IX
—Pauvre âme, c'est cela!
III
I
Désormais le Sage, puni
Pour avoir trop aimé les choses,
Rendu prudent à l'infini,
Mais franc de scrupules moroses,
Et d'ailleurs retournant au Dieu
Qui fit les yeux et la lumière,
L'honneur, la gloire, et tout le peu
Qu'a son âme de candeur fière,
Le Sage peut dorénavant
Assister aux scènes du monde,
Et suivre la chanson du vent,
Et contempler la mer profonde.
Il ira, calme, et passera
Dans la férocité des villes,
Comme un mondain à l'Opéra
Qui sort blasé des danses viles.
Même,—et pour tenir abaissé
L'orgueil, qui fit son âme veuve,
Il remontera le passé,
Ce passé, comme un mauvais fleuve,
Il reverra l'herbe des bords,
Il entendra le flot qui pleure
Sur le bonheur mort et les torts
De cette date et de cette heure!...
Il aimera les cieux, les champs,
La bonté, l'ordre et l'harmonie,
Et sera doux, même aux méchants,
Afin que leur mort soit bénie.
Délicat et non exclusif,
Il sera du jour où nous sommes:
Son coeur, plutôt contemplatif,
Pourtant saura l'oeuvre des hommes.
Mais, revenu des passions,
Un peu méfiant des «usages»,
A vos civilisations
Préférera les paysages.
II
Du fond du grabat
As-tu vu l'étoile
Que l'hiver dévoile?
Comme ton coeur bat,
Comme cette idée,
Regret ou désir,
Ravage à plaisir
Ta tête obsédée,
Pauvre tête en feu,
Pauvre coeur sans dieu
L'ortie et l'herbette
Au bas du rempart
D'où l'appel frais part
D'une aigre trompette,
Le vent du coteau,
La Meuse, la goutte
Qu'on boit sur la route
A chaque écriteau,
Les sèves qu'on hume,
Les pipes qu'on fume!
Un rêve de froid:
«Que c'est beau la neige
Et tout son cortège
Dans leur cadre étroit!
Oh! tes blancs arcanes,
Nouvelle Archangel,
Mirage éternel
De mes caravanes!
Oh! ton chaste ciel,
Nouvelle Archangel?»
Cette ville sombre!
Tout est crainte ici...
Le ciel est transi
D'éclairer tant d'ombre.
Les pas que tu fais
Parmi ces bruyères
Lèvent des poussières
Au souffle mauvais...
Voyageur si triste,
Tu suis quelle piste?
C'est l'ivresse à mort,
C'est la noire orgie,
C'est l'amer effort
De ton énergie
Vers l'oubli dolent
De la voix intime,
C'est le seuil du crime,
C'est l'essor sanglant.
—Oh! fuis la chimère:
Ta mère, ta mère!
Quelle est cette voix
Qui ment et qui flatte!
«Ah! la tête plate,
Vipère des bois!»
Pardon et mystère.
Laisse ça dormir,
Qui peut, sans frémir,
Juger sur la terre?
«Ah! pourtant, pourtant,
Ce monstre impudent!»
La mer! Puisse-t elle
Laver ta rancoeur,
La mer au grand coeur.
Ton aïeule, celle
Qui chante en berçant
Ton angoisse atroce,
La mer, doux colosse
Au sein innocent,
Grondeuse infinie
De ton ironie!
Tu vis sans savoir!
Tu verses ton âme,
Ton lait et ta flamme
Dans quel désespoir?
Ton sang qui s'amasse
En une fleur d'or
N'est pas prêt encor
A la dédicace.
Attends quelque peu,
Ceci n'est que jeu.
Cette frénésie
T'initie au but.
D'ailleurs, le salut
Viendra d'un Messie
Dont tu ne sens plus,
Depuis bien des lieues,
Les effluves bleues
Sous tes bras perclus,
Naufrage d'un rêve
Qui n'a pas de grève!
Vis en attendant
L'heure toute proche.
Ne sois pas prudent.
Trêve à tout reproche.
Fais ce que tu veux.
Une main te guide
A travers le vide
Affreux de tes voeux.
Un peu de courage,
C'est le bon orage.
Voici le Malheur
Dans sa plénitude.
Mais à sa main rude
Quelle belle fleur!
«La brûlante épine!»
Un lis est moins blanc,
«Elle m'entre au flanc.»
Et l'odeur divine!
«Elle m'entre au coeur.»
Le parfum vainqueur!
