—Laissez-moi courir à Briantes, lui dit-il. Attendez-moi ici pour continuer la campagne, s'il y a lieu. Si la paix est définitivement signée, vous le saurez dans quelques jours et viendrez ma rejoindre sans vous presser et sans vous fatiguer. Seul, j'irai plus vite, assez vite pour devancer encore cette détestable fille, qui n'a ni le moyen ni la force de courir la poste.
Le marquis céda. Mario fit sur-le-champ ses dispositions pour partir le lendemain matin avec Clindor.
Dans la soirée, M. Poulain vint avec précaution. Il était tout joyeux et tout mystérieux en même temps.
—Monsieur le marquis, dit-il à Bois-Doré quand il fut seul avec lui et Mario, je vous devais déjà beaucoup, et je devrai ma fortune à votre aimable fils! La précieuse dépêche que je portais, et qu'il a réussi à sauver, m'assure une place moins périlleuse et plus relevée dans la confiance du père Joseph, c'est-à-dire du cardinal.
»Je viens vous payer ma dette et vous annoncer que votre unique ambition, à vous, est satisfaite. Le roi ratifie vos droits au marquisat de Bois-Doré, à la seule condition que vous construirez sur vos terres une maison quelconque, à laquelle vous donnerez ce nom, et qui, par lettres royaux, sera transmissible à vos hoirs et à leurs descendants. Son Éminence espère que vous continuerez la guerre avec elle, si la guerre continue, et, au premier moment de loisir qu'elle aura, elle vous mandera en sa présence pour vous complimenter du grand courage et dévouement du vieillard et de l'enfant: je vous demande pardon, ce sont ses paroles. M. le cardinal vous avait remarqués tous les deux, et depuis il s'est enquis de vos noms. Il avait été content aussi de vous en particulier, monsieur le comte, pour ce que vous ne lui demandiez en récompense, que des batailles.
»J'ai eu le bonheur de paraître devant lui, de ma chétive personne, de lui faire le récit de mes dangers et des vôtres, sans oublier qu'à onze ans, vos occîtes de votre main l'assassin de votre père; enfin, je lui rappelai qu'il devait une nouvelle utile autant qu'agréable à ce même enfant, aussi avisé que brave. Vous voilà donc en bon chemin, monsieur Mario. Si peu que je sois, je vous y pousserai de toutes mes forces si l'occasion se retrouve.»
Malgré le vif désir qu'éprouvait le marquis de présenter Mario au cardinal, Mario ne voulut pas attendre le jour éventuel de l'entrevue promise.
Après avoir vivement remercié l'abbé Poulain (celui-ci disait tout bas, en souriant, qu'on pouvait désormais l'appeler ainsi). Mario, heureux du plaisir de son père et d'Adamas a l'endroit de ce fameux marquisat, se jeta sur son lit, dormit quelques heures, alla encore embrasser ses vieux amis, et partit pour la France à la pointe du jour.
Mario eût voulu dévorer l'espace. Mais, bien qu'il eut un cheval admirable, il crut devoir courir la poste à franc étrier, et ses forces le trahirent. Il avait été légèrement blessé à l'affaire du pas de Suse, et l'avait caché avec soin: cette blessure s'irrita, il prit la fièvre, et, en arrivant a Grenoble, il tomba sur son lit. Clindor, épouvanté, s'aperçut qu'il avait le délire.
Le pauvre page courut chercher un médecin. Il n'eut pas la main heureuse: ce médecin empira la blessure par ses remèdes. Mario fut très-mal. L'impatience et la douleur de se voir ainsi arrêté aggravèrent son état. Clindor s'était décidé à envoyer un exprès au marquis; mais il perdait la tête, et il adressa ce courrier à Nice, au lieu de l'envoyer à Suse.
Un soir qu'il se désespérait et qu'il pleurait seul sur le palier de la chambre où gisait Mario accablé, il crut l'entendre parler seul et rentra précipitamment.
Mario n'était pas seul; une mince et pâle figure habillée de rouge se penchait vers lui comme pour l'interroger.
Clindor eut peur. Il crut que le diable venait tourmenter l'agonie de son pauvre jeune maître, et il cherchait des formules d'exorcisme, lorsque à la faible clarté de la veilleuse, il reconnut Pilar.
Sa peur augmenta. Il avait entendu sa conversation avec Mario à Chaumont. Il la savait donc éprise de lui jusqu'à la fureur. Il le croyait fermement vouée à Satan, et la peur faisait sur lui son effet accoutumé, qui était de le rendre brave, il se jeta sur elle l'épée à la main, et faillit blesser Mario, que Pilar mit à découvert en évitant le coup.
Il n'en put porter un second; Pilar le désarma sans qu'il sût comment, en se jetant sur lui d'un bond si rapide et si imprévu, qu'il fut forcé de lâcher prise.
