MARCO1

Note 1: (retour) L'auteur prévient que le rythme et le dessin de cette ritournelle sont empruntés à un poème faisant partie du recueil de M. J.-T. de Saint-Germain: les Roses de Noël (Mignon). Il a cru intéressant d'exploiter au profit d'un tout autre ordre d'idées une forme lyrique un peu naïve peut-être, mais assez harmonieuse toutefois dans sa maladresse même, et qui n'a point trop mal réussi, ce semble, à son inventeur, poète aimable.

Quand Marco passait, tous les jeunes hommes

Se penchaient pour voir ses yeux, des Sodomes

Où les feux d'Amour brûlaient sans pitié

Ta pauvre cahute, ô froide Amitié;

Tout autour dansaient des parfums mystiques

Où l'âme, en pleurant, s'anéantissait.

Sur ses cheveux roux un charme glissait;

Sa robe rendait d'étranges musiques

Quand Marco passait.

Quand Marco chantait, ses mains, sur l'ivoire,

Évoquaient souvent la profondeur noire

Des airs primitifs que nul n'a redits,

Et sa voix montait dans les paradis

De la symphonie immense des rêves,

Et l'enthousiasme alors transportait

Vers des cieux connus quiconque écoutait

Ce timbre d'argent qui vibrait sans trèves,

Quand Marco chantait.

Quand Marco pleurait, ses terribles larmes

Défiaient l'éclat des plus belles armes;

Ses lèvres de sang fonçaient leur carmin

Et son désespoir n'avait rien d'humain;

Pareil au foyer que l'huile exaspère,

Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait

Dit d'une lionne à l'âpre forêt

Communiquant sa terrible colère,

Quand Marco pleurait.

Quand Marco dansait, sa jupe moirée

Allait et venait comme une marée,

Et, tel qu'un bambou flexible, son flanc

Se tordait, faisant saillir son sein blanc;

Un éclair partait. Sa jambe de marbre,

Emphatiquement cynique, haussait

Ses mates splendeurs, et cela faisait

Le bruit du vent de la nuit dans un arbre,

Quand Marco dansait.

Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre

Et de chair mêlés opprimaient la chambre!

Sous les draps la ligne exquise du dos

Ondulait, et dans l'ombre des rideaux

L'haleine montait, rhythmique et légère;

Un sommeil heureux et calme fermait

Ses yeux, et ce doux mystère charmait

Les vagues objets parmi l'étagère,

Quand Marco dormait.

Mais quand elle aimait, des flots de luxure

Débordaient, ainsi que d'une blessure

Sort un sang vermeil qui fume et qui bout,

De ce corps cruel que son crime absout:

Le torrent rompait les digues de l'âme,

Noyait la pensée, et bouleversait

Tout sur son passage, et rebondissait

Souple et dévorant comme de la flamme,

Et puis se glaçait.


CESAR BORGIA


PORTRAIT EN PIED


Sur fond sombre noyant un riche vestibule

Où le buste d'Horace et celui de Tibulle

Lointain et de profil rêvent en marbre blanc,

La main gauche au poignard et la main droite au flanc,

Tandis qu'un rire doux redresse la moustache,

Le duc CÉSAR, un grand costume, se détache.

Les yeux noirs, les cheveux noirs et le velours noir

Vont contrastant, parmi l'or somptueux d'un soir,

Avec la pâleur mate et belle du visage

Vu de trois quarts et très ombré, suivant l'usage

Des Espagnols ainsi que des Vénitiens,

Dans les portraits de rois et de praticiens.

Le nez palpite, fin et droit. La bouche, rouge,

Est mince, et l'on dirait que la tenture bouge

Au souffle véhément qui doit s'en exhaler.

Et le regard errant avec laisser-aller,

Devant lui, comme il sied aux anciennes peintures,

Fourmille de pensers énormes d'aventures.

Et le front, large et pur, sillonné d'un grand pli,

Sans doute de projets formidables rempli,

Médite sous la toque où frissonne une plume

S'élançant hors d'un noeud de rubis qui s'allume.


LA MORT DE PHILIPPE II


A Louis-Xavier de Ricard.


Le coucher d'un soleil de septembre ensanglante

La plaine morne et l'âpre arête des sierras

Et de la brume au loin l'installation lente.

Le Guadarrama pousse entre les sables ras

Son flot hâtif qui va réfléchissant par places

Quelques oliviers nains tordant leurs maigres bras.

Le grand vol anguleux des éperviers rapaces

Raye à l'ouest le ciel mat et rouge qui brunit,

Et leur cri rauque grince à travers les espaces.