«Pourtant je regrette,
Pourtant je me meurs,
Pourtant ces deux coeurs...»
Lève un peu la tête:
«Eh bien, c'est la Croix.»
Lève un peu ton âme
De ce monde infâme.
«Est-ce que je crois?»
Qu'en sais-tu? La Bête
Ignore sa tête,
La Chair et le Sang
Méconnaissent l'Acte.
«Mais j'ai fait un pacte
Qui va m'enlaçant
A la faute noire,
Je me dois à mon
Tenace démon:
Je ne veux point croire.
Je n'ai pas besoin
De rêver si loin!
«Aussi bien j'écoute
Des sons d'autrefois.
Vipère des bois,
Encor sur ma route?
Cette fois tu mords.»
Laisse cette bête.
Que fait au poète?
Que sont des coeurs morts?
Ah! plutôt oublie
Ta propre folie.
Ah! plutôt, surtout,
Douceur, patience,
Mi-voix et nuance,
Et paix jusqu'au bout!
Aussi bon que sage,
Simple autant que bon,
Soumets ta raison
Au plus pauvre adage,
Naïf et discret,
Heureux en secret!
Ah! surtout, terrasse
Ton orgueil cruel,
Implore la grâce
D'être un pur Abel,
Finis l'odyssée
Dans le repentir
D'un humble martyr,
D une humble pensée.
Regarde au-dessus...
«Est-ce vous, JÉSUS?»
III
L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou.
Que ne t'endormais-tu, le coude sur la table?
Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-la. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.
Midi sonne. De grâce, éloignez-vous, madame.
Il dort. C'est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.
Midi sonne. J'ai fait arroser dans la chambre.
Va, dors! L'espoir luit comme un caillou dans un creux.
Ah! quand refleuriront les roses de septembre!
IV
Gaspard Hauser chante:
Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes:
Ils ne m'ont pas trouvé malin.
A vingt ans un trouble nouveau
Sous le nom d'amoureuses flammes
M'a fait trouver belles les femmes:
Elles ne m'ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l'étant guère,
J'ai voulu mourir à la guerre:
La mort n'a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop lard?
Qu'est-ce que je fais en ce monde?
O vous tous, ma peine est profonde;
Priez pour le pauvre Gaspard!
V
Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie:
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie!
Je ne vois plus rien,
Je perds la mémoire
Du mal et du bien...
O la triste histoire!
Je suis un berceau
Qu'une main balance
Au creux d'un caveau:
Silence, silence!
VI
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme!
Un arbre, par-dessus le toit
Berce sa palme.
La cloche dans le ciel qu'on voit
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
—Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse?
VII
Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D'une aile inquiète et folle vole sur la mer,
Tout ce qui m'est cher,
D'une aile d'effroi
Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi?
Mouette à l'essor mélancolique.
Elle suit la vague, ma pensée,
A tous les vents du ciel balancée
Et biaisant quand la marée oblique,
Mouette à l'essor mélancolique.
Ivre de soleil
Et de liberté,
Un instinct la guide à travers cette immensité.
La brise d'été
Sur le flot vermeil
Doucement la porte en un tiède demi-sommeil.
Parfois si tristement elle crie
Qu'elle alarme au lointain le pilote,
Puis au gré du vent se livre et flotte
Et plonge, et l'aile toute meurtrie
Revole, et puis si tristement crie!
Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D une aile inquiète et folle vole sur la mer.
Tout ce qui m'est cher,
D'une aile d'effroi,
Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi?
VIII
Parfums, couleurs, systèmes, lois!
Les mots ont peur comme des poules.
La Chair sanglote sur la croix.
Pied, c'est du rêve que tu foules,
Et partout ricane la voix,
La voix tentatrice des foules.
Cieux bruns où nagent nos desseins,
Fleurs qui n'êtes pas le calice,
Vin et ton geste qui se glisse,
Femme et l'oeillade de tes seins,
Nuit câline aux frais traversins,
Qu'est-ce que c'est que ce délice,
Qu'est-ce que c'est que ce supplice,
Nous les damnés et vous les Saints?
IX
Le son du cor s'afflige vers les bois
D'une douleur on veut croire orpheline
Qui vient mourir au bas de la colline
Parmi la bise errant en courts abois.
L'âme du loup pleure dans cette voix
Qui monte avec le soleil qui décline,
D'une agonie on veut croire câline
Et qui ravit et qui navre à la fois.