—Tiens-toi tranquille, sot et fol que tu est, dit-elle. Je ne viens pas ici pour nuire à Mario, mais pour le sauver: ignores-tu que je l'aime, et que sa vie est la mienne? Fais ce que je te commanderai, et dans deux jours il sera debout.
Clindor, ne sachant à quel saint se vouer, et voyant bien que le praticien appelé par lui empirait l'état du malade a chaque ordonnance, céda à l'ascendant de Pilar. Malgré la peur qu'elle lui causait, elle agissait sur ses sens par un prestige qu'il ne s'avouait pas, mais qu'il ne pouvait secouer. Par moments, il tremblait de lui confier la vie de Mario; mais il obéissait en se disant qu'il était ensorcelé par elle.
La fièvre n'était chez Mario qu'un résultat de l'irritation nerveuse: un jour de repos eût guéri sa blessure. Mais le médecin lui avait appliqué un onguent curatif qui produisait sur tout son être l'effet du poison. Pilar lava et purifia la plaie.
Elle possédait ces secrets des Morisques auxquels les chrétiens d'Espagne avaient recours en désespoir de cause. Elle fit prendre au malade des contre-poisons efficaces. La pureté de son sang et le bel équilibre de son organisation aidèrent à l'effet des remèdes. Il recouvra à demi ses esprits la nuit même; le lendemain matin, il ne délirait plus. Le soir, encore abattu par une grande faiblesse, il se sentait sauvé.
Dans son transport de joie, Clindor fit, sans le savoir, une déclaration d'amour à l'habile bohémienne. Celle-ci n'y fit pas la moindre attention. Elle se cachait derrière la chevet du lit pour que Mario ne la vît pas. Elle savait bien que son apparition le troublerait.
Le surlendemain, Mario se sentit si courageux, qu'il donna à Clindor l'ordre de chercher à acheter une chaise de poste, afin qu'ils pussent continuer leur voyage. Clindor, voyant bien que c'était trop tôt, feignit de n'en pouvoir trouver, Mario lui commanda alors de lui amener des chevaux pour courir la poste.
Clindor se désolait de son obstination: Pilar intervint. Mario faillit retomber malade de colère en la voyant et en apprenant qu'il lui devait la vie. Mais il se calma aussitôt, et, lui parlant avec douceur:
—D'où viens-tu? lui dit-il; où as-tu été depuis que tu m'as fait ces menaces?...
—Ah! tu crains pour elle! répondit Pilar avec un amer sourire. Calme-toi; je n'ai pas eu le temps d'aller là-bas. Je n'irai pas, si tu veux cesser de me haïr.
—Je cesserai, Pilar, si tu renonces à ta vengeance; car, si tu y persistes, je te haïrai autant que la vie que tu m'auras rendue.
—Ne parlons pas encore de cela pour le moment; tu peux bien te tenir tranquille et ne point aller dans ton pays, puisque ma présence auprès de toi te répond de tout.
Pilar touchait le point essentiel de la situation. Mario se calma et consentit à attendre sa guérison à Grenoble. Il dut consentir aussi à voir Pilar auprès de lui. Il ne pouvait plus songer à livrer à la rigueur des lois celle qui venait de le sauver et qu'il devait tenter de ramener par la douceur. Il n'osait donc l'irriter par ses dédains, et malgré l'invincible répugnance qu'elle lui inspirait, il en était réduit à s'inquiéter quand elle était longtemps dehors, et à se réjouir quand il la voyait rentrer.
Cet état de choses fut intolérable au bout de deux ou trois jours. Pilar, incapable d'aucun raisonnement moral, voulait être aimée; elle peignait sa passion avec une sorte d'éloquence sauvage, la disant et la croyant chaste, parce qu'elle n'était pas gouvernée par les sens, et sublime, parce qu'elle avait toute l'ardeur d'une imagination déréglée et d'un dépit opiniâtre. Elle accablait Lauriane de malédictions et Mario de reproches amers, en disant sa folie sans pudeur devant le pauvre Clindor, qui s'embrasait auprès de ce volcan.
Mario fut bientôt lassé du rôle ridicule qu'il se voyait forcé de jouer. C'est en vain qu'il essayait de convertir cette nature incapable d'aimer le bien pour le bien, incapable même de deviner qu'il en pût être ainsi pour Mario, pour quelqu'un au monde.
—Si tu n'aimais pas follement cette Lauriane, lui disait-elle avec une effrayante candeur, tu me confierais le soin de ta vengeance; car elle t'a dédaigné et te dédaignera toujours.
Mario put enfin se lever, et il sortit seul, un soir, affame d'air et de liberté, essayant ses forces, décidé à poursuivre son voyage, dût-il faire incarcérer Pilar jusqu'à nouvel ordre, dût-il se laisser suivre par elle afin de la tenir en respect.