Despotique, et dressant au-devant du zénith

L'entassement brutal de ses tours octogones,

L'Escurial étend son orgueil de granit.

Les murs carrés, percés de vitraux monotones,

Montent droits, blancs et nus, sans autres ornements

Que quelques grils sculptés qu'alternent des couronnes.

Avec des bruits pareils aux rudes hurlements

D'un ours que des bergers navrent de coups de pioches

Et dont l'écho redit les râles alarmants,

Torrent de cris roulant ses ondes sur les roches,

Et puis s'évaporant en de murmures longs,

Sinistrement dans l'air, du soir, tintent les cloches.

Par les cours du palais, où l'ombre met ses plombs,

Circule—tortueux serpent hiératique—

Une procession de moines aux frocs blonds

Qui marchent un par un, suivant l'ordre ascétique,

Et qui, pieds nus, la corde aux reins, un cierge en main,

Ululent d'une voix formidable un cantique.

—Qui donc ici se meurt? Pour qui sur le chemin

Cette paille épandue et ces croix long-voilées

Selon le rituel catholique romain?—

La chambre est haute, vaste et sombre. Niellées,

Les portes d'acajou massif tournent sans bruit,

Leurs serrures étant, comme leurs gonds, huilées.

Une vague rougeur plus triste que la nuit

Filtre à rais indécis par les plis des tentures

A travers les vitraux où le couchant reluit,

Et fait papilloter sur les architectures,

A l'angle des objets, dans l'ombre du plafond,

Ce halo singulier qu'ont voit dans les peintures.

Parmi le clair-obscur transparent et profond

S'agitent effarés des hommes et des femmes

A pas furtifs, ainsi que les hyènes font.

Riches, les vêtements des seigneurs et des dames

Velours panne, satin soie, hermine et brocart,

Chantent l'ode du luxe en chatoyantes gammes,

Et, trouant par éclairs distancés avec art

L'opaque demi-jour, les cuirasses de cuivre

Des gardes alignés scintillent de trois quart

Un homme en robe noire, à visage de guivre,

Se penche, en caressant de la main ses fémurs.

Sur un lit, comme l'on se penche sur un livre.

Des rideaux de drap d'or roides comme des murs

Tombent d'un dais de bois d'ébène en droite ligne,

Dardant à temps égaux l'oeil des diamants durs.

Dans le lit, un vieillard d'une maigreur insigne

Égrène un chapelet, qu'il baise par moment,

Entre ses doigts crochus comme des brins de vigne

Ses lèvres font ce sourd et long marmottement,

Dernier signe de vie et premier d'agonie,

—Et son haleine pue épouvantablement.

Dans sa barbe couleur d'amarante ternie,

Parmi ses cheveux blancs où luisent des tons roux

Sous son linge bordé de dentelle jaunie,

Avides, empressés, fourmillants, et jaloux

De pomper tout le sang malsain du mourant fauve,

En bataillons serrés vont et viennent les poux.

C'est le Roi, ce mourant qu'assisté un mire chauve,

Le Roi Philippe Deux d'Espagne,—Saluez!

Et l'aigle autrichien s'effare dans l'alcôve,

Et de grands écussons, aux murailles cloués,

Brillent, et maints drapeaux où l'oiseau noir s'étale

Pendent deçà delà, vaguement remués!...

—La porte s'ouvre. Un flot de lumière brutale

Jaillit soudain, déferle et bientôt s'établit

Par l'ampleur de la chambre en nappe horizontale:

Porteurs de torches, roux, et que l'extase emplit,

Entrent dix capucins qui restent en prière:

Un d'entre eux se détache et marche droit au lit.

Il est grand, jeune et maigre, et son pas est de pierre,

Et les élancements farouches de la Foi

Rayonnent à travers les cils de sa paupière;

Son pied ferme et pesant et lourd, comme la Loi,

Sonne sur les tapis, régulier, emphatique;

Les yeux baissés en terre, il marche droit au Roi.

Et tous sur son trajet dans un geste extatique

S'agenouillent, frappant trois fois du poing leur sein,

Car il porte avec lui le sacré Viatique.

Du lit s'écarte avec respect le matassin,

Le médecin du corps, en pareille occurrence,

Devant céder la place, Ame, à ton médecin.

La figure du Roi, qu'étire la souffrance,

A l'approche du fray se rassérène un peu.

Tant la religion est grosse d'espérance!

Le moine, cette fois, ouvrant son oeil de feu,

Tout brillant de pardons mêlés à des reproches,

S'arrête, messager des justices de Dieu.

—Sinistrement dans l'air du soir tintent les cloches.

