CINQUIÈME JOURNÉE.




XXXV.

RUPTURE.

En approchant du vallon de la Vauvre, nos voyageurs remarquèrent, du côté de Blanchemont, une nappe immense de lourde fumée que le soleil levant commençait à blanchir.

—Regardez donc, dit le meunier, comme il y a du brouillard sur la Vauvre, ce matin, surtout du côté où nous avons toujours envie de regarder tous les deux! Ça me gêne, je ne vois pas les toits pointus de mon bon vieux petit château qui, de tous les côtés, quand je fais mes courses aux environs, sert de point de mire à mes pensées!

Au bout de dix minutes, la fumée, que les vapeurs humides du matin affaissaient sous leur poids, rampa tout à fait au bas du vallon, et Grand-Louis, arrêtant brusquement le cheval du notaire, dit à son compagnon:

—C'est singulier, monsieur Lémor, je ne sais pas si j'ai la berlue ce matin, mais j'ai beau regarder, je ne vois pas le toit rouge du château neuf au bas des tours du vieux château! Je suis pourtant bien sûr qu'on le voit d'ici; je m'y suis arrêté plus de cent fois, et je distingue les arbres qui sont autour. Eh mais! regardez donc! le vieux château est tout changé! les tourelles me paraissent aplaties. Où diable est le toit? Le tonnerre m'écrase! il n'y a plus que les pignons! Attendez, attendez! Qu'est-ce qu'il y a donc de rouge du côté de la ferme? C'est du feu! oui, du feu! et toutes ces choses noires?... Monsieur Lémor, je vous le disais bien, quand nous sommes arrivés à Jeu-les-Bois, que le ciel était tout rouge, et qu'il y avait un incendie quelque part. Vous me souteniez que c'étaient des brûlis de bruyères, je savais bien qu'il n'y avait pas de brandes de ce côté-là. Regardez donc! je ne rêve pas! le château, la ferme, tout est brûlé!... Mais Rose! Et Rose!... Ah! mon Dieu! Et madame Marcelle! et mon petit Édouard! et la vieille Bricolin! mon Dieu! mon Dieu!

Et le meunier, fouettant le cheval avec fureur, prit au galop la direction de Blanchemont, sans s'inquiéter cette fois si la vieille Sophie pouvait ou non le suivre.

A mesure qu'ils approchaient, les indices du sinistre ne devenaient que trop certains. Bientôt ils l'apprirent de la bouche des passants, et, bien qu'on leur assurât que personne n'avait péri, tous deux, pâles et oppressés, hâtaient la course trop lente, à leur gré, du cheval qui les emportait.

Arrivés au bas du terrier, comme ce pauvre animal, haletant et couvert d'écume, ne pouvait plus gravir le chemin qu'au pas, ils l'arrêtèrent devant chez la Piaulette, et sautèrent du cabriolet pour courir plus vite. En ce moment, Marcelle, sortant de la chaumière, parut à leurs yeux. Elle était pâle, mais calme, et ses vêtements ne portaient la trace d'aucune brûlure. Occupée toute la nuit à soigner les personnes, elle ne s'était pas consacrée inutilement à vouloir éteindre le feu. En la voyant, Lémor faillit s'évanouir de joie; il lui prit la main sans pouvoir lui parler.

—Mon fils est ici et Rose est chez le curé, dit Marcelle. Elle n'a éprouvé aucun accident, elle n'est presque pas malade, elle est heureuse malgré la consternation de ses parents. Il n'y a dans tout cela que de l'argent perdu. C'est peu de chose au prix du bonheur qui l'attend....

—Quoi donc? dit le meunier, je ne comprends pas.

—Allez la voir, ami, rien ne s'y oppose, et apprenez d'elle-même ce que je ne veux pas vous dire la première.

Grand-Louis stupéfait se mit bientôt à courir. Lémor entra dans la chaumière avec Marcelle, et tandis que la Piaulette et son mari s'occupaient des chevaux, il courut vers le lit où dormait Édouard. Le dernier des Blanchemont reposait tranquillement sur le grabat du plus pauvre paysan de ses domaines. Il ne possédait plus même un gîte, et l'hospitalité de l'indigence était la seule chose qu'il pût réclamer en cet instant.