Il rêvait au plan qu'il devait adopter, et montait lentement vers le couvant de la Visitation, sans but, et comme attiré par les hauteurs. Il se trouva tout à coup en face d'une personne qui s'arrêta devant lui. Il s'arrêta également. Tous deux semblaient forcés de se regarder.
C'était, à en juger par sa mise et son air, une femme noble, très-simplement vêtue, petite et mince, pâle, mais belle et jeune, autant que permettait d'en juger le demi-masque noir que les femmes un peu recherchées portaient à la promenade.
Elle avait un chaperon de veuve et le costume entièrement noir. Ses cheveux d'un blond cendré formaient deux belles masses sur ses tempes. Elle marchait complétement seule. Pas un compagnon, pas un valet devant ou derrière elle sur le chemin.
D'abord la grâce moelleuse et chaste de sa démarche avait frappé de loin le regard de Mario. À mesure qu'elle approchait, la couleur de ses cheveux et le noir de son vêtement lui avaient fait battre le cœur. De plus près, il se défendit de cette illusion; face à face, il redevint ému et incertain.
Les mêmes perplexités semblaient agiter la dame masquée. Enfin, elle passa en rendant à Mario le salut qu'il lui adressait.
Mario fit vingt pas, non sans se retourner plusieurs fois; il en fit vingt autres encore et s'arrêta.
—Au risque de faire une inconvenance et d'être mal reçu, se dit-il, je veux savoir qui est cette femme!
Il revint donc sur ses pas en courant, et se trouva de nouveau en face de la dame masquée, qui revenait sur les siens. Ils hésitèrent encore tous les deux et faillirent se croiser comme la première fois sans oser se parler. En fin, la dame se décida la première.
—Je vous demande pardon, dit-elle avec émotion; mais, si une ressemblance ne m'abuse pas, vous êtes Mario de Bois-Doré?
—Et vous êtes Lauriane de Beuvre? s'écria Mario éperdu.
--- Comment se fait-il que vous me reconnaissiez, Mario? dit Lauriane en détachant son masque. Voyez comme je suis changée!
—Oui, dit Mario ravi, vous n'étiez pas de moitié si belle!
—Ah! ne vous croyez pas obligé a cette galanterie, dit Lauriane. La mort de mon père, les souffrances de mon parti et la chute de tous les miens m'ont faite vieille plus que les années. Mais parlez-moi de vous et des vôtres, Mario!
—Oui, Lauriane; mais prenez mon bras et conduisez-moi où vous demeurez, car il faut que je vous parle, et à moins que vous n'ayez ici une bonne protection, je ne vous quitterai pas.
Lauriane s'étonna de l'air animé de Mario; elle accepta son bras, et lui dit:
—Je ne pourrais pas, quand je voudrais, vous conduire maintenant jusque dans mon asile. C'est ce couvent que vous voyez sur le haut du plateau. Mais vous pouvez m'accompagner jusqu'à la porte, et, chemin faisant, nous nous instruirons l'un l'autre de ce qui vous concerne.
Pressée de s'expliquer la première, elle raconta à Mario qu'après la prise de La Rochelle, n'ayant pu obtenir de se dévouer à partager la captivité de madame de Rohan, elle avait voulu retourner en Berry. Mais on lui avait fait savoir à temps que le prince de Condé avait donné des ordres pour la faire arrêter de nouveau, au cas où elle y reparaîtrait.
Une vieille tante, la seule parente et amie fidèle qui lui restât, était supérieure au couvent de la Visitation de Grenoble: c'était une ancienne protestante, jetée toute jeune dans cette maison, et qui s'y était laissé convertir. Mais elle avait conservé pour les protestants une grande mansuétude, et elle appela Lauriane avec tendresse pour la cacher et la protéger jusqu'à la fin de la guerre du Midi. Lauriane avait trouvé là quelque repos et beaucoup d'affection.
Pas plus que chez les religieuses de Bourges, on ne l'avait persécutée. Par égard pour sa tante, on avait feint même d'ignorer qu'elle fût dissidente, et elle pouvait sortir seule et masquée pour porter des secours et des consolations à de malheureux protestants logés dans les faubourgs.
—Lauriane, dit Mario, il ne faut plus sortir, il ne faut plus vous montrer jusqu'à ce que je vous le dise. C'est par un secours de la Providence que vous n'avez pas été rencontrée et reconnue par un invisible et dangereux ennemi. Vous voici à la porte du couvent; jurez-moi, par la mémoire de votre père, que vous ne franchirez pas cette porte avant de m'avoir revu.
—Vous reverrai-je donc, Mario?
—Oui, demain. Pouvez-vous m'entendre au parloir?
—Oui, à deux heures.
—Jurez-vous de ne pas sortir?
—Je le jure.
