La Nuit a paru dans le Gil-Blas du mardi 14 juin 1887.


L’ENFANT.

On parlait, après le dîner, d’un avortement qui venait d’avoir lieu dans la commune. La baronne s’indignait: Était-ce possible, une chose pareille! La fille, séduite par un garçon boucher, avait jeté son enfant dans une marnière! Quelle horreur! On avait même prouvé que le pauvre petit être n’était pas mort sur le coup.

Le médecin, qui dînait au château ce soir-là, donnait des détails horribles d’un air tranquille, et il paraissait émerveillé du courage de la misérable mère, qui avait fait deux kilomètres à pied, ayant accouché toute seule, pour assassiner son enfant. Il répétait: «Elle est en fer, cette femme! Et quelle énergie sauvage il lui a fallu pour traverser le bois, la nuit, avec son petit qui gémissait dans ses bras! Je demeure éperdu devant de pareilles souffrances morales. Songez donc à l’épouvante de cette âme, au déchirement de ce cœur! Comme la vie est odieuse et misérable! D’infâmes préjugés, oui, madame, d’infâmes préjugés, un faux honneur, plus abominable que le crime, toute une accumulation de sentiments factices, d’honorabilité odieuse, de révoltante honnêteté poussent à l’assassinat, à l’infanticide, de pauvres filles qui ont obéi sans résistance à la loi impérieuse de la vie. Quelle honte pour l’humanité d’avoir établi une pareille morale et fait un crime de l’embrassement libre de deux êtres!

La baronne était devenue pâle d’indignation.

Elle répliqua: «Alors, docteur, vous mettez le vice au-dessus de la vertu, la prostituée avant l’honnête femme! Celle qui s’abandonne à ses instincts honteux vous paraît l’égale de l’épouse irréprochable qui accomplit son devoir dans l’intégrité de sa conscience!»

Le médecin, un vieux homme qui avait touché à bien des plaies, se leva, et, d’une voix forte:

—Vous parlez, madame, de choses que vous ignorez, n’ayant point connu les invincibles passions. Laissez-moi vous dire une aventure récente dont je fus témoin.

Oh! madame, soyez toujours indulgente, et bonne, et miséricordieuse; vous ne savez pas! Malheur à ceux à qui la perfide nature a donné des sens inapaisables! Les gens calmes nés sans instincts violents, vivent honnêtes, par nécessité. Le devoir est facile à ceux que ne torturent jamais les désirs enragés. Je vois des petites bourgeoises au sang froid, aux mœurs rigides, d’un esprit moyen et d’un cœur modéré, pousser des cris d’indignation quand elles apprennent les fautes des femmes tombées.

Ah! vous dormez tranquille dans un lit pacifique que ne hantent point les rêves éperdus. Ceux qui vous entourent sont comme vous, font comme vous, préservés par la sagesse instinctive de leurs sens. Vous luttez à peine contre des apparences d’entraînement. Seul, votre esprit suit parfois des pensées malsaines, sans que tout votre corps se soulève rien qu’à l’effleurement de l’idée tentatrice.

Mais chez ceux-là que le hasard a faits passionnés, madame, les sens sont invincibles. Pouvez-vous arrêter le vent, pouvez-vous arrêter la mer démontée? Pouvez-vous entraver les forces de la nature? Non. Les sens aussi sont des forces de la nature, invincibles comme la mer et le vent. Ils soulèvent et entraînent l’homme et le jettent à la volupté sans qu’il puisse résister à la véhémence de son désir. Les femmes irréprochables sont les femmes sans tempérament. Elles sont nombreuses. Je ne leur sais pas gré de leur vertu, car elles n’ont pas à lutter. Mais jamais, entendez-vous, jamais une Messaline, une Catherine ne sera sage. Elle ne le peut pas. Elle est créée pour la caresse furieuse! Ses organes ne ressemblent point aux vôtres, sa chair est différente, plus vibrante, plus affolée au moindre contact d’une autre chair; et ses nerfs travaillent, la bouleversent et la domptent alors que les vôtres n’ont rien ressenti. Essayez donc de nourrir un épervier avec les petits grains ronds que vous donnez au perroquet? Ce sont deux oiseaux pourtant qui ont un gros bec crochu. Mais leurs instincts sont différents.

Oh! les sens! Si vous saviez quelle puissance ils ont. Les sens qui vous tiennent haletant pendant des nuits entières, la peau chaude, le cœur précipité, l’esprit harcelé de visions affolantes! Voyez-vous, madame, les gens à principes inflexibles sont tout simplement des gens froids, désespérément jaloux des autres, sans le savoir.

