribution of electronic works, by using or distributing this work
(or any other work associated in any way with the phrase "Project
Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
Gutenberg-tm License (available with this file or online at
http://gutenberg.org/license).


Section 1.  General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
electronic works

1.A.  By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
and accept all the terms of this license and intellectual property
(trademark/copyright) agreement.  If you do not agree to abide by all
the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.

1.B.  "Project Gutenberg" is a registered trademark.  It may only be
used on or associated in any way with an electronic work by people who
agree to be bound by the terms of this agreement.  There are a few
things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
even without complying with the full terms of this agreement.  See
paragraph 1.C below.  There are a lot of things you can do with Project
Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
works.  See paragraph 1.E below.

1.C.  The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
Gutenberg-tm electronic works.  Nearly all the individual works in the
collection are in the public domain in the United States.  If an
individual work is in the public domain in the United States and you are
located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
are removed.  Of course, we hope that you will support the Project
Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
the work.  You can easily comply with the terms of this agreement by
keeping this work in the same format with its attached full Project
Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.

1.D.  The copyright laws of the place where you are located also govern
what you can do with this work.  Copyright laws in most countries are in
a constant state of change.  If you are outside the United States, check
the laws of your country in addition to the terms of this agreement
before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
creating derivative works based on this work or any other Project
Gutenberg-tm work.  The Foundation makes no representations concerning
the copyright status of any work in any country outside the United
States.

1.E.  Unless you have removed all references to Project Gutenberg:

1.E.1.  The following sentence, with active links to, or other immediate
access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
copied or distributed:

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org/license

1.E.2.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
and distributed to anyone in the United States without paying any fees
or charges.  If you are redistributing or providing access to a work
with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
1.E.9.

1.E.3.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
with the permission of the copyright holder, your use and distribution
must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
terms imposed by the copyright holder.  Additional terms will be linked
to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
permission of the copyright holder found at the beginning of this work.

1.E.4.  Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
License terms from this work, or any files containing a part of this
work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.

1.E.5.  Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
electronic work, or any part of this electronic work, without
prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
active links or immediate access to the full terms of the Project
Gutenberg-tm License.

1.E.6.  You may convert to and distribute this work in any binary,
compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
word processing or hypertext form.  However, if you provide access to or
distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
form.  Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
License as specified in paragraph 1.E.1.

1.E.7.  Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.8.  You may charge a reasonable fee for copies of or providing
access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
that

- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
     the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
     you already use to calculate your applicable taxes.  The fee is
     owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
     has agreed to donate royalties under this paragraph to the
     Project Gutenberg Literary Archive Foundation.  Royalty payments
     must be paid within 60 days following each date on which you
     prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
     returns.  Royalty payments should be clearly marked as such and
     sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
     address specified in Section 4, "Information about donations to
     the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."

- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
     you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
     does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
     License.  You must require such a user to return or
     destroy all copies of the works possessed in a physical medium
     and discontinue all use of and all access to other copies of
     Project Gutenberg-tm works.

- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
     money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
     electronic work is discovered and reported to you within 90 days
     of receipt of the work.

- You comply with all other terms of this agreement for free
     distribution of Project Gutenberg-tm works.

1.E.9.  If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
electronic work or group of works on different terms than are set
forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark.  Contact the
Foundation as set forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1.  Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
collection.  Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
works, and the medium on which they may be stored, may contain
"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
your equipment.

1.F.2.  LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
liability to you for damages, costs and expenses, including legal
fees.  YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3.  YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
DAMAGE.

1.F.3.  LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from.  If you
received the work on a physical medium, you must return the medium with
your written explanation.  The person or entity that provided you with
the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
refund.  If you received the work electronically, the person or entity
providing it to you may choose to give you a second opportunity to
receive the work electronically in lieu of a refund.  If the second copy
is also defective, you may demand a refund in writing without further
opportunities to fix the problem.

1.F.4.  Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5.  Some states do not allow disclaimers of certain implied
warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
the applicable state law.  The invalidity or unenforceability of any
provision of this agreement shall not void the remaining provisions.

1.F.6.  INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
with this agreement, and any volunteers associated with the production,
promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
that arise directly or indirectly from any of the following which you do
or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.


Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf.org.  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     gbnewby@pglaf.org


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit http://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States.  U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses.  Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations.
To donate, please visit: http://pglaf.org/donate


Section 5.  General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.

Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.


Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included.  Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.


Most people start at our Web site which has the main PG search facility:

     http://www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.