Pour faire mieux cette plainte assoupie
La neige tombe à longs traits de charpie
A travers le couchant sanguinolent,
Et l'air a l'air d'être un soupir d'automne,
Tant il fait doux par ce soir monotone
Où se dorlote un paysage lent.
X
La tristesse, langueur du corps humain
M'attendrissent, me fléchissent, m'apitoient,
Ah! surtout quand des sommeils noirs le foudroient.
Quand les draps zèbrent la peau, foulent la main!
Et que mièvre dans la fièvre du demain,
Tiède encor du bain de sueur qui décroît,
Comme un oiseau qui grelotte sous un toit!
Et les pieds, toujours douloureux du chemin,
Et le sein, marqué d'un double coup de poing,
Et la bouche, une blessure rouge encor,
Et la chair frémissante, frêle décor,
Et les yeux, les pauvres yeux si beaux où point
La douleur de voir encore du fini!...
Triste corps! Combien faible et combien puni!
XI
La bise se rue à travers
Les buissons tout noirs et tout verts,
Glaçant la neige éparpillée,
Dans la campagne ensoleillée,
L'odeur est aigre près des bois,
L'horizon chante avec des voix,
Les coqs des clochers des villages
Luisent crûment sur les nuages.
C'est délicieux de marcher
A travers ce brouillard léger
Qu'un vent taquin parfois retrousse.
Ah! fi de mon vieux feu qui tousse!
J'ai des fourmis plein les talons.
Debout, mon âme, vite, allons!
C'est le printemps sévère encore,
Mais qui par instant s'édulcore
D'un souffle tiède juste assez
Pour mieux sentir les froids passés
Et penser au Dieu de clémence...
Va, mon âme, à l'espoir immense!
XII
Vous voilà, vous voilà, pauvres bonnes pensées!
L'espoir qu'il faut, regret des grâces dépensées,
Douceur de coeur avec sévérité d'esprit,
Et cette vigilance, et le calme prescrit,
Et toutes!—Mais encor lentes, bien éveillées,
Bien d'aplomb, mais encor timides, débrouillées
A peine du lourd rêve et de la tiède nuit.
C'est à qui de vous va plus gauche, l'une suit
L'autre, et toutes ont peur du vaste clair de lune.
«Telles, quand des brebis sortent d'un clos. C'est une,
Puis deux, puis trois. Le reste est là, les yeux baissés,
La tête à terre, et l'air des plus embarrassés,
Faisant ce que fait leur chef de file: il s'arrête,
Elles s'arrêtent tour à tour, posant leur tête
Sur son dos, simplement et sans savoir pourquoi3.»
Votre pasteur, ô mes brebis, ce n'est pas moi,
C'est un meilleur, un bien meilleur, qui sait les causes,
Lui qui vous tint longtemps et si longtemps là closes,
Mais qui vous délivra de sa main au temps vrai.
Suivez-le. Sa houlette est bonne.
Et je serai,
Sous sa voix toujours douce à votre ennui qui bêle,
Je serai, moi, par vos chemins, son chien fidèle.
Note 3: (retour) DANTE, le Purgatoire.
XIII
L'échelonnement des haies
Moutonne à l'infini, mer
Claire dans le brouillard clair
Qui sent bon les jeunes baies.
Des arbres et des moulins
Sont légers sous le vert tendre
Où vient s'ébattre et s'étendre
L'agilité des poulains.
Dans ce vague d'un Dimanche
Voici se jouer aussi
De grandes brebis aussi
Douces que leur laine blanche.
Tout à l'heure déferlait
L'onde, roulée en volutes,
De cloches comme des flûtes
Dans le ciel comme du lait.
XIV
L'immensité de l'humanité,
Le temps passé vivace et bon père,
Une entreprise à jamais prospère:
Quelle puissante et calme cité!
Il semble ici qu'on vit dans l'histoire,
Tout est plus fort que l'homme d'un jour,
De lourds rideaux d'atmosphère noire
Font richement la nuit alentour.
O civilisés que civilise
L'Ordre obéi, le Respect sacré!
O dans ce champ si bien préparé
Cette moisson de la Seule Eglise!
XV
La mer est plus belle
Que les cathédrales,
Nourrice fidèle,
Berceuse de râles,
La mer qui prie
La Vierge Marie!
Elle a tous les dons
Terribles et doux.
J'entends ses pardons
Gronder ses courroux.
Cette immensité
N'a rien d'entêté.
O! si patiente,
Même quand méchante!