Écoutez-moi:

«Celle que j’appellerai Mme Hélène avait des sens. Elle les avait eus dès sa petite enfance. Chez elle ils s’étaient éveillés alors que la parole commence. Vous me direz que c’était une malade. Pourquoi? N’êtes-vous pas plutôt des affaiblis? On me consulta lorsqu’elle avait douze ans. Je constatai qu’elle était femme déjà et harcelée sans repos par des désirs d’amour. Rien qu’à la voir on le sentait. Elle avait des lèvres grasses, retournées, ouvertes comme des fleurs, un cou fort, une peau chaude, un nez large, un peu ouvert et palpitant, de grands yeux clairs dont le regard allumait les hommes.

Qui donc aurait pu calmer le sang de cette bête ardente? Elle passait des nuits à pleurer sans cause. Elle souffrait à mourir de rester sans mâle.

A quinze ans, enfin, on la maria. Deux ans plus tard, son mari mourait poitrinaire. Elle l’avait épuisé. Un autre en dix-huit mois eut le même sort. Le troisième résista quatre ans, puis la quitta. Il était temps.

Demeurée seule, elle voulut rester sage. Elle avait tous vos préjugés. Un jour enfin elle m’appela, ayant des crises nerveuses qui l’inquiétaient. Je reconnus immédiatement qu’elle allait mourir de son veuvage. Je le lui dis. C’était une honnête femme, madame; malgré les tortures qu’elle endurait, elle ne voulut pas suivre mon conseil de prendre un amant.

Dans le pays on la disait folle. Elle sortait la nuit et faisait des courses désordonnées pour affaiblir son corps révolté. Puis elle tombait en des syncopes que suivaient des spasmes effrayants.

Elle vivait seule en son château proche du château de sa mère et de ceux de ses parents. Je l’allais voir de temps en temps, ne sachant que faire contre cette volonté acharnée de la nature ou contre sa volonté à elle.

Or, un soir, vers huit heures, elle entra chez moi comme je finissais de dîner. A peine fûmes-nous seuls, elle me dit:

—Je suis perdue. Je suis enceinte!

Je fis un soubresaut sur ma chaise.

—Vous dites?

—Je suis enceinte.

—Vous?

—Oui, moi.

Et brusquement, d’une voix saccadée, en me regardant bien en face:

—Enceinte de mon jardinier, docteur. J’ai eu un commencement d’évanouissement en me promenant dans le parc. L’homme, m’ayant vue tomber, est accouru et m’a prise en ses bras pour m’emporter. Qu’ai-je fait? Je ne le sais plus! L’ai-je étreint, embrassé? Peut-être. Vous connaissez ma misère et ma honte. Enfin il m’a possédée! Je suis coupable, car je me suis encore donnée le lendemain de la même façon et d’autres fois encore. C’était fini. Je ne savais plus résister!...

Elle eut dans la gorge un sanglot, puis reprit d’une voix fière:

—Je le payais, je préférais cela à l’amant que vous me conseilliez de prendre. Il m’a rendue grosse. Oh! je me confesse à vous sans réserve et sans hésitations. J’ai essayé de me faire avorter. J’ai pris des bains brûlants, j’ai monté des chevaux difficiles, j’ai fait du trapèze, j’ai bu des drogues, de l’absinthe, du safran, d’autres encore. Mais je n’ai point réussi. Vous connaissez mon père, mes frères? Je suis perdue. Ma sœur est mariée à un honnête homme. Ma honte aussi rejaillira sur eux. Et songez à tous nos amis, à tous nos voisins, à notre nom..., ma mère...

Elle se mit à sangloter. Je lui pris les mains et je l’interrogeai. Puis je lui donnai le conseil de faire un long voyage et d’aller accoucher au loin.

Elle répondait: «Oui... oui... oui... c’est cela..., sans avoir l’air d’écouter.

Puis elle partit.

J’allai la voir plusieurs fois. Elle devenait folle. L’idée de cet enfant grandissant dans son ventre, de cette honte vivante lui était entrée dans l’âme comme une flèche aiguë. Elle y pensait sans repos, n’osait plus sortir le jour, ni voir personne de peur qu’on ne découvrît son abominable secret. Chaque soir elle se dévêtait devant son armoire à glace et regardait son flanc déformé; puis elle se jetait par terre une serviette dans la bouche, pour étouffer ses cris. Vingt fois par nuit elle se relevait, allumait sa bougie et retournait devant le large miroir qui lui renvoyait l’image bosselée de son corps nu. Alors, éperdue, elle se frappait le ventre à coups de poing pour le tuer, cet être qui la perdait. C’était entre eux une lutte terrible. Mais il ne mourait pas; et, sans cesse, il s’agitait comme s’il se fût défendu. Elle se roulait sur le parquet pour l’écraser contre terre; elle essaya de dormir avec un poids sur le corps pour l’étouffer. Elle le haïssait comme on hait l’ennemi acharné qui menace votre vie.