—Il n'a donc pas couru de danger? s'écria Lémor en baisant ses petites mains, humides d'une douce chaleur.

—Ce petit être est d'une bonne trempe, dit Marcelle, avec un certain orgueil. Il n'a pas été malade, il s'est éveillé dans une fumée étouffante, et il n'a pas eu peur. Il a passé la nuit avec moi à préserver et à consoler les autres, trouvant, malgré sa faiblesse et son ignorance du malheur, des soins, des caresses, et des paroles naïvement angéliques pour moi et pour tous ces êtres sans courage qui tremblaient et criaient autour de nous. Et moi qui craignais pour sa santé la frayeur et l'émotion! Cette frêle nature renferme une âme héroïque. Lémor! c'est un enfant béni, que Dieu avait marqué en naissant pour en faire un noble pauvre!

L'enfant s'éveilla aux caresses de Lémor, et, le reconnaissant cette fois à son affection plus qu'à ses traits:

—Ah! Henri! lui dit-il, pourquoi donc ne voulais-tu pas me parler quand tu faisais Antoine?

Marcelle commençait à expliquer avec stoïcisme à son amant dans quel nouveau désastre cet incendie précipitait le reste de sa fortune, lorsque M. Bricolin, la figure bouleversée, les vêtements en lambeaux et les mains toutes brûlées, entra dans la chaumière.

Au sortir de sa première terreur, le fermier avait travaillé avec une énergie et une audace désespérées à vouloir sauver ses boeufs et ses récoltes. Il avait failli être cent fois victime de son acharnement; il n'avait renoncé à de vaines espérances qu'en se voyant au milieu d'un monceau de cendres. Alors, le découragement, le désespoir et une sorte de fureur s'étaient emparés de sa pauvre tête. Il était devenu comme fou, et il accourait vers Marcelle d'un air égaré, les idées confuses et la parole embarrassée.

—Ah! vous voilà enfin, Madame! dit-il d'une voix entrecoupée, je vous cherche dans tout le village, et je ne sais ce que vous devenez. Écoutez, écoutez, madame Marcelle!... Ce que j'ai à vous dire est très-important... Vous avez beau être tranquille, tout ce malheur-là retombe sur vous, tout ce dommage-là vous concerne!

—Je le sais, monsieur Bricolin! répondit Marcelle avec un peu d'impatience. La vue de cet homme cupide n'était pas consolante pour elle en cet instant.

—Vous le savez? reprit Bricolin avec une sorte de colère, et moi aussi, je le sais! C'est à vous de rebâtir le domaine et de recomposer le cheptel de Blanchemont.

—Et avec quoi, s'il vous plaît, monsieur Bricolin?

—Avec votre argent! N'avez-vous pas de l'argent? Ne vous en ai-je pas donné assez?

—Je ne l'ai plus, monsieur Bricolin! le portefeuille a brûlé.

—Vous avez laissé brûler mon portefeuille? le portefeuille que je vous avais confié? s'écria Bricolin exaspéré et en se frappant le front avec ses poings. Comment avez-vous été assez folle, assez bête, pour ne pas sauver le portefeuille, puisque vous avez bien eu le temps de sauver votre fils?

—J'ai sauvé Rose aussi, monsieur Bricolin. C'est moi qui l'ai portée dans mes bras hors de la maison. Pendant ce temps, le portefeuille a brûlé; je ne le regrette pas.

—Ce n'est pas vrai, vous l'avez!

—Je vous jure devant Dieu que non. Le meuble où il était, tous les meubles de cette chambre ont brûlé pendant qu'on sauvait les personnes. Vous le savez bien, je vous l'ai dit, car vous m'avez interrogée là-dessus; mais vous ne m'avez pas entendue, ou vous ne vous souvenez pas.

—Ah! si, je m'en souviens, dit le fermier consterné, mais j'ai cru que vous me trompiez.

—Et pourquoi vous tromperais-je? Cet argent n'était-il pas à moi?

—A vous? Vous ne niez donc pas que je vous ai acheté hier soir votre terre, que je vous l'ai payée et qu'elle m'appartient?

—Comment la pensée vous vient-elle que je sois capable de le nier?