Un souffle ami hante
La vague, et nous chante:
«Vous sans espérance,
Mourez sans souffrance!»
Et puis sous les cieux
Qui s'y rient plus clairs,
Elle a des airs bleus,
Rosés, gris et verts...
Plus belle que tous,
Meilleure que nous!
XVI
La «grande ville». Un tas criard de pierres blanches
Où rage le soleil comme en pays conquis.
Tous les vices ont leur tanière, les exquis
Et les hideux, dans ce désert de pierres blanches.
Des odeurs! Des bruits vains! Où que vague le coeur,
Toujours ce poudroiement vertigineux de sable,
Toujours ce remuement de la chose coupable
Dans cette solitude où s'écoeure le coeur!
De près, de loin, le Sage aura sa thébaïde
Parmi le fade ennui qui monte de ceci,
D'autant plus âpre et plus sanctifiante aussi
Que deux parts de son âme y pleurent, dans ce vide!
XVII
Toutes les amours de la terre
Laissant au coeur du délétère
Et de l'affreusement amer,
Fraternelles et conjugales,
Paternelles et filiales,
Civiques et nationales,
Les charnelles, les idéales,
Toutes ont la guêpe et le ver.
La mort prend ton père et ta mère,
Ton frère trahira son frère,
Ta femme flaire un autre époux,
Ton enfant, on te l'aliène,
Ton peuple, il se pille ou s'enchaîne
Et l'étranger y pond sa haine,
Ta chair s'irrite et tourne obscène,
Ton âme flue en rêves fous.
Mais, dit Jésus, aime, n'importe!
Puis de toute illusion morte
Fais un cortège, forme un choeur,
Va devant, tel aux champs le pâtre,
Tel le coryphée au théâtre,
Tel le vrai prêtre ou l'idolâtre,
Tels les grands-parents près de l'âtre,
Oui, que devant aille ton coeur!
Et que toutes ces voix dolentes
S'élèvent rapides ou lentes,
Aigres ou douces, composant
A la gloire de Ma souffrance
Instrument de ta délivrance,
Condiment de ton espérance
Et mets de la propre navrance.
L'hymne qui te sied à présent!
XVIII
Sainte Thérèse veut que la Pauvreté soit
La reine d'ici-bas, et littéralement!
Elle dit peu de mots de ce gouvernement
Et ne s'arrête point aux détails de surcroît;
Mais le Point, à son sens, celui qu'il faut qu'on voie
Et croie, est ceci dont elle la complimente:
Le libre arbitre pèse, arguë et parlemente,
Puis le pauvre-de-coeur décide et suit sa voie.
Qui l'en empêchera? De voeux il n'en a plus
Que celui d'être un jour au nombre des élus,
Tout-puissant serviteur, tout-puissant souverain,
Prodigue et dédaigneux, sur tous, des choses eues,
Mais accumulateur des seules choses sues,
De quel si fier sujet, et libre, quelle reine!
XIX
Parisien, mon frère à jamais étonné,
Montons sur la colline où le soleil est né
Si glorieux qu'il fait comprendre l'idolâtre,
Sous cette perspective inconnue au théâtre,
D'arbres au vent et de poussière d'ombre et d'or.
Montons. Il est si frais encor, montons encor.
Là! nous voilà placés comme dans une «loge
De face», et le décor vraiment tire un éloge.
La cathédrale énorme et le beffroi sans fin,
Ces toits de tuile sous ces verdures, le vain
Appareil des remparts pompeux et grands quand même,
Ces clochers, cette tour, ces autres, sur l'or blême
Des nuages à l'ouest réverbérant l'or dur
De derrière chez nous, tous ces lourds joyaux sur
Ces ouates, n'est-ce pas, l'écrin vaut le voyage,
Et c'est ce qu'on peut dire un brin de paysage?
—Mais descendons, si ce n'est pas trop abuser
De vos pieds las, à fin seule de reposer
Vos yeux qui n'ont jamais rien vu que Montmartre,
—«Campagne» vert de plaie et ville blanc de dartre
(Et les sombres parfums qui grimpent de Pantin!)—
Donc, par ce lent sentier de rosée et de thym,
Cheminons vers la ville au long de la rivière,
Sous les frais peupliers, dans la fine lumière.
L'une des portes ouvre une rue, entrons-y.