Et la Confession commence. Sur le flanc

Se retournant, le roi, d'un ton sourd, bas et grêle,

Parle de feux, de juifs, de bûchers et de sang.

—«Vous repentiriez-vous par hasard de ce zèle?

Brûler des juifs, mais c'est une dilection!

Vous fûtes, ce faisant, orthodoxe et fidèle.»—

Et, se pétrifiant dans l'exaltation,

Le Révérend, les bras croisés en croix, tête dressée,

Semble l'esprit sculpté de l'Inquisition.

Ayant repris haleine, et d'une voix cassée,

Péniblement, et comme arrachant par lambeaux

Un remords douloureux du fond de sa pensée,

Le Roi, dont la lueur tragique des flambeaux

Éclaire le visage osseux et le front blême,

Prononce ces mots: Flandre, Albe, morts, sacs, tombeaux.

—«Les Flamands, révoltés contre l'Église même,

Furent très justement punis, à votre los,

Et je m'étonne, ô Roi, de ce doute suprême.

«Poursuivez.»—Et le roi parla de don Carlos.

Et deux larmes coulaient tremblantes sur sa joue

Palpitante et collée affreusement à l'os.

—«Vous déplorez cet acte, et moi je vous en loue!

L'Infant, certes, était coupable au dernier point,

Ayant voulu tirer l'Espagne dans la boue

«De l'hérésie anglaise, et de plus n'ayant point

Frémi de conspirer—ô ruses abhorrées!—

Et contre un Père, et contre un Maître, et contre un Oint!»—

Le moine ensuite dit les formules sacrées

Par quoi tous nos péchés nous sont remis, et puis,

Prenant l'Hostie avec ses deux mains timorées,

Sur la langue du Roi la déposa. Tous bruits

Se sont tus, et la Cour, pliant dans la détresse,

Pria, muette et pâle, et nul n'a su depuis

Si sa prière fut sincère ou bien traîtresse.

—Qui dira les pensers obscurs que protégea

Ce silence, brouillard complice qui se dresse?—

Ayant communié, le Roi se replongea

Dans l'ampleur des coussins, et la béatitude

De l'Absolution reçue ouvrant déjà

L'oeil de son âme au jour clair de la certitude,

épanouit ses traits en un sourire exquis

Qui tenait de la fièvre et de la quiétude.

Et tandis qu'alentour ducs, comtes et marquis,

Pleins d'angoisses, fichaient leurs yeux sous la courtine.

L'âme du Roi montait aux cieux conquis.

Puis le râle des morts hurla dans la poitrine

De l'auguste malade avec des sursauts fous:

Tel l'ouragan passe à travers une ruine.

Et puis, plus rien; et puis, sortant par mille trous,

Ainsi que des serpents frileux de leur repaire,

Sur le corps froid les vers se mêlèrent aux poux.

—Philippe Deux était à la droite du Père.


ÉPILOGUE


I


Le soleil, moins ardent, luit clair au ciel moins dense.

Balancés par un vent automnal et berceur,

Les rosiers du jardin s'inclinent en cadence.

L'atmosphère ambiante a des baisers de soeur,

La Nature a quitté pour cette fois son trône

De splendeur, d'ironie et de sérénité:

Clémente, elle descend, par l'ampleur de l'air jaune,

Vers l'homme, son sujet pervers et révolté.

Du pan de son manteau que l'abîme constelle,

Elle daigne essuyer les moiteurs de nos fronts,

Et son âme éternelle et sa forme immortelle

Donnent calme et vigueur à nos coeurs mous et prompts.

Le frais balancement des ramures chenues,

L'horizon élargi plein de vagues chansons,

Tout, jusqu'au vol joyeux des oiseaux et des nues,

Tout aujourd'hui console et délivre.—Pensons.


II


Donc, c'en est fait. Ce livre est clos. Chères Idées

Qui rayiez mon ciel gris de vos ailes de feu

Dont le vent caressait mes tempes obsédées,

Vous pouvez revoler devers l'Infini bleu!

Et toi, Vers qui tintais, et toi, Rime sonore,

Et vous, Rythmes chanteurs, et vous, délicieux

Ressouvenirs, et vous, Rêves, et vous encore,

Images qu'évoquaient mes désirs anxieux,

Il faut nous séparer. Jusqu'aux jours plus propices

Ou nous réunira l'Art, notre maître, adieu,

Adieu, doux compagnons, adieu, charmants complices!

Vous pouvez revoler devers l'Infini bleu.

Aussi bien, nous avons fourni notre carrière

Et le jeune étalon de notre bon plaisir,

Tout affolé qu'il est de sa course première,

A besoin d'un peu d'ombre et de quelque loisir.