—Ah! pardon, pardon, Madame! je n'ai pas ma tête! dit le fermier abattu et calmé.

—Je le vois bien, dit Marcelle d'un ton de mépris auquel il ne prit pas sarde.

—C'est égal, la réparation des bâtiments et le cheptel sont à votre charge, reprit-il après un silence pendant lequel ses idées se confondirent de nouveau.

—De deux choses l'une, monsieur Bricolin, dit Marcelle en levant les épaules: ou vous n'avez pas acheté le domaine, et il m'appartient de réparer le mal, ou je vous l'ai vendu et je n'ai pas à m'en occuper; choisissez!

—C'est vrai! dit encore Bricolin tombant dans une nouvelle stupeur. Puis il reprit bien vite: Oh! je vous l'ai bel et bien acheté, payé, vous ne pouvez pas nier ça! J'ai votre acte qui porte quittance, je ne l'ai pas laissé brûler, moi! Ma femme l'a dans sa poche.

—En ce cas, vous êtes tranquille, et moi aussi, car j'ai aussi le double de notre acte dans ma poche.

—Mais vous devez supporter le dommage! s'écria Bricolin avec une sombre fureur. Je ne vous ai pas acheté une terre sans bâtiment et sans cheptel. Il y a là une perte de cinquante mille francs, au moins!

—Je n'en sais rien, mais le désastre a eu lieu après la vente.

—C'est vous qui avez mis le feu!

—C'est très-probable! dit Marcelle avec un froid mépris, et j'y ai jeté le prix de ma terre pour m'amuser!

—Pardon, pardon, je suis malade! dit le fermier; perdre tant d'argent dans une nuit!... Mais c'est égal, madame Marcelle, vous me devez une indemnité pour mon malheur. J'ai toujours eu du malheur avec votre famille. Mon père, pour un dépôt que lui avait fait votre grand-père, a été mis à la torture par les chauffeurs, et a perdu cinquante mille francs qui étaient à lui.

—Les suites de ce malheur sont irréparables, puisque votre père y a perdu la santé de l'âme et du corps. Mais ma famille est fort innocente du crime des brigands; et quant à la perte de votre argent, elle a été largement compensée par mon grand-père.

—C'est vrai, c'était un digne maître! Aussi, vous devez faire comme lui, vous devez m'indemniser!

—Vous tenez tant à l'argent, et j'y tiens si peu, monsieur Bricolin, que je vous satisferais si j'étais en mesure de le faire. Mais vous oubliez que j'ai tout perdu, jusqu'à une misérable somme de deux mille francs que j'avais retirée de la vente de ma voiture, jusqu'à mes vêtements et à mon linge. Mon fils ne peut pas même dire qu'il ne possède au monde en ce moment-ci que les habits qui le couvrent, car je l'ai emporté nu de votre maison, et si cette femme que voici ne l'avait pris chez elle avec une sublime charité pour le couvrir des pauvres habits d'un de ses enfants, je serais forcée de vous demander l'aumône d'une blouse et d'une paire de sabots pour lui. Laissez-moi donc tranquille, je vous en supplie, j'ai la force de supporter mon malheur; mais votre rapacité m'indigne et me fatigue.

—C'est assez, Monsieur, dit Lémor, qui ne pouvait plus se contenir. Sortez, laissez madame en paix.

Bricolin n'entendit pas cette apostrophe. Il s'était laissé tomber sur une chaise, sensible au dénûment absolu de Marcelle, en ce qu'il lui ôtait toute espérance de la rançonner.—Ainsi, s'écria-t-il avec désespoir, en frappant des poings sur la table, j'ai cru faire un bon marché cette nuit, j'ai acheté Blanchemont deux cent cinquante mille francs, et voilà que ce matin j'ai cinquante mille francs de perte en bâtiments et en bestiaux! Ça fait, dit-il en sanglotant, que le domaine me revient à trois cent mille francs comme vous le vouliez!

—Il ne me semble pas que ce soit ma faute, ni que j'en profite, dit froidement Marcelle dont l'indignation tomba en voyant celle de Lémor, et qui le retenait pour le forcer à se modérer.