Mario vit, cette fois, avec plaisir, la porte du cloître se refermer entre Lauriane et lui; il l'y jugeait en sûreté, si Pilar ne l'y découvrait pas. Il fit l'exploration attentive des alentours du couvent, pour s'assurer qu'il n'avait pas été suivi et guetté par elle. Il la savait capable de sacrifier toute la communauté pour atteindre sa rivale.
Il rentra chez lui et ne l'y trouva pas. Clindor ne l'avait pas vue depuis que son maître était sorti.
Mario sentait renaître toutes ses inquiétudes; à tout hasard, il descendait vers la rue, lorsqu'il entendit un tumulte qui lui fit troubler le pas. Il vit Pilar, que des archers emmenaient à la lueur des flambeaux. Elle jetait de grands cris, des cris à la fois déchirants et féroces, et, lorsqu'elle aperçut Mario, elle étendit vers lui des mains suppliantes avec une expression de désespoir qui l'ébranla un instant.
—Ah! cruel! lui cria-t-elle, c'est toi qui me fais jeter dans un cachot pour prix de mon amour et de mes soins! Infâme! tu veux te défaire de moi. Sois maudit!
Mario, sans lui répondre, interrogea le chef de l'escouade qui l'emmenait.
—Pouvez-vous me dire, lui demanda-t-il, si vous l'emprisonnez pour une nuit comme vagabonde, ou pour longtemps comme prévenue d'un crime ou d'un délit quelconque?
Il lui fut répondu qu'elle n'était accusée que d'un délit. Le praticien qui avait si mal soigné Mario, mécontent de le voir guéri par une aventurière, avait accusé celle-ci de lui souffler ses malades, en des termes qui équivalaient, dans ce temps, à une accusation d'exercice illégal de la médecine, accusation qui pouvait avoir des conséquences beaucoup plus graves que de nos jours, puisqu'on pouvait toujours soulever la question de sorcellerie, crime que les plus graves magistrats prenaient au sérieux et punissaient de mort.
—Quoi qu'il arrive d'elle, se dit Mario, il faut que cette dangereuse fille perde la trace de Lauriane, qu'elle avait peut-être déjà trouvée.
Et, dès le lendemain, il courut au couvent.
—À présent, dit-il à son amie, nous pouvons respirer, mais non nous endormir sur le danger.
Et il raconta toute sa bizarre aventure avec la bohémienne.
Lauriane l'écouta attentivement.
—Maintenant, lui dit-elle, je comprends tout. Sachez, Mario, pourquoi je fus si émue hier en vous voyant, et comment j'eus la hardiesse de vous adresser la parole sans être sûre de vous reconnaître. Sachez aussi pourquoi j'hésitai, la première fois, croyant être dupe de mon imagination. J'avais reçu, il y a huit jours, une lettre anonyme remplie d'injures et de menaces, où l'on m'annonçait que vous aviez été tué à l'affaire du pas de Suse.
»J'avais été bouleversée de cette nouvelle. Je vous pleurai, Mario, comme on pleure un frère, et j'écrivis à votre père une lettre que j'envoyai au messager de poste à l'instant même. Cependant, peu à peu, la réflexion me donna des doutes sur l'avis suspect que j'avais reçu, et quand je vous rencontrai, j'allais dans la ville pour m'informer, s'il était possible, des noms des gentilshommes tués dans ce combat.
»J'étais décidée, si le vôtre en était, d'aller trouver votre père pour tâcher de le soutenir et de le soigner dans cette mortelle épreuve. Je lui devais bien cela, n'est-ce pas, Mario, pour tant de bontés qu'il a eues autrefois pour moi?»
Mario regardait Lauriane et ne pouvait se lasser de contempler ses traits altérés, ses yeux enflammés par une douleur et des larmes dont la trace semblait encore fraîche.
—Ah! ma Lauriane, s'écria-t-il en lui baisant les mains, vous aviez donc gardé un peu d'amitié pour moi?
—De l'amitié et de l'estime, répondit-elle; je savais que vous n'aviez pas voulu combattre les protestants.
—Ah! jamais! et pourtant, je n'en ai jamais dit la principale raison! Je peux vous la dire, à vous, maintenant: je ne voulais pas risquer de tirer sur votre père et sur vos amis, Lauriane, je vous ai tendrement aimée; d'où vient donc que vos lettres à mon père étaient si froides pour moi?
—Je peux, moi aussi, vous parler maintenant à cœur ouvert, mon cher Mario. Mon père, lorsque nous nous vîmes pour la dernière fois à Bourges, il y a quatre ans, avait eu l'étrange idée de nous fiancer ensemble. Le vôtre repoussa, comme il le devait, le projet d'un mariage si mal assorti; et moi, un peu humiliée de la légèreté de mon pauvre père, je vous annonçai à diverses reprises des projets d'établissement auxquels je ne pouvais guère songer dans les tristes circonstances où je me trouvais. En même temps, j'étais froide pour vous en paroles, mon cher Mario, et peut-être un peu humiliée des prétentions que vous pouviez me supposer.