—Car toujours nous t'avons fixée, ô Poésie,

Notre astre unique et notre unique passion,

T'ayant seule pour guide et compagne choisie,

Mère, et nous méfiant de l'Inspiration.


III


Ah! l'Inspiration superbe et souveraine,

L'Égérie aux regards lumineux et profonds,

Le Genium commode et l'Erato soudaine,

L'Ange des vieux tableaux avec des ors au fond,

La Muse, dont la voix est puissante sans doute,

Puisqu'elle fait d'un coup dans les premiers cerveaux,

Comme ces pissenlits dont s'émaille la route,

Pousser tout un jardin de poèmes nouveaux,

La Colombe, le Saint-Esprit, le saint délire,

Les Troubles opportuns, les Transports complaisants,

Gabriel et son luth, Apollon et sa lyre,

Ah! l'Inspiration, on l'invoque à seize ans!

Ce qu'il nous faut à nous, les Suprêmes Poèles

Qui vénérons les Dieux et qui n'y croyons pas,

A nous dont nul rayon n'auréola les têtes,

Dont nulle Béatrix n'a dirigé les pas,

A nous qui ciselons les mots comme des coupes

Et qui faisons des vers émus très froidement,

A nous qu'on ne voit point les soirs aller par groupes

Harmonieux au bord des lacs et nous pàmant,

Ce qu'il nous faut, à nous, c'est, aux lueurs des lampes,

La science conquise et le sommeil dompté,

C'est le front dans les mains du vieux Faust des estampes,

C'est l'Obstination et c'est la Volonté!

C'est la Volonté sainte, absolue, éternelle,

Cramponnée au projet comme un noble condor

Aux flancs fumants de peur d'un buffle, et d'un coup d'aile

Emportant son trophée à travers les cieux d'or!

Ce qu'il nous faut à nous, c'est l'étude sans trêve,

C'est l'effort inouï, le combat non pareil,

C'est la nuit, l'âpre nuit du travail, d'où se lève

Lentement, lentement, l'Oeuvre, ainsi qu'un soleil!

Libre à nos Inspirés, coeurs qu'une oeillade enflamme.

D'abandonner leur être aux vents comme un bouleau:

Pauvres gens! l'Art n'est pas d'éparpiller son âme:

Est-elle eu marbre, ou non, la Vénus de Milo?

Nous donc, sculptons avec le ciseau des Pensées

Le bloc vierge du Beau, Paros immaculé,

Et faisons-en surgir sous nos mains empressées

Quelque pure statue au péplos étoile,

Afin qu'un jour, frappant de rayons gris et roses

Le chef-d'oeuvre serein, comme un nouveau Memnon

L'Aube-Postérité, fille des Temps moroses,

Fasse dans l'air futur retentir notre nom!




FÊTES GALANTES



CLAIR DE LUNE


Votre âme est un paysage choisi

Que vont charmants masques et bergamasques,

Jouant du luth et dansant et quasi

Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur

L'amour vainqueur et la vie opportune,

Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur

Et leur chanson se mêle au clair de lune,

Au calme clair de lune triste et beau,

Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres

Et sangloter d'extase les jets d'eau,

Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.


PANTOMIME


Pierrot, qui n'a rien d'un Clitandre,

Vide un flacon sans plus attendre,

Et, pratique, entame un pâté.

Cassandre, au fond de l'avenue,

Verse une larme méconnue

Sur son neveu déshérité.

Ce faquin d'Arlequin combine

L'enlèvement de Colombine

Et pirouette quatre fois.

Colombine rêve, surprise

De sentir un coeur dans la brise

Et d'entendre en son coeur des voix.


SUR L'HERBE


L'abbé divague.—Et toi, marquis,

Tu mets de travers ta perruque.

—Ce vieux vin de Chypre est exquis

Moins, Camargo, que votre nuque.

—Ma flamme...—Do, mi, sol, la, si.

—L'abbé, ta noirceur se dévoile.

—Que je meure, Mesdames, si

Je ne vous décroche une étoile.

—Je voudrais être petit chien!

—Embrassons nos bergères, l'une

Après l'autre.—Messieurs, eh bien?

—Do, mi, sol.—Hé! bonsoir la Lune!


L'ALLÉE


Fardée et peinte comme au temps des bergeries,

Frêle parmi les noeuds énormes de rubans,

Elle passe, sous les ramures assombries,

Dans l'allée où verdit la mousse des vieux bancs,

Avec mille façons et mille afféteries

Qu'on garde d'ordinaire aux perruches chéries.

Sa longue robe à queue est bleue, et l'éventail

Qu'elle froisse en ses doigts fluets aux larges bagues

S'égaie en des sujets érotiques, si vagues

Qu'elle sourit, tout en rêvant, à maint détail.