—C'est donc là tout votre malheur, monsieur Bricolin? dit naïvement la Piaulette émerveillée de tout ce qu'elle entendait. Vraiment, je m'en arrangerais bien! Cette pauvre dame a tout perdu, vous êtes encore riche, aussi riche qu'hier soir, et vous lui demandez quelque chose? C'est drôle tout de même! Si Blanchemont ne vous revient, avec votre malheur, qu'à trois cent mille francs, c'est encore joliment bon marché. J'en sais bien qui en auraient donné davantage.

—Qu'est-ce que vous dites, vous? répondit Bricolin. Taisez-vous, vous n'êtes qu'une sotte et une commère.

—Merci, Monsieur, dit la Piaulette; et, se retournant avec fierté vers Marcelle: C'est égal, Madame, dit-elle; puisque vous avez tout perdu, vous pouvez bien rester chez moi tant que vous voudrez, et partager mon pain noir. Je ne vous le reprocherai pas et je ne vous renverrai jamais.

—Écoutez, Monsieur! dit Lémor, et rougissez!

—Vous, je ne sais pas qui vous êtes, répondit Bricolin furieux. Personne ne vous connaît ici; vous avez l'air d'un meunier comme j'ai l'air d'un évêque. Mais vous n'irez pas loin, mon garçon! Je vous désignerai aux gendarmes pour qu'on vous demande vos papiers, et si vous n'en avez pas, nous verrons! Le feu a été mis chez moi par malveillance, c'est assez clair, tout le monde l'a constaté, et le procureur du roi est là qui verbalise. Vous êtes bien avec un homme qui m'en veut, suffit!

—Ah! c'en est trop, dit Lémor indigné, vous êtes le dernier des misérables, et si vous ne sortez d'ici, je saurai bien vous y forcer.

—Arrêtez! dit Marcelle en saisissant le bras de Lémor. Ayez pitié de cet homme, il a perdu la raison! Soyez indulgent pour le malheur, quelque lâche qu'il se montre; suivez mon exemple, Lémor; ma patience est à la hauteur de ma situation.

Bricolin n'écoutait pas. Il tenait sa tête dans ses mains et gémissait comme une mère qui a perdu son enfant.

—Et moi qui n'ai jamais voulu me faire assurer parce que c'était trop cher, criait-il d'un ton lamentable; et mes boeufs, mes pauvres boeufs, qui étaient si beaux et si gras! Un lot de moutons qui valait deux mille francs et que je n'ai pas voulu vendre à la foire de Saint-Christophe!

Marcelle ne put s'empêcher de sourire, et sa haute raison contint l'indignation de Lémor.

—C'est égal! dit le fermier en se levant tout à coup, votre meunier n'aura pas ma fille!

—En ce cas vous n'aurez pas ma terre, l'acte est clair et la condition formelle.

—Nous plaiderons!

—A la bonne heure.

—Oh! vous ne pouvez pas plaider, vous! Il faut de l'argent pour ça, et vous n'en avez pas. Et puis il faudrait me restituer le paiement, et comment feriez-vous? D'ailleurs, votre jolie condition est nulle; et, quant au meunier, je vais commencer par le faire arrêter et conduire en prison; car c'est lui, j'en suis sûr, qui a mis le feu chez moi par vengeance de ce que je l'en ai chassé hier. Tout le village me servira de témoin comme quoi il m'a fait des menaces... et le monsieur que voilà... suffit: à moi, à moi, les gendarmes! Et il s'élança dehors en proie à un véritable délire.




XXXVI.

LA CHAPELLE.

Inquiète pour le meunier et pour Lémor, que l'aveugle vengeance de Bricolin pouvait entraîner dans une affaire sinon grave, du moins désagréable, Marcelle engageait son amant à se cacher, et la Piaulette sortait déjà pour avertir Grand-Louis d'en faire autant, lorsque l'on vit tout le monde, dispersé sur le terrier et occupé à commenter le désastre, se rassembler et se mettre à courir vers la ferme.

—Je suis sûre que c'est déjà fait! s'écria la Piaulette en pleurant. Ils auront déjà mis la main sur ce pauvre Grand-Louis!

Lémor, n'écoutant que son courage et son amitié, sortit de la chaumière et s'élança vers le terrier. Marcelle, effrayée, l'y suivit, laissant Edouard à la garde de la fille aînée de son hôtesse.