»Aujourd'hui, sourions de ces misères passées et rendez-moi la justice de croire que je ne songe à aucune espèce de mariage. J'ai vingt-trois ans: le temps est passé pour moi. Mon parti est écrasé, et ma fortune sera confisquée au premier caprice du prince de Condé. Mon pauvre père est mort, dépouillé, par les hasards de la guerre, des biens qu'il avait amassés dans ses excursions maritimes.
»Je ne suis donc plus ni riche, ni belle, ni jeune. Je m'en réjouis sous un rapport: c'est que je pourrai désormais vivre non loin de vous, sans que l'on puisse me soupçonner d'aspirer à autre chose qu'à votre amitié.»
Mario écoutait Lauriane, tout confus et tout tremblant.
—Lauriane, lui dit-il avec feu, c'est vous qui dédaignez mon nom, mon âge et mon cœur, en me parlant de cette tranquille chaîne d'amitié qu'il vous serait aisé de reprendre. Mais c'est à moi de dire: Il est trop tard. Je vous ai toujours saintement aimée, et je ne crois pas vous aimer moins religieusement, parce que je vous aime avec plus de passion depuis que je vous ai perdue et depuis que je vous retrouve.
»Moi aussi, Lauriane, j'ai bien souffert! Mais je n'ai jamais désespéré tout à fait. Quand j'avais bien caché ma peine, pour ne pas me laisser mourir de langueur, Dieu m'envoyait, comme un secours de grâce, des bouffées d'espoir en lui et de foi en vous.
»—Elle sait, elle doit savoir que j'en mourrais, me disais-je; elle m'aimera, elle n'en aimera pas un autre, ne fût-ce que par bonté d'âme! Je ne suis qu'un enfant, mais je peux me rendre digne d'elle bientôt et bien vite, en travaillant beaucoup, en me gardant le cœur bien pur, en ayant du courage, en rendant heureux ceux qui m'aiment et en me battant bien quand viendra une bonne guerre; car celle-ci est bonne, n'est-ce pas, Lauriane, et vous ne pouvez pas avoir aujourd'hui le cœur changé au point d'aimer les Espagnols?
—Non, certes! répondit-elle. Et c'est parce que M. de Rohan a voulu cette alliance de folie, de honte et de désespoir, que j'attendais ici la fin des événements sans vouloir m'y intéresser davantage.
—Voyez-vous bien, Lauriane, que rien ne nous sépare plus. Si je ne suis pas l'homme de bien et de savoir que je voudrais être, je crois du moins qu'à présent j'en sais autant et peux me battre aussi résolûment que les jeunes gens de vingt-cinq à trente ans, avec qui je viens de me trouver à l'armée.
»Quant à mon affection, Lauriane, j'en peux répondre pour toute ma vie. Je n'y aurai pas de mérite, je suis né fidèle, moi, et, depuis mon jeune âge, il m'a été impossible de trouver aimable et belle une autre femme que vous; j'ai mis mon cœur en vous dès le premier jour où je vous ai vue. Je ne me suis jamais déshabitué de vivre auprès de vous, et je n'ai jamais passé un jour à Briantes sans aller rêver à vous au lieu de jouer et de me distraire, aussitôt que je quittais mes études pour un instant. Ce que je pensais, ce que je vous disais, il y a huit ans, dans ce fameux labyrinthe, je le pense et je vous le dis encore.
»Je ne peux pas vivre heureux sans vous, Lauriane! Pour être heureux, il faut que je vous voie toujours. Je sais bien que je n'ai pas le droit de vous dire: Rendez-moi heureux! Vous ne me devez rien! mais peut-être que vous serez plus heureuse avec moi que vous ne l'étiez avec votre pauvre père et que vous ne l'êtes maintenant, seule, persécutée et obligée de vous cacher. Je n'ai pas besoin que vous soyez si riche; mais, si vous tenez à l'être, je ferai valoir vos droits dès que la paix sera faite; je vous défendrai contre vos ennemis.
»Mariée avec moi, vous serez libre de votre conscience, et, à l'abri de ma protection, vous prierez comme vous l'entendrez. Nous ne nous battrons pas pour nos autels, comme font, à cette heure, le roi et la reine d'Angleterre. Si vous tenez à un titre, je suis définitivement emmarquisé. Si vous n'êtes plus belle, cela, je n'en sais rien et ne le saurai jamais. Je vois bien que vous êtes changée. Vous voilà plus pâle et plus mince que lorsque vous aviez seize ans; mais, à mes yeux, vous êtes bien plus belle ainsi, et, ne l'eussiez-vous jamais été, il ne me semble pas que je vous eusse moins aimée.