—Blonde en somme. Le nez mignon avec la bouche

Incarnadine, grasse, et divine d'orgueil

Inconscient.—D'ailleurs plus fine que la mouche

Qui ravive l'éclat un peu niais de l'oeil.


A LA PROMENADE


Le ciel si pâle et les arbres si grêles

Semblent sourire à nos costumes clairs

Qui vont flottant légers avec des airs

De nonchalance et des mouvements d'ailes.

Et le vent doux ride l'humble bassin,

Et la lueur du soleil qu'atténue

L'ombre des bas tilleuls de l'avenue

Nous parvient bleue et mourante à dessein.

Trompeurs exquis et coquettes charmantes

Coeurs tendres mais affranchis du serment

Nous devisons délicieusement,

Et les amants lutinent les amantes

De qui la main imperceptible sait

Parfois donner un soufflet qu'on échange

Contre un baiser sur l'extrême phalange

Du petit doigt, et comme la chose est

Immensément excessive et farouche,

On est puni par un regard très sec,

Lequel contraste, au demeurant, avec

La moue assez clémente de la bouche.


DANS LA GROTTE


Là, je me tue à vos genoux!

Car ma détresse est infinie,

Et la tigresse épouvantable d'Hyrcanie

Est une agnelle au prix de vous.

Oui, céans, cruelle Clymène,

Ce glaive qui, dans maints combats,

Mit tant de Scipions et de Cyrus à bas,

Va finir ma vie et ma peine!

Ai-je même besoin de lui

Pour descendre aux Champs-Elysées?

Amour perça-t-il pas de flèches aiguisées

Mon coeur, dès que votre oeil m'eût lui?


LES INGÉNUS


Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,

En sorte que, selon le terrain et le vent,

Parfois luisaient des bas de jambe, trop souvent

Interceptés!—et nous aimions ce jeu de dupes.

Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux

Inquiétait le col des belles, sous les branches,

Et c'était des éclairs soudains de nuques blanches

Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.

Le soir tombait, un soir équivoque d'automne:

Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,

Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,

Que notre âme depuis ce temps tremble et s'étonne.


CORTÈGE


Un singe en veste de brocart

Trotte et gambade devant elle

Qui froisse un mouchoir de dentelle

Dans sa main gantée avec art,

Tandis qu'un négrillon tout rouge

Maintient à tour de bras les pans

De sa lourde robe en suspens,

Attentif à tout pli qui bouge;

Le singe ne perd pas des yeux

La gorge blanche de la dame.

Opulent trésor que réclame

Le torse nu de l'un des dieux;

Le négrillon parfois soulève

Plus haut qu'il ne faut, l'aigrefin,

Son fardeau somptueux, afin

De voir ce dont la nuit il rêve;

Elle va par les escaliers,

Et ne paraît pas davantage

Sensible à l'insolent suffrage

De ses animaux familiers.


LES COQUILLAGES


Chaque coquillage incrusté

Dans la grotte où nous nous aimâmes

A sa particularité,

L'un a la pourpre de nos âmes

Dérobée au sang de nos coeurs

Quand je brûle et que tu t'enflammes;

Cet autre affecte tes langueurs

Et tes pâleurs alors que, lasse,

Tu m'en veux de mes yeux moqueurs;

Celui-ci contrefait la grâce

De ton oreille, et celui-là

Ta nuque rose, courte et grasse;

Mais un, entre autres, me troubla.


EN PATINANT


Nous fûmes dupes, vous et moi,

De manigances mutuelles,

Madame, à cause de l'émoi

Dont l'Été férut nos cervelles.

Le Printemps avait bien un peu

Contribué, si ma mémoire

Est bonne, à brouiller notre jeu,

Mais que d'une façon moins noire!

Car au printemps l'air est si frais

Qu'en somme les roses naissantes,

Qu'Amour semble entr'ouvrir exprès,

Ont des senteurs presque innocentes;

Et même les lilas ont beau

Pousser leur haleine poivrée,

Dans l'ardeur du soleil nouveau,

Cet excitant au plus récrée,

Tant le zéphir souffle, moqueur,

Dispersant l'aphrodisiaque

Effluve, en sorte que le coeur

Chôme et que même l'esprit vaque,

Et qu'émoustillés, les cinq sens

Se mettent alors de la fête,

Mais seuls, tout seuls, bien seuls et sans

Que la crise monte à la tête.

Ce fut le temps, sous de clairs ciels

(Vous en souvenez-vous, Madame?),

Des baisers superficiels

Et des sentiments à fleur d'âme,

Exempts de folles passions,

Pleins d'une bienveillance amène.