Aussi bien, c'est le point qu'il faut, l'endroit choisi:
Si blanches, les maisons anciennes, si bien faites,
Point hautes, ça et là des bronches sur leurs faîtes,
Si doux et sinueux le cours de ces maisons,
Comme un ruisseau parmi de vagues frondaisons,
Profilant la lumière et l'ombre en broderies
Au lieu du long ennui de vos haussmanneries,
Et si gentil l'accent qui confine au patois
De ces passants naïfs avec leurs yeux matois!...
Des places ivres d'air et de cris d'hirondelles
Où l'histoire proteste en formules fidèles
A la crête des toits comme au fer des balcons,
Des portes ne tournant qu'à regret sur leurs gonds,
Jalouses de garder l'honneur et la famille...
Ici tout vit et meurt calme, rien ne fourmille,
Le «Théâtre» fait four, et ce dieu des brouillons.
Le «Journal» n'en est plus à compter ses bouillons,
L'amour même prétend conserver ses noblesses
Et le vice se gobe en de rares drôlesses.
Enfin rien de Paris, mon frère «dans nos murs».
Que les modes... d'hier, et que les fruits bien mûrs
De ce fameux progrès que vous mangez en herbe.
Du reste on vit à l'aise. Une chère superbe,
La raison raisonnable et l'esprit des aïeux,
Beaucoup de sain travail, quelques loisirs joyeux,
Et ce besoin d'avoir peur de la grande route!
Avouez, la province est bonne, somme toute,
Et vous regrettez moins que tantôt la «splendeur»
Du vieux monstre, et son pouls fébrile, et cette odeur!
XX
C'est la fête du blé, c'est la fête du pain
Aux chers lieux d'autrefois revus après ces choses!
Tout bruit, la nature et l'homme, dans un bain
De lumière si blanc que les ombres sont roses.
L'or des pailles s'effondre au vol siffleur des faux
Dont l'éclair plonge, et va luire, et se réverbère.
La plaine, tout au loin couverte de travaux,
Change de face à chaque instant, gaie et sévère.
Tout halète, tout n'est qu'effort et mouvement
Sous le soleil, tranquille auteur des moissons mûres,
Et qui travaille encore imperturbablement
A gonfler, à sucrer là-bas les grappes sures.
Travaille, vieux soleil, pour le pain et le vin,
Nourris l'homme du lait de la terre, et lui donne
L'honnête verre où rit un peu d'oubli divin.
Moissonneurs, vendangeurs là-bas votre heure est bonne!
Car sur la fleur des pains et sur la fleur des vins,
Fruit de la force humaine en tous lieux répartie,
Dieu moissonne, et vendange, et dispose à ses fins
La Chair et le Sang pour le calice et l'hostie!
PROLOGUE
En route, mauvaise troupe!
Partez, mes enfants perdus!
Ces loisirs vous étaient dus!
La Chimère tend sa croupe.
Partez, grimpés sur son dos,
Comme essaime un vol de rêves
D'un malade dans les brèves
Fleurs vagues de ses rideaux.
Ma main tiède qui s'agite
Faible encore, mais enfin
Sans fièvre, et qui ne palpite
Plus que d'un effort divin,
Ma main vous bénit, petites
Mouches de mes soleils noirs
Et de mes nuits blanches. Vites,
Partez, petits désespoirs,
Petits espoirs, douleurs, joies,
Que dès hier renia
Mon coeur quêtant d'autres proies...
Allez, aeigri somnia.
SONNETS ET AUTRES VERS
A la louange de Laure et de Pétrarque.
Chose italienne où Shakspeare a passé
Mais que Ronsard fit superbement française,
Fine basilique au large diocèse,
Saint-Pierre-des-Vers, immense et condensé,
Elle, ta marraine, et Lui qui t'a pensé,
Dogme entier toujours debout sous l'exégèse
Même edmondschéresque ou francisquesarceyse,
Sonnet, force acquise et trésor amassé,
Ceux-là sont très bons et toujours vénérables,
Ayant procuré leur luxe aux misérables
Et l'or fou qui sied aux pauvres glorieux,
Aux poètes fiers comme les gueux d'Espagne,
Aux vierges qu'exalte un rythme exact, aux yeux
Épris d'ordre, aux coeurs qu'un voeu chaste accompagne.
PIERROT
A Léon Valade.
Ce n'est plus le rêveur lunaire du vieil air
Qui riait aux aïeux dans les dessus de portes;
Sa gaîté, comme sa chandelle, hélas! est morte,
Et son spectre aujourd'hui nous hante, mince et clair.