»Donc, si le bonheur d'une femme est d'être belle pour celui qu'elle aime, aimez-moi, Lauriane, et vous aurez ce bonheur-là. Enfin, écoute, ma Lauriane, et laisse-moi te parler comme autrefois. J'ai eu bien de la soumission et du courage jusqu'à ce jour, ne m'ôte pas ma force; si tu veux attendre encore à me connaître comme ami et frère, j'attendrai que tu te fies en moi. Si tu veux que je retourne à la guerre, et, de vrai, c'est mon envie, viens au camp comme pupille et fille adoptive de mon père. Je ne te verrai que quand tu voudras, pas du tout, si tu l'exiges, jusqu'à ce que tu m'acceptes pour mari. Enfin, ne nous quitte plus; car, avec ou sans ton amour, nous sommes et voulons être toujours ta famille, tes amis, tes défenseurs, tes esclaves, tout ce que tu voudras que nous soyons, pourvu que tu nous permettes de t'aimer et de te servir.»
Lauriane pressa dans ses mains les mains du bon Mario.
—Tu es un ange, lui dit-elle, et il me faut du courage pour te refuser. Mais je t'aime trop pour lier ta brillante destinée à ma destinée finie et douloureuse; j'aime trop ton père pour lui vouloir causer ce chagrin...
—Mon père! tu doutes de mon père, à présent? s'écria Mario hors de lui. Ah! Lauriane! n'as-tu pas compris que le tien t'avait trompée! Dis donc que tu ne m'aimes pas, que tu ne m'as jamais aimé!...
En ce moment, on sonna avec force à la grille du couvent, et, une minute après, le marquis de Bois-Doré s'élançait dans le parloir et pressait tour à tour Mario et Lauriane dans ses bras.
Il n'avait pas reçu le courrier de Clindor, mais la lettre de Lauriane; et comme la paix était signée et qu'il s'en retournait en Berry, il venait la chercher à son couvent pour la ramener avec lui. Il fut donc fort surpris de trouver là Mario, qu'il croyait déjà rendu à Briantes.
On s'expliqua; puis Mario, encore très-ému, dit au marquis:
—Vous arrivez bien, mon père. Voilà Lauriane qui croit que vous ne l'aimez point!
On s'expliqua encore. Le marquis voyait l'agitation et la douleur de Mario, et il souriait.
Tout à coup, Lauriane comprit ce sourire.
—Mon marquis, s'écria-t-elle en rougissant et en tremblant, rendez-moi la lettre que je vous ai écrite quand j'ai cru à la mort de votre fils! Rendez-la-moi, je le veux, ne la montrez pas...
—Non, non, répondit le marquis en tendant, d'un air narquois, la lettre à Mario; il ne la verra jamais, à moins, pourtant, qu'il ne me l'arrache des mains... ce dont il est bien capable, comme vous le voyez!
La lettre était courte et désolée; Mario l'eut bientôt dévorée des yeux, tandis que Lauriane cachait sa tête sur l'épaule du vieillard.
Lauriane, dans un premier mouvement d'amère douleur, avait écrit au marquis qu'elle avait toujours aimé Mario depuis leur séparation, et qu'elle porterait son deuil toute sa vie.
«Car c'est de ce jour, disait-elle, que, de vrai, je me sens veuve!»
—Vous ne l'êtes point, vous ne le serez plus, ma Lauriane, dit le marquis en lui détachant pour un instant son petit chaperon noir. Je n'ai jamais souhaité d'autre fille que vous, et nous allons faire les noces à Briantes.
Je vous laisse à penser quelle fête ce fut au manoir quand on y vit revenir ensemble les beaux messieurs de Bois-Doré, Lauriane, Adamas, Aristandre, et même Clindor, qui, pour mieux secouer le charme jeté sur lui par la bohémienne, se hâta de faire la cour à toutes les villageoises.
Le mariage des deux enfants bien-aimés du bon M. Sylvain ne pouvait cependant pas être célébré publiquement avant que Lauriane eût fait sa soumission au roi et obtenu sa grâce, car elle s'était posée en rebelle dans un moment de désespoir; et, malgré le crédit de M. Poulain, le roi fut inflexible tant que dura la guerre du Midi avec les protestants.
Elle fut courte et sanglante. Ce fut le dernier soupir du parti en tant que faction politique.
«Sur les ruines de ce parti écrasé, Richelieu fit jurer au fils de Henri IV le maintien de la liberté religieuse proclamée par son père[27].»
On put alors présenter à Louis XIII la requête du marquis de Bois-Doré pour sa belle-fille.
À cet effet, Mario se rendit lui-même à Nîmes, où le roi venait de faire une entrée triomphale avec Richelieu. M. de Rohan partait pour Venise.
Mario obtint que sa femme rentrerait dans ses biens en dépit de M. le Prince, qui les flairait beaucoup, et dans sa liberté pleine et entière. Le cardinal le reçut et lui fit quelque reproche de n'avoir pas pris part à cette guerre. Mario lui redemanda la guerre en Italie, et, en le congédiant, le cardinal lui dit tout bas, avec un charmant sourire:
—Je vous la promets; mais n'en dites rien, si vous ne voulez pas que j'échoue!