En entrant dans la cour de la ferme, Marcelle et Lémor virent avec effroi ces masses éparses de noirs décombres, le sol ruisselant d'une eau qui ressemblait à un lac d'encre, et la foule des travailleurs épuisés, mouillés, brûlés, semblables à des spectres, et qui se préparaient a une nouvelle fatigue. Le feu venait de se rallumer à une petite chapelle isolée, située entre la ferme et le vieux château.

Ce nouvel accident semblait incompréhensible, car cette construction était restée intacte jusque-là, et si une flammèche fût tombée dessus pendant l'incendie, le feu n'eût pas pu couver aussi longtemps dans une provision de pois secs qui y était renfermée. Le feu partait cependant de l'intérieur, comme si une main implacable eût poussé l'audace jusqu'à vouloir, sous les yeux de tous, et en plein jour, détruire jusqu'au dernier bâtiment du domaine.

—Laissez brûler la chapelle, criait M. Bricolin écumant de rage, courez après l'incendiaire! Il doit être par là, il ne peut être loin. C'est Grand-Louis, j'en suis certain! j'ai des preuves! Cherchez dans la garenne! Cernez la garenne!

M. Bricolin ignorait que, pendant qu'il signalait ainsi le meunier à la vindicte publique, celui-ci, oubliant tout et ne sachant plus rien de ce qui se passait au dehors, était au presbytère, à genoux auprès du fauteuil où l'on avait déposé Rosé, et qu'il recevait de sa bouche l'aveu de son amour et la révélation des engagements pris par son père. Dans le désordre général, le curé et même sa servante, s'étant mêlés aux travailleurs officieux, la grand'mère Bricolin était seule restée auprès de Rose, et les jeunes amants, plongés dans la plus pure ivresse, ne se souvenaient plus des événements qui s'agitaient autour d'eux.

Un cercle s'était formé autour de la chapelle, et on dirigeait les pompes, lorsque M. Bricolin, qui s'était avancé jusqu'à la porte cintrée, recula d'horreur et alla tomber sur un de ses garçons de ferme, qui le soutint à grand'peine. Cette chapelle, qui avait été jadis attenante au vieux château, montrait encore aux yeux des antiquaires d'assez jolis détails de sculpture gothique. Mais la vétusté d'une telle construction devait céder bientôt à l'intensité de la chaleur. La flamme sortait par les fenêtres, et les rosaces délicates commençaient à se détacher avec fracas, lorsque la porte à demi ouverte fut poussée brusquement de l'intérieur. On vit alors sortir la folle, une petite lanterne dans une main et un brandon de paille enflammé dans l'autre. Elle se retirait lentement après avoir mis la dernière main à son oeuvre de destruction; elle marchait d'un air grave, les yeux fixés à terre, ne voyant personne, et tout occupée du plaisir de sa vengeance longtemps méditée et froidement exécutée.

Un gendarme trop consciencieux marcha droit à elle et l'arrêta en la prenant par le bras. La folle s'aperçut alors que la foule l'entourait; elle porta vivement son brandon enflammé à la figure du gendarme, qui, surpris de cette défense imprévue, fut forcé de lâcher prise. Alors la Bricoline, retrouvant son agilité impétueuse, et prenant une expression de haine et de fureur, s'élança dans la chapelle, comme pour se cacher, en proférant des imprécations confuses. On tenta de l'y suivre, personne n'osa. Elle traversa la flamme avec la prestesse d'une salamandre, et gravit le petit escalier en spirale qui conduisait aux combles. Là, elle se montra à une lucarne et on la vit activer le feu qui montait trop lentement à son gré, et qui bientôt l'environna de toutes parts. On fit vainement jouer les pommes pour arroser le toit. Il avait été récemment réparé et garni en zinc. L'eau coulait dessus et pénétrait fort peu. Le feu couvait donc à l'intérieur, et l'infortunée Bricoline, brûlant lentement, devait subir des tortures atroces. Mais elle ne parut pas les sentir, et on l'entendit chanter un air de danse qu'elle avait aimé dans sa jeunesse, qu'elle avait sans doute dansé souvent avec son amant, et qui lui revint à la mémoire au moment d'expirer. Elle ne fit pas entendre une seule plainte; sourde aux cris et aux supplications de sa mère oui se tordait les bras et qu'on retenait de force pour l'empêcher de courir auprès d'elle, elle chanta longtemps, puis elle parut à la fenêtre une dernière fois, et, reconnaissant son père:

—Ah! monsieur Bricolin, lui cria-t-elle, c'est un bien beau jour pour vous que le jour d'aujourd'hui!