Après ces luttes inutiles, ces impuissants efforts pour se débarrasser de lui, elle se sauvait par les champs, courant éperdument, folle de malheur et d’épouvante.

On la ramassa un matin, les pieds dans un ruisseau, les yeux égarés; on crut qu’elle avait un accès de délire, mais on ne s’aperçut de rien.

Une idée fixe la tenait. Oter de son corps cet enfant maudit.

Or sa mère, un soir, lui dit en riant: «Comme tu engraisses, Hélène; si tu étais mariée, je te croirais enceinte.»

Elle dut recevoir un coup mortel de ces paroles. Elle partit presque aussitôt et rentra chez elle.

Que fit-elle? Sans doute encore elle regarda longtemps son ventre enflé; sans doute, elle le frappa, le meurtrit, le heurta aux angles des meubles comme elle faisait chaque soir. Puis elle descendit, nu-pieds, à la cuisine, ouvrit l’armoire et prit le grand couteau qui sert à couper les viandes. Elle remonta, alluma quatre bougies et s’assit, sur une chaise d’osier tressé, devant sa glace.

Alors, exaspérée de haine contre cet embryon inconnu et redoutable, le voulant arracher et tuer enfin, le voulant tenir en ses mains, étrangler et jeter au loin, elle pressa la place où remuait cette larve et d’un seul coup de la lame aiguë elle se fendit le ventre.

Oh! elle opéra, certes, très vite et très bien, car elle le saisit, cet ennemi qu’elle n’avait pu encore atteindre. Elle le prit par une jambe, l’arracha d’elle et le voulut lancer dans la cendre du foyer. Mais il tenait par des liens qu’elle n’avait pu trancher, et, avant qu’elle eût compris peut-être ce qui lui restait à faire pour se séparer de lui, elle tomba inanimée sur l’enfant noyé dans un flot de sang.

Fut-elle bien coupable, madame?»

Le médecin se tut et attendit. La baronne ne répondit pas.

L’Enfant a paru dans le Gil-Blas du mardi 18 septembre 1883.


EN VOYAGE.

Sainte-Agnès, 6 mai.

Ma chère Amie,

Vous m’avez demandé de vous écrire souvent et de vous raconter surtout des choses que j’aurai vues. Vous m’avez aussi prié de fouiller dans mes souvenirs de voyages pour y retrouver ces courtes anecdoctes qui, apprises d’un paysan qu’on a rencontré, d’un hôtelier, d’un inconnu qui passait, laissent dans la mémoire comme une marque sur un pays. Avec un paysage brossé en quelques lignes, et une petite histoire dite en quelques phrases, on peut donner, croyez-vous, le vrai caractère d’un pays, le faire vivant, visible, dramatique. J’essayerai, selon votre désir. Je vous enverrai donc, de temps en temps, des lettres où je ne parlerai ni de vous ni de moi, mais seulement de l’horizon, et des hommes qui s’y meuvent. Et je commence.

Le printemps est une époque où il faut, me semble-t-il, boire et manger du paysage. C’est la saison des frissons, comme l’automne est la saison des pensées. Au printemps la campagne émeut la chair, à l’automne elle pénètre l’esprit.

J’ai voulu, cette année, respirer de la fleur d’oranger et je suis parti pour le Midi, à l’heure où tout le monde en revient. J’ai franchi Monaco, la ville des pèlerins, rivale de la Mecque et de Jérusalem, sans laisser d’or dans la poche d’autrui; et j’ai gravi la haute montagne sous un plafond de citronniers, d’orangers et d’oliviers.

Avez-vous jamais dormi, mon amie, dans un champ d’orangers fleuris? L’air qu’on aspire délicieusement est une quintessence de parfums. Cette senteur violente et douce, savoureuse comme une friandise, semble se mêler à nous, nous imprègne, nous enivre, nous alanguit, nous verse une torpeur somnolente et rêvante. On dirait un opium préparé par la main des fées et non par celle des pharmaciens.