Mario trouva là l'abbé Poulain très-fatigué et enchanté d'avoir quelques semaines de congé. Il avait si chaudement servi Mario, que celui-ci l'invita à venir se reposer à Briantes, et ils partirent ensemble, l'abbé se faisant fête d'aller célébrer ostensiblement le mariage des deux jeunes gens.
Nos voyageurs se mirent en route par une chaleur dévorante. On était aux premiers jours de juillet. Le pays qu'ils traversaient, ravagé par la guerre, n'avait plus un arbre, plus une chaumière debout.
Par ordre du roi, les troupes avaient fait le dégât autour des villes rebelles pour affamer les habitants.
—Nous traversons un incendie, dit l'abbé à Mario; le soleil nous traite comme nous avons traité cette pauvre terre, et je crois que nos vêtements vont prendre feu.
—De vrai, monsieur l'abbé, dit Clindor, qui aimait à se mêler de la conversation, on sent par ici une bien méchante odeur de brûlé!
—En effet, dit Mario, quelque maison brûle encore derrière cette colline; ne voyez-vous pas de la fumée?
—C'est peu de chose, dit l'abbé. Quelque petite masure. J'avoue, monsieur le comte, que je suis las de tant de maux. Je haïssais les huguenots autrefois; à présent qu'ils sont par terre, je fais comme vous, je les plains. J'ai vu l'affaire de Privas. Eh bien, j'en ai assez, et je défie les plus gourmands de vengeance de n'en pas être rassasiés.
—Je le crois! dit Mario en soupirant; mais écoutez donc ces cris, monsieur l'abbé: il y a par là des gens en grande détresse. Allons-y voir.
Effectivement, on entendait, derrière la colline d'où montait la fumée, des cris, ou plutôt un seul cri prolongé, perçant, atroce, comme celui de la mouche que suce lentement l'araignée. L'horrible durée de ce cri lointain, qui semblait être celui d'un enfant, fit impression sur l'abbé. Clindor ne pouvait croire que ce fût une voix humaine.
—Non, non, disait-il, c'est quelque pipeau de berger ou quelque chevreau qu'on égorge.
—C'est un être humain qui expire dans les tortures, reprit l'abbé. Je connais trop cette affreuse musique!
—Courons-y donc! s'écria Mario; il est peut-être temps de sauver une malheureuse créature. Venez, venez, l'abbé! La paix est signée; nul n'a plus le droit de torture sur les huguenots!
—Il est trop tard, dit l'abbé, on n'entend plus rien.
Le cri avait cessé brusquement et la fumée tombait. On s'était peut-être trompé.
On poussa néanmoins les chevaux, qui gagnèrent bientôt le haut de la colline.
Alors on aperçut, au fond du vallon, et beaucoup plus loin qu'on ne s'y attendait, un groupe de paysans qui tournaient et s'agitaient autour d'un feu à demi éteint. Avant qu'on fût à portée de la voix, ils s'étaient dispersés. Une seule vieille femme resta auprès des cendres brûlantes, qu'elle retournait avec une fourche, comme si elle y eût cherché quelque chose. Mario arriva le premier auprès de ce reste de brasier, d'où s'exhalait une odeur âcre, insupportable.
—Que cherchez-vous donc là, la mère? lui dit-il, et que vient-on de brûler ici?
—Oh! rien, mon beau monsieur! rien qu'une sorcière qui nous donnait la fièvre avec son regard toutes les fois qu'elle passait. Nos hommes en ont fait une fin, et, moi, je cherche si elle n'a pas laissé son secret dans les cendres.
—Quoi, son secret? dit Mario révolté du sang-froid de cette parque.
—C'est, répondit la vieille, qu'elle avait au cou quelque chose qui brillait, et qu'elle a perdu en se débattant, quand on l'a mise au feu. Alors elle a crié: «Je ne l'ai plus, je suis perdue!» Ça doit être une amulette pour se garantir de malemort, et je la voudrais trouver.
—Tenez, dit Mario en ramassant une pièce de monnaie percée qui brillait à ses pieds, est-ce cela?
—Oui, oui, c'est cela, mon beau monsieur! Donnez-la-moi pour la peine que j'ai bien attisé le feu.
Mario jeta loin de lui la pièce de monnaie, par un mouvement d'horreur insurmontable. Il venait d'y lire un nom gravé avec une pointe. C'était le talisman de Pilar. Il ne restait d'elle que ce témoignage de son fatal amour, quelques petits ossements calcinés, et l'âcre odeur de chair brûlée répandue dans l'atmosphère.