Et voici que parmi l'effroi d'un long éclair
Sa pâle blouse à l'air, au vent froid qui l'emporte,
D'un linceul, et sa bouche est béante, de sorte
Qu'il semble hurler sous les morsures du ver.
Avec le bruit d'un vol d'oiseaux de nuit qui passe,
Ses manches blanches font vaguement par l'espace
Des signes fous auxquels personne ne répond.
Ses yeux sont deux grands trous où rampe du phosphore,
Et la farine rend plus effroyable encore
Sa face exsangue au nez pointu de moribond.
KALÉIDOSCOPE
A Germain Nouveau.
Dans une rue, au coeur d'une ville de rêve,
Ce sera comme quand on a déjà vécu:
Un instant à la fois très vague et très aigu...
O ce soleil parmi la brume qui se lève!
O ce cri sur la mer, celle voix dans les bois!
Ce sera comme quand on ignore des causes:
Un lent réveil après bien des métempsycoses:
Les choses seront plus les mêmes qu'autrefois
Dans cette rue, au coeur de la ville magique
Où des orgues moudront des gigues dans les soirs,
Où les cafés auront des chats sur les dressoirs,
Et que traverseront des bandes de musique.
Ce sera si fatal qu'on en croira mourir:
Des larmes ruisselant douces le long des joues,
Des rires sanglotés dans le fracas des roues,
Des invocations à la mort de venir,
Des mots anciens comme des bouquets de fleurs fanées!
Les bruits aigres des bals publics arriveront,
Et des veuves avec du cuivre après leur front,
Paysannes, fendront la foule des traînées
Qui flânent là, causant avec d'affreux moutards
Et des vieux sans sourcils que la dartre enfarine,
Cependant qu'à deux pas, dans des senteurs d'urine,
Quelque fête publique enverra des pétards.
Ce sera comme quand on rêve et qu'on s'éveille!
Et que l'on se rendort et que l'on rêve encor
De la même féerie et du même décor,
L'été, dans l'herbe, au bruit moiré d'un vol d'abeille.
INTÉRIEUR
A grands plis sombres une ample tapisserie
De haute lice, avec emphase descendrait
Le long des quatre murs immenses d'un retrait
Mystérieux où l'ombre au luxe se marie.
Les meubles vieux, d'étoffe éclatante flétrie,
Le lit entr'aperçu vague comme un regret,
Tout aurait l'attitude et l'âge du secret,
Et l'esprit se perdrait en quelque allégorie.
Ni livres, ni tableaux, ni fleurs, ni clavecins;
Seule, à travers les fonds obscurs, sur des coussins,
Une apparition bleue et blanche de femme
Tristement sourirait—inquiétant témoin—
Au lent écho d'un chant lointain d'épithalame.
Dans une obsession de musc et de benjoin.
DIZAIN MIL HUIT CENT TRENTE
Je suis né romantique et j'eusse été fatal
En un frac très étroit aux boutons de métal,
Avec ma barbe en pointe et mes cheveux en brosse.
Hablant español, très loyal et très féroce,
L'oeil idoine à l'oeillade et chargé de défis.
Beautés mises à mal et bourgeois déconfits
Eussent bondé ma vie et soûlé mon coeur d'homme.
Pâle et jaune, d'ailleurs, et taciturne comme
Un enfant scrofuleux dans un Escurial...
Et puis j'eusse été si féroce et si loyal!
A HORATIO
Ami, le temps n'est plus des guitares, des plumes,
Des créanciers, des duels hilares à propos
De rien, des cabarets, des pipes aux chapeaux
Et de cette gaîté banale où nous nous plûmes.
Voici venir, ami très tendre, qui t'allumes
Au moindre dé pipé, mon doux briseur de pots,
Horatio, terreur et gloire des tripots,
Cher diseur de jurons à remplir cent volumes,
Voici venir parmi les brumes d'Elseneur
Quelque chose de moins plaisant, sur mon honneur,
Qu'Ophélia, l'enfant aimable qui s'étonne.
C'est le spectre, le spectre impérieux! Sa main
Montre un but et son oeil éclaire et son pied tonne,
Hélas! et nul moyen de remettre à demain!
SONNET BOITEUX
A Ernest Delahaye.
Ah! vraiment c'est triste, ah! vraiment ça finit trop mal.
Il n'est point permis d'être à ce point infortuné.
Ah! vraiment c'est trop la mort du naïf animal
Qui voit tout son sang couler sous son regard fané.
Londres fume et crie. O quelle ville de la Bible!
Le gaz flambe et nage et les enseignes sont vermeilles.