C’est ici le pays des ravins. Les croupes de la montagne sont tailladées, échancrées partout, et dans ces replis sinueux poussent de vraies forêts de citronniers. De place en place, quand le val rapide s’arrête à une espèce de marche, les hommes ont maçonné un réservoir qui retient l’eau des orages. Ce sont de grands trous aux murailles lisses, où rien de saillant ne s’offre à la main de celui qui tomberait là.

J’allais lentement par un des vallons montants, regardant à travers les feuillages les fruits brillants restés aux branches. La gorge enserrée rendait plus pénétrante les senteurs lourdes des fleurs; l’air, là dedans, en semblait épaissi. Une lassitude me prit et je cherchai à m’asseoir. Quelques gouttes d’eau glissaient dans l’herbe; je crus qu’une source était voisine, et je gravis un peu plus haut pour la trouver. Mais j’arrivai sur les bords d’un de ces grands et profonds réservoirs.

Je m’assis à la turque, les jambes croisées, et je restai rêvassant devant ce trou, qui paraissait rempli d’encre tant le liquide en était noir et stagnant. Là-bas, à travers les branches, j’apercevais, comme des taches, des morceaux de la Méditerranée, luisante à m’aveugler. Mais toujours mon regard retombait sur le vaste et sombre puits qu’aucune bête nageante ne semblait même habiter, tant la surface en demeurait immobile.

Soudain une voix me fit tressaillir. Un vieux monsieur, qui cherchait des fleurs (car cette contrée est la plus riche de l’Europe pour les herborisants), me demandait:

—Est-ce que vous êtes, monsieur, un parent de ces pauvres enfants?

Je le regardai stupéfait.

—Quels enfants? monsieur?

Alors il parut embarrassé et reprit en saluant:

—Je vous demande pardon. En vous voyant ainsi absorbé devant ce réservoir, j’ai cru que vous pensiez au drame affreux qui s’est passé là.

Cette fois je voulus savoir et je le priai de me raconter cette histoire.

Elle est bien sombre et bien navrante, ma chère amie, et bien banale en même temps. C’est un simple fait-divers. Je ne sais s’il faut attribuer mon émotion à la manière dramatique dont la chose me fut dite, au décor des montagnes, au contraste de cette joie du soleil et des fleurs avec le trou noir et meurtrier, mais j’eus le cœur tordu, tous les nerfs secoués par ce récit qui, peut-être, ne vous paraîtra point si terriblement poignant en le lisant dans votre chambre sans avoir sous les yeux le paysage du drame.

C’était au printemps de l’une des dernières années. Deux petits garçons venaient souvent jouer au bord de cette citerne, tandis que leur précepteur lisait quelque livre, couché sous un arbre. Or, par une chaude après-midi, un cri vibrant réveilla l’homme qui sommeillait, et un bruit d’eau jaillissant sous une chute le fit se dresser brusquement. Le plus jeune des enfants, âgé de onze ans, hurlait, debout près du bassin, dont la nappe, remuée, frémissait, refermée sur l’aîné qui venait d’y tomber en courant le long de la corniche de pierre.

Éperdu, sans rien attendre, sans réfléchir aux moyens, le précepteur sauta dans le gouffre, et ne reparut pas, s’étant heurté le crâne au fond.

Au même moment, le jeune garçon, revenu sur l’eau, agitait les bras tendus vers son frère. Alors, l’enfant, resté sur terre, se coucha, s’allongea, tandis que l’autre essayait de nager, d’approcher du mur, et bientôt les quatre petites mains se saisirent, se serrèrent, crispées, liées ensemble. Ils eurent tous deux la joie aiguë de la vie sauvée, le tressaillement du péril passé.

Et l’aîné essayait de monter, mais il n’y put parvenir, le mur étant droit; et le frère, trop faible, glissait lentement vers le trou.

Alors ils demeurèrent immobiles, ressaisis par l’épouvante. Et ils attendirent.

Le plus petit serrait de toute sa force les mains du plus grand, et il pleurait nerveusement en répétant: «Je ne peux pas te tirer, je ne peux pas te tirer.» Et soudain il se mit à crier: «Au secours! au secours!» Mais sa voix grêle perçait à peine le dôme de feuillage sur leurs têtes.

Ils restèrent là longtemps, des heures et des heures, face à face, ces deux enfants, avec la même pensée, la même angoisse, et la peur affreuse que l’un des deux, épuisé, desserrât ses faibles mains. Et ils appelaient, toujours en vain.

Enfin le plus grand qui tremblait de froid dit au petit: «Je ne peux plus. Je vais tomber. Adieu, petit frère.» Et l’autre, haletant, répétait: «Pas encore, pas encore, attends.» Le soir vint, le soir tranquille, avec ses étoiles mirées dans l’eau.