Comme tous deux nous jouissions

Sans enthousiasme—et sans peine!

Heureux instants!—mais vint l'Été:

Adieu, rafraîchissantes brises?

Un vent de lourde volupté

Investit nos âmes surprises.

Des fleurs aux calices vermeils

Nous lancèrent leurs odeurs mûres,

Et partout les mauvais conseils

Tombèrent sur nous des ramures

Nous cédâmes à tout cela,

Et ce fut un bien ridicule

Vertigo qui nous affola

Tant que dura la canicule.

Rires oiseux, pleurs sans raisons,

Mains indéfiniment pressées,

Tristesses moites, pâmoisons,

Et quel vague dans les pensées!

L'automne heureusement, avec

Son jour froid et ses bises rudes,

Vint nous corriger, bref et sec,

De nos mauvaises habitudes,

Et nous induisit brusquement

En l'élégance réclamée

De tout irréprochable amant

Comme de toute digne aimée...

Or cet Hiver, Madame, et nos

Parieurs tremblent pour leur bourse,

Et déjà les autres traîneaux

Osent nous disputer la course.

Les deux mains dans votre manchon,

Tenez-vous bien sur la banquette

Et filons!—et bientôt Fanchon

Nous fleurira quoiqu'on caquette!


FANTOCHES


Scaramouche et Pulcinella,

Qu'un mauvais dessein rassembla,

Gesticulent, noirs sur la lune.

Cependant l'excellent docteur

Bolonais cueille avec lenteur

Des simples parmi l'herbe brune.

Lors sa fille, piquant minois,

Sous la charmille en tapinois

Se glisse demi-nue, en quête

De son beau pirate espagnol,

Dont un langoureux rossignol

Clame la détresse à tue-tête.


CYTHÈRE


Un pavillon à claires-voies

Abrite doucement nos joies

Qu'éventent des rosiers amis;

L'odeur des roses, faible, grâce

Au vent léger d'été qui passe,

Se mêle aux parfums qu'elle a mis;

Comme ses yeux l'avaient promis,

Son courage est grand et sa lèvre

Communique une exquise fièvre;

Et l'Amour comblant tout, hormis

La Faim, sorbets et confitures

Nous préservent des courbatures.


EN BATEAU


L'étoile du berger tremblote

Dans l'eau plus noire et le pilote

Cherche un briquet dans sa culotte.

C'est l'instant, Messieurs, ou jamais,

D'être audacieux, et je mets

Mes deux mains partout désormais!

Le chevalier Atys qui gratte

Sa guitare, à Chloris l'ingrate

Lance une oeillade scélérate.

L'abbé confesse bas Églé,

Et ce vicomte déréglé

Des champs donne à son coeur la clé.

Cependant la lune se lève

Et l'esquif en sa course brève

File gaîment sur l'eau qui rêve.


LE FAUNE


Un vieux faune de terre cuite

Rit au centre des boulingrins,

Présageant sans doute une suite

Mauvaise à ces instants sereins

Qui m'ont conduit et t'ont conduite,

Mélancoliques pèlerins,

Jusqu'à cette heure dont la fuite

Tournoie au son des tambourins.


MANDOLINE


Les donneurs de sérénades

Et les belles écouteuses

Échangent des propos fades

Sous les ramures chanteuses.

C'est Tircis et c'est Aminte,

Et c'est l'éternel Clitandre,

Et c'est Damis qui pour mainte

Cruelle fait maint vers tendre.

Leurs courtes vestes de soie,

Leurs longues robes à queues,

Leur élégance, leur joie

Et leurs molles ombres bleues,

Tourbillonnent dans l'extase

D'une lune rose et grise,

Et la mandoline jase

Parmi les frissons de brise.


A CLYMÈNE


Mystiques barcarolles,

Romances sans paroles,

Chère, puisque tes yeux,

Couleur des cieux,

Puisque ta voix, étrange

Vision qui dérange

Et trouble l'horizon

De ma raison,

Puisque l'arôme insigne

De ta pâleur de cygne

Et puisque la candeur

De ton odeur,

Ah! puisque tout ton être,

Musique qui pénètre,

Nimbes d'anges défunts,

Tons et parfums.

A sur d'almes cadences

En ses correspondances,

Induit mon coeur subtil,

Ainsi soit-il!


LETTRE


Eloigné de vos yeux, Madame, par des soins

Impérieux (j'en prends tous les dieux à témoins),

Je languis et je meurs, comme c'est ma coutume

En pareil cas, et vais, le coeur plein d'amertume,

A travers des soucis où votre ombre me suit,

Le jour dans mes pensées, dans mes rêves la nuit.