Ce fut sa dernière parole. Quand on fut maître de l'incendie, on retrouva ses os calcinés sur le pavé de la chapelle.

Cette affreuse mort acheva d'égarer l'esprit de M. Bricolin et de briser le courage de sa femme. Ils ne songèrent plus à arrêter personne, et, pendant toute la journée, Rose, la mère Bricolin et son vieux mari furent complètement oubliés d'eux. Enfermés à la cure, M, et Mme Bricolin ne voulurent voir personne, et n'en sortirent que lorsqu'ils eurent épuisé ensemble toute, l'amertume de leur peine.




XXXVII.

CONCLUSION.

Marcelle avait eu la présence d'esprit de prévoir que Rose, malade et brisée par tant d'émotions, n'apprendrait pas sans danger la déplorable fin de sa soeur. Elle avait suggéré au meunier de la mettre bien vite dans le cabriolet du notaire et de l'emmener à son moulin avec la grand'mère et le vieux infirme, dont la bonne femme ne voulait pas se séparer. Marcelle, appuyée sur le bras de Lémor qui portait Edouard dans ses bras, les suivit de près.

Pendant quelques jours Rose eut tous les soirs d'assez vifs accès de fièvre. Ses amis ne la quittaient pas d'un instant, et, après avoir réussi à lui cacher le spectacle des funérailles du mendiant Cadoche, qui fut porté en terre avec toutes les cérémonies qu'il avait exigées, ils lui laissèrent ignorer la mort de la folle jusqu'à ce qu'elle fût en état de supporter cette nouvelle; mais pendant bien longtemps encore elle n'en connut pas les affreuses circonstances.

Marcelle consulta M. Tailland sur la valeur de l'acte passé avec Bricolin.

L'avis du notaire ne fut pas favorable. Le mariage étant d'ordre public, on n'en pouvait faire une clause de vente. Dans le cas de clauses illicites, la vente subsiste et lesdites clauses sont réputées non écrites. Tels sont les termes de la loi. M. Bricolin les connaissait avant la signature de l'acte.

Au bout de trois jours, on vit arriver au moulin le fermier pâle, abattu, maigri de moitié, ayant perdu jusqu'à l'envie de boire pour se donner du coeur. Il paraissait incapable de se mettre en colère; cependant, on ignorait dans quelles intentions il venait à Angibault, et Marcelle, qui voyait Rose encore bien faible, tremblait qu'il ne vînt la réclamer avec des paroles et des manières outrageantes. Tout le monde était inquiet, et on sortit en masse au-devant de lui pour l'empêcher d'entrer s'il n'annonçait pas des intentions pacifiques.

Il débuta par intimer froidement à la mère Bricolin l'ordre de lui ramener sa fille au plus vite. Il avait loué une maison dans le bourg de Blanchemont, et il allait commencer les travaux de reconstruction.—Mais de ce que je suis mal logé, dit-il, ce n'est pas une raison pour que je sois privé de la société de ma fille et pour qu'elle refuse ses soins à sa mère. Ce serait le fait d'un enfant dénaturé.

En parlant ainsi, Bricolin lançait au meunier des regards farouches. On voyait bien qu'il voulait tirer sa fille de chez lui, sans esclandre, sauf à exhaler ensuite sa rancune et à accuser au besoin Grand-Louis de l'avoir enlevée.

—C'est juste, c'est juste, dit la mère Bricolin, qui s'était chargée de répondre. Il y a longtemps que Rose demande à retourner auprès de son père et de sa mère; mais comme elle est encore malade, nous l'en avons empêchée. Je pense qu'aujourd'hui elle sera en état de te suivre, et je suis prête à l'accompagner avec mon vieux, si tu as de quoi nous loger. Laisse seulement à madame Marcelle le temps de préparer la petite au plaisir et à la secousse de te revoir. Moi, j'ai à te parler en particulier, Bricolin; viens dans ma chambre.