L’aîné, défaillant, reprit: «Lâche-moi une main, je vais te donner ma montre.» Il l’avait reçue en cadeau quelques jours auparavant; et c’était, depuis lors, la plus grande préoccupation de son cœur. Il put la prendre, la tendit, et le petit, qui sanglotait, la déposa sur l’herbe auprès de lui.

La nuit était complète. Les deux misérables êtres, anéantis, ne se tenaient plus qu’à peine. Le grand, enfin, se sentant perdu, murmura encore: «Adieu, petit frère, embrasse maman et papa.» Et ses doigts paralysés s’ouvrirent. Il plongea et ne reparut plus...

Le petit, resté seul, se mit à l’appeler furieusement: «Paul! Paul!»; mais l’autre ne revenait point.

Alors il s’élança dans la montagne, tombant dans les pierres, bouleversé par la plus effroyable angoisse qui puisse étreindre un cœur d’enfant, et il arriva, avec une figure de mort, dans le salon où attendaient ses parents. Et il se perdit de nouveau en les amenant au sombre réservoir. Il ne retrouvait plus sa route. Enfin il reconnut la place. «C’est là, oui, c’est là.»

Mais il fallut vider cette citerne; et le propriétaire ne le voulait point permettre, ayant besoin d’eau pour ses citronniers.

Enfin on retrouva les deux corps, le lendemain seulement.

Vous voyez, ma chère amie, que c’est là un simple fait-divers. Mais si vous aviez vu le trou lui-même, vous auriez été comme moi déchirée jusqu’au cœur, à la pensée de cette agonie d’un enfant pendu aux mains de son frère, de l’interminable lutte de ces gamins accoutumés seulement à rire et à jouer et de ce tout simple détail: la montre donnée.

Et je me disais: «Que le Hasard me préserve de jamais recevoir une semblable relique!» Je ne sais rien de plus épouvantable que ce souvenir attaché à l’objet familier qu’on ne peut quitter. Songez que chaque fois qu’il touchera cette montre sacrée, le survivant reverra l’horrible scène, la mare, le mur, l’eau calme, et la face décomposée de son frère vivant et aussi perdu que s’il était mort déjà. Et durant toute sa vie, à toute heure, la vision sera là, réveillée dès que du bout du doigt il touchera seulement son gousset.

Et je fus triste jusqu’au soir. Je quittai, montant toujours, la région des orangers pour la région des seuls oliviers, et celle des oliviers pour la région des pins; puis je passai dans une vallée de pierres, puis j’atteignis les ruines d’un antique château, bâti, affirme-t-on, au Xe siècle, par un chef sarrasin, homme sage, qui se fit baptiser par amour d’une jeune fille.

Partout des montagnes autour de moi, et, devant moi, la mer, la mer avec une tache presque indistincte: la Corse, ou plutôt l’ombre de la Corse.

Mais sur les cimes ensanglantées par le couchant, dans le vaste ciel et sur la mer, dans tout cet horizon superbe que j’étais venu contempler, je ne voyais que deux pauvres enfants, l’un couché au bord d’un trou plein d’eau noire, l’autre plongeant jusqu’au cou, liés par les mains, pleurant face à face, éperdus; et il me semblait sans cesse entendre une faible voix épuisée qui répétait: «Adieu, petit frère, je te donne ma montre.»

Cette lettre vous semblera bien lugubre, ma chère amie. Je tâcherai, un autre jour, d’être plus gai.

En Voyage a paru dans le Gaulois du 10 mai 1882, sous la signature: Maufrigneuse.


LE BÛCHER.

Lundi dernier est mort à Étretat un prince indien, Bapu Sahib Khanderao Ghatgay, parent de Sa Hautesse le Maharaja Gaikwar, prince de Baroda, dans la province de Gujarath, présidence de Bombay.

Depuis trois semaines environ, on voyait passer par les rues une dizaine de jeunes Indiens, petits, souples, tout noirs de peau, vêtus de complets gris et coiffés de toques de palefreniers anglais. C’étaient de hauts seigneurs, venus en Europe pour étudier les institutions militaires des principales nations de l’Occident. La petite troupe se composait de trois princes, d’un noble ami, d’un interprète et de trois serviteurs.

Le chef de la mission était celui qui vient de mourir, vieillard de quarante-deux ans et beau-père de Sampatrao Kashivao Gaikwar, frère de Sa Hautesse le Gaikwar de Baroda.

Le gendre accompagnait le beau-père.

Les autres Indiens s’appelaient Ganpatrao Shrâvanrao Gaikwar, cousin de Sa Hautesse Khâsherao Gadhav, Vasudev Madhav Samarth, interprète et secrétaire.