Et les maisons dans leur ratatinement terrible
Épouvantent comme un sénat de petites vieilles.
Tout l'affreux passé saute, piaule, miaule et glapit
Dans le brouillard rose et jaune et sale des sohos
Avec des indeeds et des all rights et des hâos.
Non vraiment c'est trop un martyre sans espérance,
Non vraiment cela finit trop mal, vraiment c'est triste:
O le feu du ciel sur cette ville de la Bible!
LE CLOWN
A Laurent Tailhade.
Bobèche, adieu! bonsoir, Paillasse! arrière, Gille!
Place, bouffons vieillis, au parfait plaisantin,
Place! très grave, très discret et très hautain,
Voici venir le maître à tous, le clown agile.
Plus souple qu'Arlequin et plus brave qu'Achille,
C'est bien lui, dans sa blanche armure de satin;
Vides et clairs ainsi que des miroirs sans tain,
Ses yeux ne vivent pas dans son masque d'argile.
Ils luisent bleus parmi le fard et les onguents,
Cependant que la tête et le buste, élégants,
Se balancent par l'arc paradoxal des jambes.
Puis il sourit. Autour le peuple bête et laid,
La canaille puante et sainte des Iambes,
Acclame l'histrion sinistre qui la hait.
Écrit sur l'Album de Mme N. de V.
Des yeux tout autour de la tête
Ainsi qu'il est dit dans Murger.
Point très bonne, un esprit d'enfer
Avec des rires d'alouette.
Sculpteur, musicien, poète
Sont ses hôtes. Dieux, quel hiver
Nous passâmes! Ce fut amer
Et doux. Un sabbat! Une fête!
Ses cheveux, noir tas sauvage où
Scintille un barbare bijou,
La font reine et la font fantoche.
Ayant vu cet ange pervers,
«Oùsqu'est mon sonnet?» dit Arvers
Et Chilpéric dit: «Sapristoche!»
LE SQUELETTE
A Albert Mérat.
Deux reîtres saouls, courant les champs, virent parmi
La fange d'un fossé profond une carcasse
Humaine dont la faim torve d'un loup fugace
Venait de disloquer l'ossature à demi.
La tête, intacte, avait ce rictus ennemi
Qui nous attriste, nous énerve et nous agace.
Or, peu mystiques, nos capitaines Fracasse
Songèrent (John Falstaff lui-même en eût frémi)
Qu'ils avaient bu, que tout vin bu filtre et s'égoutte,
Et qu'en outre ce mort avec son chef béant
Ne serait pas fâché déboire aussi, sans doute.
Mais comme il ne faut pas insulter au Néant,
Le squelette s'étant dressé sur son séant
Fit signe qu'ils pouvaient continuer leur route.
A Albert Mérat.
Et nous voilà très doux à la bêtise humaine,
Lui pardonnant vraiment et même un peu touchés
De sa candeur extrême et des torts très légers
Dans le fond qu'elle assume et du train qu'elle mène.
Pauvres gens que les gens! Mourir pour Célimène,
Épouser Angélique ou venir de nuit chez
Agnès et la briser, et tous les sots péchés,
Tel est l'Amour encor plus faible que la Haine!
L'Ambition, l'Orgueil, des tours dont vous tombez,
Le Vin, qui vous imbibe et vous tord imbibés,
L'Argent, le Jeu, le Crime, un tas de pauvres crimes!
C'est pourquoi, mon très cher Mérat, Mérat et moi,
Nous étant dépouillés de tout banal émoi,
Vivons clans un dandysme épris des seules Rimes!
ART POÉTIQUE
A Charles Morice.
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise:
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière les voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles!
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance!
Oh! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor!
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine!
Prends l'éloquence et tords-lui son cou!
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où?
O qui dira les torts de la Rime!
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime?
De la musique encore et toujours!
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
LE PITRE
Le tréteau qu'un orchestre emphatique secoue
Grince sous les grands pieds du maigre baladin
Qui harangue non sans finesse et sans dédain
Les badauds piétinant devant lui dans la boue.
Le plâtre de son front et le fard de sa joue
Font merveille. Il pérore et se tait tout soudain,
Reçoit des coups de pieds au derrière, badin
Baise au cou sa commère énorme, et fait la roue.
Ses boniments de coeur et d'âme, approuvons-les.
Son court pourpoint de toile à fleurs et ses mollets
Tournants jusqu'à l'abus valent que l'on s'arrête.