La vieille femme le conduisit dans la chambre qu'elle partageait avec la meunière. Marcelle et Rose avaient été installées dans celle du meunier. Lémor et Grand-Louis couchaient au foin avec délices.

—Bricolin, dit la bonne femme, tu vas faire bien de la dépense pour ces bâtiments! Où donc prendras-tu l'argent?

—Qu'est-ce que ça vous fait, la mère? vous n'en avez pas à me donner, répondit Bricolin d'un ton brusque. Je suis à court, il est vrai, dans ce moment; mais j'emprunterai. Je ne serai pas embarrassé pour trouver du crédit.

—Oui, mais avec de gros intérêts, comme c'est l'usage, et puis quand il faut rendre ça, on est déjà lancé dans de nouvelles dépenses nécessaires, inévitables. Ça gène, ça encombre, et on ne sait plus comment en sortir.

—Eh bien! qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? puis-je serrer, l'année prochaine, mes récoltes dans mon sabot, et mettre mon bétail à l'abri sous un balai?

—Qu'est-ce que ça coûtera donc, tout ça?

—Dieu sait!

—A peu près?

—De quarante-cinq à cinquante mille francs, tout au moins; quinze à dix-huit mille pour les bâtiments, autant pour le cheptel, et autant que j'ai perdu de ma récolte et de mes profits de l'année!

—Oui, ça fait cinquante mille francs environ. C'est bien mon calcul. Eh bien! dis donc, Bricolin, si je te donnais ça, que ferais-tu pour moi?

—Vous? s'écria Bricolin dont les yeux reprirent leur feu accoutumé; avez-vous donc des économies que vous m'aviez cachées, ou est-ce que vous radotez?

—Je ne radote pas. J'ai là cinquante mille francs en or que je te donnerai, si tu veux me laisser marier Rose à mon gré.

—Ah! voilà! toujours le meunier! Toutes les femmes en sont folles de cet ours-là, même les vieilles de quatre-vingts ans.

—C'est bon, c'est bon, plaisante, mais accepte.

—Et où est-il, cet argent?

—Je l'ai donné à garder à Grand-Louis, dit la vieille qui savait son fils capable de le lui arracher, de force, des mains dans un moment d'ivresse, s'il venait à le voir.

—Et pourquoi à Grand-Louis, et non pas à moi ou à ma femme? Vous voulez donc lui en faire une donation si je ne fais pas votre volonté?

—L'argent d'autrui est en sûreté dans ses mains, dit la vieille, car il a eu celui-là à mon insu, et il me l'a rapporté quand je le croyais perdu pour toujours. Il est à mon homme, s'entend; mais puisque vous l'avez fait interdire, et que nous nous étions, sous l'ancienne loi, donné notre bien à fonds perdu, au dernier vivant, j'en dispose!

—Mais c'est donc un recouvrement? C'est impossible! vous vous moquez de moi, et je suis bien bon de vous écouter!

—Écoute, dit la mère Bricolin, c'est une drôle d'histoire.

Et elle raconta à son fils toute l'histoire de Cadoche et de sa succession.

—Et le meunier t'a rapporté cet argent-là quand il pouvait n'en rien dire? s'écria le fermier stupéfait. Mais c'est très-honnête, ça, c'est très-joli de sa part! Il faudra lui faire un cadeau.

—Il n'y a qu'un cadeau à lui faire: c'est la main de Rose, puisqu'elle lui a déjà fait le cadeau de son coeur.

—Mais je ne donnerai pas de dot! s'écria Bricolin.

—Ça va sans dire, qui est-ce qui t'en parle?

—Faites-moi donc voir cet argent-là!

La mère Bricolin conduisit son fils auprès du meunier, qui lui montra le pot de fer et son contenu.

—Et de cette manière-là, dit le fermier ébloui et comme ressuscité par la vue de tant d'or monnayé, madame de Blanchemont n'est pas absolument dans la misère?

—Grâce à Dieu!

—Et à toi, Grand-Louis?