Les esclaves: Râmchandra Bajâji, Ganu bin Pukâram Kokate, Rhambhaji bin Favji.

Au moment de quitter sa patrie, celui qui est mort l’autre jour fut saisi d’une crise affreuse de chagrin, et, persuadé qu’il ne reviendrait pas, il voulut renoncer à ce voyage, mais il dut obéir aux volontés de son noble parent, le prince de Baroda, et il partit.

Ils vinrent passer la fin de l’été à Étretat, et on allait les voir curieusement, chaque matin, prendre leur bain à l’établissement des Roches-Blanches.

Voici cinq ou six jours, Bapu Sahib Khanderao Ghatgay fut atteint de douleurs aux gencives; puis l’inflammation gagna la gorge et devint une ulcération. La gangrène s’y mit, et, lundi, les médecins déclarèrent à ses jeunes compagnons que leur parent allait mourir. L’agonie commença presque aussitôt, et comme le malheureux ne respirait plus qu’à peine, ses amis le saisirent, l’arrachèrent de son lit et le déposèrent sur les pavés de la chambre, afin qu’il rendît l’âme étendu sur la terre, notre mère, selon les ordres de Brahma.

Puis ils firent demander au maire, M. Boissaye, l’autorisation de brûler, le jour même, le cadavre pour obéir toujours aux formelles prescriptions de la religion hindoue. Le maire, hésitant, télégraphia à la préfecture pour solliciter des instructions, en annonçant, toutefois, qu’une absence de réponse équivaudrait pour lui à un consentement. Aucune réponse n’étant venue à 9 heures du soir, il fut donc décidé, en raison de la nature infectieuse du mal qui avait emporté l’Indien, que la crémation du corps aurait lieu la nuit même, sous la falaise, au bord de la mer, à la marée descendante.

On reproche aujourd’hui cette décision au maire qui a agi en homme intelligent, résolu et libéral, soutenu d’ailleurs et conseillé par les trois médecins qui avaient suivi la maladie et constaté le décès.

On dansait au Casino, ce soir-là. C’était un soir d’automne prématuré, un peu froid. Un vent assez fort soufflait du large sans que la mer fût encore soulevée, et des nuages rapides couraient déchiquetés, effiloqués. Ils arrivaient du bout de l’horizon, sombres sur le fond du ciel, puis à mesure qu’ils approchaient de la lune ils blanchissaient, et, passant vivement sur elle, la voilaient quelques instants sans la cacher tout à fait.

Les grandes falaises droites qui forment la plage arrondie d’Étretat et se terminent aux deux célèbres arcades qu’on nomme Les Portes, restaient dans l’ombre et faisaient deux grandes taches noires dans le paysage doucement éclairé.

Il avait plu toute la journée.

L’orchestre du Casino jouait des valses, des polkas et des quadrilles. Un bruit passa tout à coup dans les groupes. On racontait qu’un prince indien venait de mourir à l’hôtel des Bains, et qu’on avait demandé au Ministre l’autorisation de le brûler. On n’en crut rien, ou du moins on ne supposa pas la chose prochaine tant cet usage est encore contraire à nos mœurs, et, comme la nuit s’avançait, chacun rentra chez soi.

A minuit, l’employé du gaz, courant de rue en rue, éteignait, l’une après l’autre, les flammes jaunes qui éclairaient les maisons endormies, la boue et les flaques d’eau. Nous attendions, guettant l’heure où la petite ville serait muette et déserte.

Depuis midi, un menuisier coupait du bois en se demandant avec stupeur ce qu’on allait faire de toutes ces planches sciées par petits bouts, et pourquoi perdre tant de bonne marchandise. Ce bois fut entassé dans une charrette qui s’en alla, par des rues détournées jusqu’à la plage, sans éveiller les soupçons des attardés qui la rencontraient. Elle s’avança sur le galet, au pied même de la falaise, et ayant versé son chargement à terre, les trois serviteurs indiens commencèrent à construire un bûcher un peu plus long que large. Ils travaillaient seuls, car aucune main profane ne devait aider à cette besogne sainte.

Il était une heure du matin quand on annonça aux parents du mort qu’ils pouvaient accomplir leur œuvre.

La porte de la petite maison qu’ils occupaient fut ouverte; et nous aperçûmes, couché sur une civière, dans le vestibule étroit, à peine éclairé, le cadavre enveloppé de soie blanche. On le voyait nettement étendu sur le dos, bien dessiné sous ce voile pâle.