Et la nuit et le jour adorable, Madame!

Si bien qu'enfin, mon corps faisant place à mon âme,

Je deviendrai fantôme à mon tour aussi, moi,

Et qu'alors, et parmi le lamentable émoi

Des enlacements vains et des désirs sans nombre,

Mon ombre se fondra à jamais en notre ombre.

En attendant, je suis, très chère, ton valet.

Tout se comporte-t-il là-bas comme il te plaît,

Ta perruche, ton chat, ton chien? La compagnie

Est-elle toujours belle, et cette Silvanie

Dont j'eusse aimé l'oeil noir si le tien n'était bleu,

Et qui parfois me fit des signes, palsambleu!

Te sert-elle toujours de douce confidente?

Or, Madame, un projet impatient me hante

De conquérir le monde et tous ses trésors pour

Mettre à vos pieds ce gage—indigne—d'un amour

Égal à toutes les flammes les plus célèbres

Qui des grands coeurs aient fait resplendir les ténèbres.

Cléopàtre fut moins aimée, oui, sur ma foi!

Par Marc-Antoine et par César que vous par moi,

N'en doutez pas, Madame, et je saurai combattre

Comme César pour un sourire, ô Cléopâtre,

Et comme Antoine fuir au seul prix d'un baiser.

Sur ce, très chère, adieu. Car voilà trop causer

Et le temps que l'on perd à lire une missive

N'aura jamais valu la peine qu'on l'écrive.


LES INDOLENTS


Bah! malgré les destins jaloux,

Mourons ensemble, voulez-vous?

—La proposition est rare.

—Le rare est le bon. Donc mourons

Comme dans les Décamérons.

—Hi! hi! hi! quel amant bizarre!

—Bizarre, je ne sais. Amant

Irréprochable, assurément.

Si vous voulez, mourons ensemble?

—Monsieur, vous raillez mieux encor

Que vous n'aimez, et parlez d'or;

Mais taisons-nous, si bon vous semble?

Si bien que ce soir-là Tircis

Et Dorimène, à deux assis

Non loin de deux silvains hilares,

Eurent l'inexpiable tort

D'ajourner une exquise mort.

Hi! hi! hi! les amants bizarres!


COLOMBINE


Léandre le sot,

Pierrot qui d'un saut

De puce

Franchit le buisson,

Cassandre sous son

Capuce,

Arlequin aussi,

Cet aigrefin si

Fantasque

Aux costumes fous,

Ses yeux luisants sous

Son masque,

—Do, mi, sol, mi, fa,—

Tout ce monde va,

Rit, chante

Et danse devant

Une belle enfant

Méchante

Dont les yeux pervers

Comme les yeux verts

Des chattes

Gardent ses appas

Et disent: «A bas

Les pattes!»

—Eux ils vont toujours!

Fatidique cours

Des astres,

Oh! dis-moi vers quels

Mornes ou cruels

Désastres

L'implacable enfant,

Preste et relevant

Ses jupes,

La rose au chapeau,

Conduit son troupeau

De dupes?


L'AMOUR PAR TERRE


Le vent de l'autre nuit a jeté bas l'Amour

Qui, dans le coin le plus mystérieux du parc,

Souriait en bandant malignement son arc,

Et dont l'aspect nous fit tant songer tout un jour!

Le vent de l'autre nuit l'a jeté bas! Le marbre

Au souffle du matin tournoie, épars. C'est triste

De voir le piédestal, où le nom de l'artiste

Se lit péniblement parmi l'ombre d'un arbre.

Oh! c'est triste de voir debout le piédestal

Tout seul! et des pensers mélancoliques vont

Et viennent dans mon rêve où le chagrin profond

Évoque un avenir solitaire et fatal.

Oh! c'est triste!—Et toi-même, est-ce pas? es touchée

D'un si dolent tableau, bien que ton oeil frivole

S'amuse au papillon de pourpre et d'or qui vole

Au-dessus des débris dont l'allée est jonchée.


EN SOURDINE


Calmes dans le demi-jour

Que les branches hautes font,

Pénétrons bien notre amour

De ce silence profond.

Fondons nos âmes, nos coeurs

Et nos sens extasiés,

Parmi les vagues langueurs

Des pins et des arbousiers.

Ferme tes yeux à demi,

Croise tes bras sur ton sein,

Et de ton coeur endormi

Chasse à jamais tout dessein.

Laissons-nous persuader

Au souffle berceur et doux

Qui vient à tes pieds rider

Les ondes de gazon roux.

Et quand, solennel, le soir

Des chênes noirs tombera,

Voix de notre désespoir,

Le rossignol chantera.