—Grâce à la fantaisie du père Cadoche.

—Et toi, de quoi hérites-tu?

—De trois mille francs, dont un tiers est destiné à la Piaulette et le reste à établir deux autres familles auprès de moi. Nous travaillerons tous ensemble et nous nous associerons pour les profits.

—C'est bête, ça!

—Non, c'est utile et juste.

—Mais pourquoi ne pas garder ces mille écus pour les présents de noces de... de ta femme?

—Ça sentirait l'argent volé; et quand même ça ne serait que le produit de l'aumône, vous, qui êtes si fier, voudriez-vous que Rose eût sur le corps des robes payées avec tous les gros sous du pays, donnés en charité à un mendiant?

—On n'aurait pas été obligé de dire d'où ça provenait!... Ah ça, à quand la noce, Grand-Louis?

—Demain, si vous voulez.

—Publions les bans demain, et remets-moi l'argent aujourd'hui, j'en ai besoin.

—Non pas! non pas! s'écria la vieille fermière. Tu l'auras le jour de la noce. Donnant, donnant, mon garçon!

La vue de l'or avait ranimé M. Bricolin. Il se mit à table, trinqua avec le meunier, embrassa sa fille, et remonta sur son bidet, entre deux vins, pour aller mettre ses maçons à l'ouvrage.

—Comme ça, se disait-il en souriant, j'ai toujours Blanchemont pour deux cent cinquante mille francs, et même pour deux cent mille francs, puisque je ne dote pas ma dernière fille!

—Et nous aussi, Lémor, nous allons faire bâtir, dit Marcelle à son amant lorsque Bricolin fut parti. Nous sommes riches; nous avons de quoi élever une jolie maisonnette rustique, où notre enfant aura une bonne éducation; car tu seras son précepteur, et le meunier lui apprendra son état. Pourquoi ne serait-on pas à la fois un ouvrier laborieux et un homme instruit?

—Et je compte bien commencer par moi-même, dit Lémor. Je ne suis qu'un ignorant; je m'instruirai le soir à la veillée. Je suis garçon de moulin; l'état me plaît et je le garde pour la journée. Quelle belle santé cette vie va faire à notre Edouard!

—Eh bien, madame Marcelle, dit le Grand-Louis, en prenant la main de Lémor, vous qui me disiez, la première fois que vous êtes venue ici... ( il y a huit jours, ni plus ni moins! ) que votre bonheur serait d'avoir une petite maison bien propre, avec du chaume dessus et des pampres verts tout autour, dans le genre de la mienne; une vie simple et pas trop gênée comme la mienne, un fils occupé et pas trop bête, comme moi... Et tout cela ici, sur notre rivière de Vauvre qui a l'honneur de vous plaire, et à côté de nous qui sommes de bons voisins!

—Et tout cela en commun, dit Marcelle, car je ne l'entends pas autrement!

—Oh! c'est impossible! Votre part, quant à présent, est plus grosse que la mienne.

—Vous calculez mal, meunier, dit Lémor; le tien et le mien entre amis sont des énormités comme deux et deux font cinq.

—Me voilà donc riche et savant! reprit le meunier, car j'ai le coeur de Rose et vous allez me parler tous les jours! Quand je vous le disais, monsieur Lémor, qu'il se ferait un miracle pour moi et que tout s'arrangerait! Je ne comptais pourtant pas sur l'oncle Cadoche!

—Qu'est-ce que tu as donc à danser comme ça, alochon? dit Édouard.

—J'ai, mon enfant, répondit le meunier en l'élevant dans ses bras, qu'en jetant mes filets, j'ai péché, dans le plus clair de l'eau, un petit ange qui m'a porté bonheur, et, dans le plus trouble, un vieux diable d'oncle que je réussirai peut-être à faire sortir du purgatoire!




FIN DU MEUNIER D'ANGIBAULT.







End of the Project Gutenberg EBook of Le meunier d'Angibault, by George Sand

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MEUNIER D'ANGIBAULT ***

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Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
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and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
https://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf.org.  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at https://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     gbnewby@pglaf.org


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
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States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
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particular state visit https://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
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against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
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Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses.  Donations are accepted in a number of other
ways including including checks, online payments and credit card
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works.

Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.


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