Les Indiens, graves, debout devant ses pieds, demeuraient immobiles, tandis que l’un d’eux accomplissait les cérémonies prescrites en murmurant d’une voix basse et monotone des paroles inconnues. Il tournait autour du corps, le touchait parfois, puis, prenant une urne suspendue au bout de trois chaînettes, il l’aspergea longtemps avec l’eau sacrée du Gange que les Indiens doivent toujours emporter avec eux, où qu’ils aillent.

Puis la civière fut enlevée par quatre d’entre eux qui se mirent en marche lentement. La lune s’était couchée, laissant obscures les rues boueuses et vides, mais le cadavre sur la civière semblait lumineux, tant la soie blanche jetait d’éclat; et c’était une chose saisissante de voir passer dans la nuit la forme claire de ce corps, porté par ces hommes à la peau si noire, qu’on ne distinguait point dans l’ombre leur visage et leurs mains de leurs vêtements.

Derrière le mort, trois Indiens suivaient, puis, les dominant de toute la tête, se dessinait, enveloppée dans un grand manteau de voyage, d’un gris tendre, la haute silhouette d’un Anglais, homme aimable et distingué qui est leur ami, qui les guide et les conseille à travers l’Europe.

Sous le ciel brumeux et froid de cette petite plage du Nord, je croyais assister à une sorte de spectacle symbolique. Il me semblait qu’on portait là, devant moi, le génie vaincu de l’Inde, que suivait, comme on suit les morts, le génie victorieux de l’Angleterre, habillé d’un ulster gris.

Sur le galet roulant, les quatre porteurs s’arrêtèrent quelques secondes pour reprendre haleine, puis repartirent; ils allaient maintenant à tout petits pas, pliant sous la charge. Ils atteignirent enfin le bûcher. Il était construit dans un repli de la falaise, à son pied même. Elle se dressait au-dessus, toute droite, haute de cent mètres, toute blanche, mais sombre dans la nuit.

Le bûcher était haut d’un mètre environ; on disposa dessus le corps, puis un des Indiens demanda qu’on lui indiquât l’étoile polaire. On la lui montra, et le Rajah mort fut étendu les pieds tournés vers sa patrie. Puis on versa sur lui douze bouteilles de pétrole, et on le recouvrit entièrement avec des planchettes de sapin. Pendant près d’une heure encore, les parents et les serviteurs surélevèrent le bûcher qui ressemblait à ces piles de bois que gardent les menuisiers dans leurs greniers. Puis on répandit sur le faîte vingt bouteilles d’huile, et on vida, tout au sommet, un sac de menus copeaux. Quelques pas plus loin, une lueur tremblotait dans un petit réchaud de bronze qui demeurait allumé depuis l’arrivée du cadavre.

L’instant était venu. Les parents allèrent chercher le feu. Comme il ne brûlait qu’à peine, on versa dessus un peu d’huile et, brusquement, une flamme s’éleva, éclairant de haut en bas la grande muraille de rochers. Un Indien, penché sur le réchaud, se releva, les deux mains en l’air, les coudes repliés; et nous vîmes tout à coup surgir, toute noire sur l’immense falaise blanche, une ombre colossale, l’ombre de Bouddha dans sa pose hiératique. Et la petite toque pointue que l’homme avait sur la tête simulait elle-même la coiffure du dieu.

L’effet fut tellement saisissant et imprévu que je sentis mon cœur battre comme si quelque apparition surnaturelle se fût dressée devant moi.

C’était bien elle, l’image antique et sacrée, accourue du fond de l’Orient à l’extrémité de l’Europe, et veillant sur son fils qu’on allait brûler là.

Elle disparut. On apportait le feu. Les copeaux, au sommet du bûcher, s’allumèrent, puis l’incendie gagna le bois, et une clarté violente illumina la côte, le galet, et l’écume des lames brisées sur la plage.

Elle grandissait de seconde en seconde, éclairant au loin sur la mer la crête dansante des vagues.

La brise du large soufflait par rafales, accélérant l’ardeur de la flamme, qui se couchait, tournoyait, se relevait, jetait des milliers d’étincelles. Elles montaient le long de la falaise avec une vitesse folle et, se perdant au ciel, se mêlaient aux étoiles dont elles multipliaient le nombre. Des oiseaux de mer réveillés poussaient leur cri plaintif, et, décrivant de longues courbes, venaient passer avec leurs ailes blanches étendues dans le rayonnement du foyer, puis rentraient dans la nuit.