Mario, saisi d'épouvante et de pitié, s'éloigna rapidement, sans vouloir donner à Clindor, qui le questionnait, le mot de cette infernale énigme, et, pendant une partie du voyage, il resta sous la pénible impression de cette horrible rencontre.
Mais, aux approches de son manoir, on pense bien qu'il avait tout oublié et ne songeait plus qu'au bonheur de revoir sa chère compagne, son père bien-aimé, sa tendre Mercédès, son paternel Lucilio, le sage Adamas et l'héroïque carrosseux, tous ces braves cœurs qui, en le gâtant de tout leur pouvoir, avaient réussi par miracle à en faire le meilleur et le plus charmant des êtres.
La noce fut splendide. Le marquis ouvrit le bal avec Lauriane, qui, heureuse et reposée, ne semblait pas avoir un jour de plus que le beau Mario.
FIN DU TOME SECOND ET DERNIER
[1] Picard le cordonnier, sergent dans la milice bourgeoise, où il était très-influent. Concini voulant transgresser une consigne que Picard faisait respecter, le maréchal d'Ancre le fit bâtonner. La fureur du peuple fut telle, que d'Ancre jugea sa vie en danger et sortit de Paris. Deux valets qui avaient servi sa vengeance furent pendus.
[2] Celui de Louis XIII avec Anne d'Autriche, et celui d'Élisabeth, sœur du jeune roi.
[3] Qui fut le grand Condé.
[4] C'était, sans doute, le fils ou le neveu d'un aventurier de ce nom que la reine Catherine avait fait gouverneur de Gien; grand assassin qui avait donné de sa personne au siége de Sancerre.
[5] Aujourd'hui Feuilly; jadis et successivement Seuly, Sully et Seuilly.
[6] On en peut voir le dessin exact, ainsi que celui du château, de l'if et des débris de la tombe de Charlotte d'Albret, dans le bel ouvrage de MM. de la Tremblais et de la Villegille: Esquisses pittoresques sur le département de l'Indre.
[7] Louise Borgia, mariée plus tard à Louis de la Trémouille, puis à Philippe de Bourbon-Busset.
[8] Saint Laurian est un des saints les plus fêtés de l'ancien Berry.
[9] J'ignore ce qu'est devenu le portrait dont il est ici question. J'en ai vu un tout semblable en la possession de l'illustre général Pepe. On sait qu'il en existe un de Raphaël qui est un chef-d'œuvre. Là, le Borgia est presque beau; du moins, il y a tant de distinction dans sa figure et d'élégance dans sa personne, qu'on hésite d'abord à le haïr. Pourtant l'examen produit une sensation de terreur réelle. La main, droite, fine et blanche comme celle d'une femme, serre tranquillement le manche d'un poignard placé sur son flanc. Elle le tient avec une adresse remarquable; elle est prête à frapper. Le mouvement est si admirablement indiqué, qu'on voit d'avance comment le coup va être porté, de haut en bas, dans le cœur de sa victime. Il y a de la grandeur dans ce portrait, en ce sens que le grand artiste a mis là son cachet, mais sans chercher à déguiser l'atrocité morale de son modèle, qu'il fait victorieusement percer à travers le calme effrayant de la figure.
[10] Cet ornement, usité au temps de Henri IV, est peut-être venu en France avec Marie de Médicis, comme une allusion aux armes de sa maison, que sont, comme l'on sait, sept petites boules, littéralement sept pilules, en souvenir de la profession du chef de la famille.
[11] Le mairain ou tuilage en bois de chêne, était employé dans presque tous les châteaux du Berry.
[12] C'est un des rares endroits du pays où l'on trouve encore la balsamine sauvage à fleurs jaunes.
[13] Aurore.
[14] Jésus.
[15] L'Évangile.
[16] On sait qu'on appelait verdures d'Auvergne des tentures de tapisserie représentant des arbres, des feuillages et des oiseaux, sans personnages et sans paysage déterminé. On les fabriquait, je crois, à Clermont.
[17] Michelet, lettre inédite.
[18] Raynal, Histoire du Berry.
[19] Mémoires de M. Lenet.
[20] Charlotte de la Trémouille, femme de Henri de Condé, premier du nom, captive pendant huit ans, acquittée, mais non justifiée.
[21] Henri Martin, Lettre inédite.
[22] Ces épis, qui sont d'une rareté curieuse pour les archéologues, sont restés, en certaines localités, une mode traditionnelle; les potiers de Verneuil en fabriquent de fort jolis sur les modèles anciens. Le petit vase à quatre ou six anses, monté sur plusieurs pièces et surmonté de fleurs ou d'oiseaux, se retrouve dans leur système d'ornement.
[23] Coq, Gallus.
[24] Monteil, Histoire des Français des divers états.
[25] On appelait encore en France les reîtres lansquenets, bien qu'ils ne portassent plus la lance.
[26] Henri Martin, Histoire de France.
[27] Henri Martin.