COLLOQUE SENTIMENTAL


Dans le vieux parc solitaire et glacé

Deux formes ont tout à l'heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,

Et l'on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé

Deux spectres ont évoqué le passé.

—Te souvient-il de notre extase ancienne?

—Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?

—Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?

Toujours vois-tu mon âme en rêve?—Non.

—Ah! les beaux jours de bonheur indicible

Où nous joignions nos bouches!—C'est possible.

Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir!

—L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,

Et la nuit seule entendit leurs paroles.




LA BONNE CHANSON



I


Le soleil du matin doucement chauffe et dore.

Les seigles et les blés tout humides encore,

Et l'azur a gardé sa fraîcheur de la nuit.

L'on sort sans autre but que de sortir; on suit,

Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,

Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.

L'air est vif. Par moments un oiseau vole avec

Quelque fruit de la haie ou quelque paille au bec,

Et son reflet dans l'eau survit à son passage.

C'est tout.

Mais le songeur aime ce paysage

Dont la claire douceur a soudain caressé

Son rêve de bonheur adorable, et bercé

Le souvenir charmant de cette jeune fille,

Blanche apparition qui chante et qui scintille,

Dont rêve le poète et que l'homme chérit,

Évoquant en ses voeux dont peut-être on sourit

La Compagne qu'enfin il a trouvée, et l'âme

Que son âme depuis toujours pleure et réclame.


II


Toute grâce et toutes nuances

Dans l'éclat doux de ses seize ans,

Elle a la candeur des enfances

Et les manèges innocents.

Ses yeux qui sont les yeux d'un ange,

Savent pourtant, sans y penser,

Éveiller le désir étrange

D'un immatériel baiser.

Et sa main, à ce point petite

Qu'un oiseau-mouche n'y tiendrait,

Captive, sans espoir de fuite,

Le coeur pris par elle en secret.

L'intelligence vient chez elle

En aide à l'âme noble; elle est

Pure autant que spirituelle:

Ce qu'elle a dit, il le fallait!

Et si la sottise l'amuse

Et la fait rire sans pitié,

Elle serait, étant la muse,

Clémente jusqu'à l'amitié.

Jusqu'à l'amour—qui sait? peut-être,

A l'égard d'un poète épris

Qui mendierait sous sa fenêtre,

L'audacieux! un digne prix

De sa chanson bonne ou mauvaise!

Mais témoignant sincèrement,

Sans fausse note, et sans fadaise,

Du doux mal qu'on souffre en aimant.


III


En robe grise et verte avec des ruches,

Un jour de juin que j'étais soucieux,

Elle apparut souriante à mes yeux

Qui l'admiraient sans redouter d'embûches

Elle alla, vint, revint, s'assit, parla,

Légère et grave, ironique, attendrie:

Et je sentais en mon âme assombrie

Comme un joyeux reflet de tout cela;

Sa voix, étant de la musique fine,

Accompagnait délicieusement

L'esprit sans fiel de son babil charmant

Où la gaîté d'un coeur bon se devine.

Aussi soudain fus-je, après le semblant

D'une révolte aussitôt étouffée,

Au plein pouvoir de la petite Fée

Que depuis lors je supplie en tremblant.


IV


Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,

Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien

Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,

Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,

C'en est fait à présent des funestes pensées,

C'en est fait des mauvais rêves, ah! c'en est fait

Surtout de l'ironie et des lèvres pincées

Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.

Arrière aussi les poings crispés et la colère

A propos des méchants et des sots rencontrés;

Arrière la rancune abominable! arrière

L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés!

Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière

A dans ma nuit profonde émis cette clarté

D'une amour à la fois immortelle et première,

De par la grâce, le sourire et la bonté,

Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,

Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,

Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses

Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin;

Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,

Vers le but où le sort dirigera mes pas,

Sans violence, sans remords et sans envie.

Ce sera le devoir heureux aux gais combats.

Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,

Je chanterai des airs ingénus, je me dis

Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute;

Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.


V


Avant que tu ne t'en ailles,

Pâle étoile du matin,

—Mille cailles

Chantent, chantent dans le thym.—

Tourne devers le poète,

Dont les yeux sont pleins d'amour,

—L'alouette

Monte au ciel avec le jour.—

Tourne ton regard que noie

L'aurore dans son azur;

—Quelle joie

Parmi les champs de blé mûr!—

Puis fais luire ma pensée

Là-bas,—bien loin, oh! bien loin!

—La rosée

Gaîment brille sur le foin.—

Dans le doux rêve où s'agite

Ma vie endormie encor...

—Vite, vite,

Car voici le soleil d'or.—