Bientôt, le bûcher ne fut plus qu’une masse ardente, non point rouge, mais jaune, d’un jaune aveuglant, une fournaise fouettée par le vent. Et tout à coup sous une bourrasque plus forte, il chancela, s’écroula en partie en se penchant vers la mer, et le mort découvert apparut tout entier, noir sur sa couche de feu, et brûlant lui-même avec de longues flammes bleues.

Et le brasier s’étant encore affaissé sur la droite, le cadavre se retourna comme un homme dans son lit. Il fut aussitôt recouvert avec du bois nouveau, et l’incendie recommença plus furieux que tout à l’heure.

Les Indiens, assis en demi-cercle sur le galet, regardaient avec des visages tristes et graves. Et nous autres, comme il faisait très froid, nous nous étions rapprochés du foyer jusqu’à recevoir dans la figure la fumée et les étincelles. Aucune odeur autre que celle du sapin brûlant et du pétrole ne nous frappa.

Et des heures se passèrent; et le jour apparut. Vers cinq heures du matin, il ne restait plus qu’un tas de cendres. Les parents les recueillirent, en jetèrent une partie au vent, une partie à la mer, et en gardèrent un peu dans un vase d’airain qu’ils rapporteront aux Indes. Ils se retirèrent ensuite pour pousser des gémissements dans leur demeure.

Ces jeunes princes et leurs serviteurs, disposant des moyens les plus insuffisants, ont pu achever ainsi la crémation de leur parent d’une façon parfaite, avec une adresse singulière et une remarquable dignité. Tout s’est accompli suivant le rite, suivant les prescriptions absolues de leur religion. Leur mort repose en paix.

Ce fut, dans Étretat, au jour levant, une indescriptible émotion. Les uns prétendaient qu’on avait brûlé un vivant, les autres qu’on avait voulu cacher un crime, ceux-ci que le maire serait emprisonné, ceux-là que le prince indien avait succombé à une attaque de choléra.

Des hommes s’étonnaient, des femmes s’indignaient. Une foule passa la journée sur l’emplacement du bûcher, cherchant des fragments d’os dans les galets encore chauds. On en ramassa de quoi reconstituer dix squelettes, car les fermiers de la côte jettent souvent à la mer leurs moutons morts. Les joueurs enfermaient avec soin dans leur porte-monnaie ces fragments divers. Mais aucun d’eux ne possède une parcelle véritable du prince indien.

Le soir même, un délégué du gouvernement venait ouvrir une enquête. Il semblait d’ailleurs juger ce cas singulier en homme d’esprit et de raison. Mais que dira-t-il dans son rapport?

Les Indiens ont déclaré que, si on les avait empêchés en France de brûler leur mort, ils l’auraient emporté dans une terre plus libre, où ils auraient pu se conformer à leurs usages.

J’ai donc vu brûler un homme sur un bûcher et cela m’a donné le désir de disparaître de la même façon.

Ainsi, tout est fini tout de suite. L’homme hâte l’œuvre lente de la nature, au lieu de la retarder encore par le hideux cercueil où l’on se décompose pendant des mois. La chair est morte, l’esprit a fui. Le feu qui purifie disperse en quelques heures ce qui fut un être; il le jette au vent, il en fait de l’air et de la cendre, et non point de la pourriture infâme.

Cela est propre et sain. La putréfaction sous terre, dans cette boîte close où le corps devient bouillie, une bouillie noire et puante, a quelque chose de répugnant et d’atroce. Le cercueil qui descend dans ce trou fangeux serre le cœur d’angoisse; mais le bûcher qui flambe sous le ciel a quelque chose de grand, de beau et de solennel.

Le Bûcher a paru dans le Figaro du dimanche 7 septembre 1884.

TABLE DES MATIÈRES.

  Pages.
Clair de Lune. 1
Un Coup d’État. 13
Le Loup. 33
L’Enfant. 45
Conte de Noël. 59
La Reine Hortense. 71
Le Pardon. 87
La Légende du Mont-Saint-Michel. 101
Une Veuve. 113
Mademoiselle Cocotte. 125
Les Bijoux. 137
Apparition. 153
La Porte. 169
Le Père. 181
Moiron. 191
Nos Lettres. 205
La Nuit (cauchemar). 217
L’Enfant (inédit). 229
En voyage (inédit). 241
Le Bûcher (inédit). 253

Au lecteur

~~~~~

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L’orthographe a été conservée. Seul un mot a été modifié. Il est souligné par des tirets. Passer la souris sur le mot pour voir le texte original.







End of the Project Gutenberg EBook of Oeuvres complètes de Guy de Maupassan
- volume 7, by Guy de Maupassant

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and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
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