Mais ce qui sied à tous d'admirer, c'est surtout
Cette perruque d'où se dresse sur la tête,
Preste, une queue avec un papillon au bout.
ALLÉGORIE
A Jules Valadon.
Despotique, pesant, incolore, l'Été,
Comme un roi fainéant présidant un supplice,
S'étire par l'ardeur blanche du ciel complice
Et bâille. L'homme dort loin du travail quitté.
L'alouette, au matin, lasse n'a pas chanté.
Pas un nuage, pas un souffle, rien qui plisse.
Ou ride cet azur implacablement lisse
Où le silence bout dans l'immobilité.
L'âpre engourdissement a gagné les cigales
Et sur leur lit étroit de pierres inégales
Les ruisseaux à moitié taris ne sautent plus.
Une rotation incessante de moires
Lumineuses étend ses flux et ses reflux...
Des guêpes, ça et là volent, jaunes et noires.
L'AUBERGE
A Jean Moréas.
Murs blancs, toit rouge, c'est l'Auberge fraîche au bord
Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L'Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passeport.
Ici l'on fume, ici l'on chante, ici l'on dort.
L'hôte est un vieux soldat, et l'hôtesse, qui peigne
Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,
Parle d'amour, de joie et d'aise, et n'a pas tort!
La salle au noir plafond de poutres, aux images
Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous accueille d'un bon parfum de soupe aux choux.
Entendez-vous? C'est la marmite qu'accompagne
L'horloge du tic-tac alléger de son pouls.
Et la fenêtre s'ouvre au loin sur la campagne.
CIRCONSPECTION
A Gaston Sénéchal.
Donne ta main, retiens ton souffle, asseyons-nous
Sous cet arbre géant où vient mourir la brise
En soupirs inégaux sous la ramure grise
Que caresse le clair de lune blême et doux.
Immobiles, baissons nos yeux vers nos genoux.
Ne pensons pas, rêvons. Laissons faire à leur guise
Le bonheur qui s'enfuit et l'amour qui s'épuise,
Et nos cheveux frôlés par l'aile des hiboux.
Oublions d'espérer. Discrète et contenue,
Que l'âme de chacun de nous deux continue
Ce calme et cette mort sereine du soleil.
Restons silencieux parmi la paix nocturne:
Il n'est pas bon d'aller troubler dans son sommeil
La nature, ce dieu féroce et taciturne.
VERS POUR ÊTRE CALOMNIÉ
A Charles Vignier.
Ce jour je m'étais penché sur ton sommeil.
Tout ton corps dormait chaste sur l'humble lit,
Et j'ai vu, comme un qui s'applique et qui lit,
Ah! j'ai vu que tout est vain sous le soleil!
Qu'on vive, ô quelle délicate merveille,
Tant notre appareil est une fleur qui plie!
O pensée aboutissant à la folie!
Va, pauvre, dors, moi, l'effroi pour toi m'éveille.
Ah! misère de t'aimer, mon frêle amour
Qui vas respirant comme on respire un jour!
O regard fermé que la mort fera tel!
O bouche qui ris en songe sur ma bouche,
En attendant l'autre rire plus farouche!
Vite, éveille-toi! Dis, l'âme est immortelle?
LUXURES
A Léor Trézenik.
Chair! ô seul fruit mordu des vergers d'ici-bas,
Fruit amer et sucré qui jutes aux dents seules
Des affamés du seul amour, bouches ou gueules,
Et bon dessert des forts, et leurs joyeux repas,
Amour! le seul émoi de ceux que n'émeut pas
L'horreur de vivre, Amour qui presses sous tes meules
Les scrupules des libertins et des bégueules
Pour le pain des damnés qu'élisent les sabbats,
Amour, tu m'apparais aussi comme un beau pâtre
Dont rêve la fileuse assise auprès de l'àtre
Les soirs d'hiver dans la chaleur d'un sarment clair,
Et la fileuse, c'est la Chair et l'heure tinte
Où le rêve éteindra la rêveuse,—heure sainte
Ou non! qu'importe à votre extase, Amour et Chair?
VENDANGES
A Gorges Rall.
Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Écoutez! c'est notre sang qui chante...
O musique lointaine et discrète!
Écoutez! c'est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s'est enfuie
D'une voix jusqu'alors inouïe
Et qui va se taire tout à l'heure.
Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c'est l'apothéose!
Chantez, pleurez! Chassez la mémoire
Et chassez l'âme, et jusqu'aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres.