BONAPARTE.
Au quartier-général à Trévise, le 5 brumaire an 6 (26 octobre 1797).
Au citoyen Villetard.
J'ai reçu, citoyen, votre lettre du 3 brumaire, je n'ai rien compris à son contenu; il faut que je ne me sois pas bien expliqué avec vous.
La république française n'est liée avec la municipalité de Venise par aucun traité qui nous oblige à sacrifier nos intérêts et nos avantages à celui du comité du salut public ou de tout autre individu de Venise.
Jamais la république française n'a adopté pour maxime de faire la guerre pour les autres peuples. Je voudrais connaître quel serait le principe de philosophie ou de morale qui ordonnerait de faire sacrifier 40,000 Français contre le voeu bien prononcé de la nation et l'intérêt bien entendu de la république.
Je sais bien qu'il n'en coûte rien à une poignée de bavards, que je caractériserais bien en les appelant fous, de vouloir la république universelle; je voudrais que ces messieurs pussent faite une campagne d'hiver: d'ailleurs, la nation vénitienne n'existait pas. Divisés en autant d'intérêts qu'il y a de villes, efféminés et corrompus, aussi lâches qu'hypocrites, les peuples de l'Italie, et spécialement le peuple vénitien, n'est pas fait pour la liberté. S'il était dans le cas de l'apprécier, et s'il avait les vertus nécessaires pour l'acquérir, eh bien! la circonstance actuelle lui est très-avantageuse pour le prouver: qu'il la défende! Il n'a pas eu le courage de la conquérir, même contre quelques misérables oligarques; il n'a pas pu même se défendre quelque temps dans la ville de Zara, et peut-être même que, si l'armée fût entrée en Allemagne, nous eussions vu se renouveler, sinon les scènes de Verone, du moins des assassinats particuliers, multipliés, qui produisent le même effet sinistre pour l'armée.
Au reste, la république française ne peut pas donner, comme on pourrait le croire, les états de Venise. Ce n'est pas que, dans la réalité, ces états n'appartiennent à la France par droit de conquête; mais c'est parce qu'il n'est point dans les principes du gouvernement de donner aucun peuple. Lors donc que l'armée française évacue ces pays-ci, les différens gouvernemens sont maîtres de prendre toutes les mesures qu'ils pourraient juger avantageuses à leur pays.
Si je vous avais chargé de conférer avec le comité de salut public sur l'évacuation qu'il est possible que l'armée française exécute, c'est pour le mettre à même de prendre toutes les mesures, soit pour leur pays, soit pour les individus qui voudraient se retirer dans les pays qui, réunis à la république cisalpine, sont reconnus et garantis par la république française.
Vous avez dû également faire connaître au comité de salut public que les individus qui voudraient suivre l'armée française auraient tout le temps nécessaire pour vendre leurs biens, quel que soit le sort de ces pays, et que même je savais qu'il était dans l'intention de la république cisalpine de leur accorder le titre de citoyen. Votre mission doit se borner là; quant au reste, ils feront ce qu'ils voudront. Vous leur en avez assez dit pour leur faire sentir que tout n'était pas perdu, que tout ce qui arrivait était la suite d'un grand plan. Si les armes de la république française continuaient à être heureuses contre une puissance qui a été le nerf et le coffre-fort de toute la coalition, peut-être Venise aurait pu, par la suite, se trouver réunie avec la Cisalpine; mais je vois que ce sont des lâches. Ils ne savent que faire, eh bien! qu'ils fuient! Je n'ai pas besoin d'eux.
Le général Serrurier vous communiquera les différens ordres que je lui ai envoyés. Je vous prie, dans l'absence du citoyen Lallemant, de coopérer de tout votre pouvoir à leur exécution.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 10 brumaire an 6 (31 octobre 1797).
Au directoire exécutif.
Le contre-amiral Brueys a mouillé, le 8 brumaire, dans la rade de Raguse. Conformément aux instructions que je lui avais données, il annonça à cette république l'intérêt que le directoire exécutif prend à son indépendance, et le désir qu'il avait de faire tout ce qui était nécessaire pour la maintenir; il a été accueilli, de la manière la plus amicale, par les habitons de Raguse.
Il est difficile de voir une escadre plus belle que celle du contre-amiral Brueys. J'ai cru devoir donner une marque de satisfaction aux équipages pour leur bonne conduite et la dextérité qu'ils ont mise dans les différentes manoeuvres que le contre-amiral Brueys leur a fait exécuter, en leur accordant, en gratification, un habillement neuf. J'ai fait également solder tout ce qui était dû aux équipages.
Le contre-amiral Brueys est un officier distingué par sel connaissances, autant que par la fermeté de son caractère. Un capitaine de son escadre ne se refuserait pas deux fois de suite à l'exécution de ses signaux. Il a l'art et le caractère pour se faire obéir. Je lui ai fait présent de la meilleure lunette d'Italie, avec l'inscription suivante: «Donné par le général B......... au contre-amiral Brueys, de la part du directoire exécutif.»
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 12 brumaire an 6 (2 novembre 1797).
À M. de Cobentzel, ambassadeur.
Je reçois à l'instant, monsieur l'ambassadeur, un courrier de Paris, qui m'apporte la ratification du directoire exécutif du traité de paix que nous avons signé. Je me fais en conséquence un devoir de vous en prévenir.
Les citoyens Treilhard, Bonnières et moi, nous avons été nommés pour assister au congrès de Rastadt.
Le gouvernement m'a également nommé pour être l'officier-général chargé de prendre toutes les mesures pour l'exécution du traité de paix, conformément à notre convention additionnelle. J'attends, monsieur le comte, avec intérêt le courrier que vous m'avez promis de m'envoyer.
Je l'attendrai à Milan.
Je suis charmé que cette occasion me mette à même de me rappeler à votre souvenir, ainsi qu'à celui de MM. de Gallo, de Merweeldt et Dengelmann.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 5 brumaire an 6 (5 novembre 1797).
Au directoire exécutif.
J'ai envoyé à Vienne, par le courrier Moustache, l'avis à M. le comte de Cobentzel que vous aviez ratifié le traité de paix de Passeriano.
J'attends à chaque instant l'avis que l'empereur a ratifié, je suis surpris de ne l'avoir pas encore reçu.
J'envoie à Corfou la sixième demi-brigade de ligne pour renforcer la garnison, j'y ai fait passer des approvisionnemens considérables.
J'ai expédié un navire au contre-amiral Brueys pour qu'il se tînt prêt à partir de Corfou avec l'escadre vénitienne.
J'ai renforcé la garnison d'Ancône de la trente-neuvième demi-brigade.
Je crois que vous pourriez laisser 25,000 hommes en Italie, en mener trente-six mille en Angleterre, et faire rentrer le reste à Nice, à Chambery et en Corse.
Je me rendrai à Rastadt dès l'instant que j'aurai des nouvelles de Vienne.
Je prépare tout pour les différens mouvemens des troupes, qui ne pourront plus avoir lieu avant que nous occupions Mayence.
Pour faire avec quelques probabilités l'expédition d'Angleterre, il faudrait:
1°. De bons officiers de marine;
2°. Beaucoup de troupes bien commandées, pour pouvoir menacer sur plusieurs points et ravitailler la descente;
3°. Un amiral intelligent et ferme: je crois Truguet le meilleur;
4°. Trente millions d'argent comptant;
5°. Le général Hoche avait de très-bonnes cartes d'Angleterre, qu'il faudrait redemander à ses héritiers.
Vous ne pouviez pas faire choix d'un officier plus distingué que le général Desaix.
Quoique véritablement j'aurais besoin de repos, je ne me refuserai jamais à payer, autant qu'il sera en moi, mon tribut à la patrie.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 17 brumaire au 6 (7 novembre 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous fais passer l'organisation que je viens de donner aux Iles du Levant dans la mer Ionienne.
J'ai écrit à Venise que l'on réunisse tous les mémoires géographiques et tous les ouvrages relatifs à ces établissemens, pour les envoyer au ministre de l'intérieur.
Je m'occupe à force à mettre la dernière main à l'organisation de la république cisalpine.
Je ne crois pas qu'il soit possible que je parte avant le 22.
Je ne pourrai pas être avant le 30 à Rastadt1: je compte passer par Chambéry et Genève; mais je vais faire partir demain matin un de mes aides-de-camp, qui y arrivera avant le 27.
BONAPARTE.
Footnote 1: (return) Bonaparte venait d'être nommé ministre plénipotentiaire de la république française auprès du congrès de Rastadt.
Au quartier-général à Milan, le 18 brumaire an 6 (8 novembre 1797).
À M. le marquis de Chasteler, quartier-maître général de l'armée autrichienne.
Je n'attendais, monsieur, que la nouvelle de la ratification de Vienne, pour vous engager à terminer le travail dont vous êtes chargé.
J'écris par le même courrier au général Chasseloup pour qu'il se rende à Verone: je le prie de m'expédier par un courrier extraordinaire la première partie de votre travail depuis la Lizza jusqu'à San-Giacomo.
Je désire, si vous tombez d'accord, comme je l'espère, que vous me l'expédiiez par un courrier extraordinaire, afin que je le reçoive avant mon départ pour Rastadt, et que cela n'apporte aucun obstacle à l'échange des ratifications.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 20 brumaire an 6 (10 novembre 1797).
À M. le marquis de Manfredini.
Le citoyen Cacault, ministre de la république, s'adressera à vous, monsieur, de ma part, pour obtenir un service pour l'armée.
Je désirerais que S.A.R. facilitât la négociation de 2,000,000 de lettres de change que la caisse de l'armée a sur la république cisalpine.
Vous trouverez ci-joint une note détaillée sur cet objet de l'administrateur général des finances de l'armée.
Croyez, je vous prie, monsieur le marquis, aux sentimens d'estime et à la haute considération, etc., etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 20 brumaire an 6 (10 novembre 1797).
À M. Louis, comte de Cobentzel, ambassadeur.
Le courrier que vous m'avez envoyé, monsieur l'ambassadeur, s'est croisé avec celui que je vous avais expédié. Je pars dans deux ou trois jours pour me rendre à Rastadt. Les conseils ont également ratifié le traité de paix. Je ne doute pas que j'aurai le plaisir de vous voir à Rastadt pour l'échange des ratifications.
J'ai donné les ordres pour que les séquestres mis à Venise sur les effets appartenans à S.M. l'empereur soient levés.
Croyez, je vous prie, à l'estime et à la haute considération que j'ai pour vous, et renouvelez-moi au souvenir de MM. le chevalier de Gallo, le comte de Meerweldt et le baron de Degelmann.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 20 brumaire an 6 (10 novembre 1797).
Au général Gentili.
Vous avez très-bien fait, citoyen général, de vous refuser aux prétentions d'Ali-Pacha: tout en l'empêchant d'empiéter sur ce qui nous appartient, vous devez cependant le favoriser autant qu'il sera en vous. Il est de l'intérêt de la république que ce pacha acquière un grand accroissement, batte tous ses rivaux, afin qu'il puisse devenir un prince assez puissant pour pouvoir rendre des services à la république. Les établissemens que nous avons sont si près de lui, qu'il n'est jamais possible qu'il puisse cesser d'avoir intérêt d'être notre ami.
Envoyez des officiers du génie et d'état-major auprès de lui, afin de vous rendre un état de la situation, de la population et des coutumes de toute l'Albanie; faites faire des descriptions géographiques, topographiques de toute cette partie si intéressante aujourd'hui pour nous depuis l'Albanie jusqu'à la Morée, et faites en sorte d'être bien instruit de toutes les intrigues qui divisent ces peuples.
Il est nécessaire, citoyen général, que vous caressiez toutes les peuplades qui environnent Prevesa, et en général celles qui touchent nos possessions, et qui paraissent déjà si bien disposées en notre faveur.
Je vous fais passer l'organisation des îles en trois départemens, je vous prie de la mettre sur-le-champ à exécution.
J'ai nommé au consulat d'Otrante le citoyen Leclerc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 21 brumaire an 6 (11 novembre 1797).
Au gouvernement provisoire de la république ligurienne.
Je vais répondre, citoyens, à la confiance que vous m'avez montrée, en vous faisant connaître une partie des modifications dont votre projet de constitution peut être susceptible.
Vous avez besoin de diminuer les frais de l'administration, pour ne pas être obligés de surcharger le peuple, et de détruire l'esprit de localité fomenté par votre ancien gouvernement. Cinq directeurs, trente membres du conseil des anciens, et soixante des jeunes, vous forment une représentation suffisante.
La suppression de vos administrations de district me parait essentielle.
Que le corps législatif partage votre territoire en quinze ou vingt juridictions, en cent cinquante ou deux cents cantons, ou municipalités centrales.
Ayez, dans chaque juridiction, un tribunal composé de trois juges; dans chaque canton un, deux et même trois juges de paix, selon leur population et leurs localités.
Ayez, dans chaque juridiction, un commissaire nommé par le directoire exécutif, qui soit à la fois commissaire près le tribunal et spécialement chargé de faire passer aux différentes municipalités les ordres du gouvernement et de l'instruire des événemens qui pourraient survenir dans chaque municipalité.
Que la municipalité centrale du canton soit composée de la réunion d'un député de chacune des communes qui composent le canton; qu'elle soit présidée par le juge de paix du chef-lieu du canton, et qu'elle ne se rassemble momentanément qu'en conséquence des ordres du gouvernement.
Partagez votre territoire en sept ou dix divisions militaires; que chacune soit commandée par un officier de troupes de ligne: vous aurez par là une justice qui pourra être bien administrée, et une organisation extrêmement simple, tant pour la répartition des impositions, que pour le maintien de la tranquillité publique.
Plusieurs questions particulières sont également intéressantes: ce n'est pas assez de ne rien faire contre la religion, il faut encore ne donner aucun sujet d'inquiétude aux consciences les plus timorées, ni aucune arme aux hommes mal-intentionnés.
Exclure tous les nobles des fonctions publiques est d'une injustice révoltante, vous feriez ce qu'ils ont fait; cependant les nobles qui ont exercé les places dans les colléges, qui s'étaient attribué tous les pouvoirs, qui ont tant de fois méconnu les formes mêmes de leur gouvernement, et ont sans cesse cherché à river davantage les chaînes du peuple, et à organiser une oligarchie au détriment même de l'aristocratie, ces hommes ne peuvent plus être appelés aux fonctions de l'état; la justice le permet et la politique l'ordonne, tout comme l'une et l'autre vous ordonnent de ne pas priver des droits de citoyen ce grand nombre d'hommes qui sont si utiles à votre patrie.
Le port franc est une pomme de discorde que l'on a jetée au milieu de vous. Autant il est absurde que tous les points de la république prétendent à la franchise du port, autant il pourrait être inconvenant et paraître un privilége d'acquisition de laisser la franchise du port à la ville de Gênes seule.
Le corps législatif doit avoir le droit de déclarer la franchise pour deux points de la république; la ville de Gênes ne doit tenir la franchise de son port que de la volonté du corps législatif, mais le corps législatif doit la lui donner.
Pourquoi le peuple ligurien est-il déjà si changé? À ces premiers élans de fraternité et d'enthousiasme ont succédé la crainte et la terreur: les prêtres s'étaient, les premiers, ralliés autour de l'arbre de la liberté; les premiers, ils vous avaient dit que la morale de l'Evangile est toute démocratique; mais des hommes payés par vos ennemis, dans les révolutions de tous les pays, auxiliaires immédiats de la tyrannie, ont profité des écarts, même des crimes de quelques prêtres, pour écrire contre la religion, et les prêtres se sont éloignés.
Une partie de la noblesse a été la première à donner l'éveil au peuple et à proclamer les droits de l'homme; l'on a profité des écarts, des préjugés ou de la tyrannie passée de quelques nobles; l'on a proscrit en masse, et le nombre de vos ennemis s'est accru.
Après avoir ainsi fait planer les soupçons sur une partie des citoyens, et les avoir armés les uns contre les autres, on a fait plus, on a divisé les villes contre les villes. On vous a dit que Gênes voulait tout avoir, et tous les villages ont prétendu avoir le port franc; ce qui détruirait les douanes, et rendrait impossible la conservation de l'état.
La situation alarmante où vous vous trouvez est l'effet des sourdes menées des ennemis de la liberté et du peuple; méfiez-vous de tout homme qui veut exclusivement concentrer l'amour de la patrie dans ceux de sa cotterie. Si son langage a l'air de défendre le peuple, c'est pour l'exaspérer et le diviser. Il dénonce sans cesse, lui seul est pur. Ce sont des hommes payés par les tyrans, dont ils secondent si bien les vues.
Quand, dans un état (surtout dans un petit), l'on s'accoutume à condamner sans entendre, à applaudir d'autant plus à un discours, qu'il est plus furieux; quand on appelle vertu l'exagération et la fureur, et crime la modération, cet état-là est près de sa ruine.
Il en est des états comme d'un bâtiment qui navigue, et comme d'une armée; il faut de la froideur, de la modération, de la sagesse, de la raison dans la conception des ordres, commandemens ou lois, et de l'énergie et de la vigueur dans leur exécution.
Si la modération est un défaut, et un défaut très-dangereux pour les républiques, c'est d'en mettre dans l'exécution des lois sages; si les lois sont injustes, furibondes, l'homme de bien devient alors l'exécuteur modéré; c'est le soldat qui est plus sage que le général: cet état-là est perdu.
Dans un moment où vous allez vous constituer en un gouvernement stable, ralliez-vous; faites trêve à vos méfiances, oubliez les raisons que vous croiriez avoir pour vous désunir, et, tous d'accord, organisez votre gouvernement.
J'avais toujours désiré pouvoir aller à Gênes, et vous dire moi-même ce que je ne puis ici que vous écrire: c'est le fruit de l'expérience acquise au milieu des orages de la révolution du grand peuple, et que confirment l'histoire de tous les temps et votre propre exemple.
Croyez que dans tous les lieux où mon devoir et le service de ma patrie m'appelleront, je regarderai comme un des momens les plus précieux celui où je pourrai être utile à votre république, et comme ma plus grande satisfaction d'apprendre que vous vivez heureux, unis, et que vous pouvez, dans tous les événemens, être, par votre alliance, utiles à la grande nation, à qui vous devez la liberté et un accroissement de population de près de cent mille ames.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 21 brumaire an 6 (11 novembre 1797).
Au peuple cisalpin.
Citoyens,
À compter du 1er frimaire, votre constitution se trouvera en pleine activité.
Votre directoire, votre corps législatif, votre tribunal de cassation, les autres administrations subalternes se trouveront organisés.
Vous êtes le premier exemple, dans l'histoire, d'un peuple qui devient libre sans factions, sans révolutions et sans déchiremens.
Nous vous avons donné la liberté, sachez la conserver. Vous êtes, après la France, la république la plus populeuse, la plus riche. Votre position vous appelle à jouer un grand rôle dans les affaires de l'Europe.
Pour être dignes de votre destinée, ne faites que des lois sages et modérées.
Faites-les exécuter avec force et énergie.
Favorisez la propagation des lumières, et respectez la religion.
Composez vos bataillons, non pas de gens sans aveu, mais de citoyens qui se nourrissent des principes de la république, et soient immédiatement attachés à sa prospérité.
Tous avez en général besoin de vous pénétrer du sentiment de votre force et de la dignité qui convient a l'homme libre.
Divisés et pliés depuis tant d'années à la tyrannie, vous n'eussiez pas conquis votre liberté; mais sous peu d'années, fussiez-vous abandonnés à vous-mêmes, aucune puissance de la terre ne sera assez forte pour vous l'ôter.
Jusqu'alors la grande nation vous protégera contre les attaques de vos voisins. Son système politique sera réuni au vôtre.
Si le peuple romain eût fait le même usage de sa force que le peuple français, les aigles romaines seraient encore sur le Capitole, et dix-huit siècles d'esclavage et de tyrannie n'auraient pas déshonoré l'espèce humaine.
J'ai fait, pour consolider la liberté et en seule vue de votre bonheur, un travail que l'ambition et l'amour du pouvoir ont seuls fait faire jusqu'ici.
J'ai nommé à un grand nombre de places, je me suis exposé à avoir oublié l'homme probe et avoir donné la préférence à l'intrigant; mais il y avait des inconvéniens majeurs à vous laisser faire ces premières nominations: vous n'étiez pas encore organisés.
Je vous quitte sous peu de jours. Les ordres de mon gouvernement, et un danger imminent que courrait la république cisalpine, me rappelleront seuls au milieu de vous.
Mais, dans quelque lieu que le service de ma patrie m'appelle, je prendrai toujours une vive sollicitude au bonheur et à la gloire de votre république.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 11 brumaire an 6 (12 novembre 1797).
Au chef des trois ligues.
Le citoyen Comeyras, résident de la république française, vous a fait passer la décision que j'ai prise, au nom de la république, le 10 octobre, par laquelle les peuples de la Valteline, Chiavene et Bormio sont libres de pouvoir se réunir avec la république cisalpine, laquelle réunion a effectivement eu lieu.
Vous avez, magnifiques seigneurs, sollicité la médiation de la république française. Je l'avais acceptée avec répugnance, parce qu'il est dans nos principes de nous mêler le moins possible dans les affaires des autres peuples; mais j'ai dû céder à vos vives instances, j'ai dû céder même à la voix du devoir, étant garant de l'exécution des capitulats qui vous liaient avec les peuples de la Valteline, de Chiavene et de Bormio.
De quelle influence et de quelle raison a-t-on pu se servir pour vous aveugler sur vos intérêts, et pour vous faire substituer à la conduite franche et loyale qui distingue votre brave nation, une conduite tortueuse, contraire a la bonne foi et spécialement aux égards que vous devez à la grande nation que vous avez choisie pour médiatrice?
Depuis quatre mois que j'ai accepté la médiation, quoique le citoyen Comeyras vous eût continuellement sollicités, ce n'est qu'aujourd'hui, lorsque vous avez dû savoir la décision que j'avais prise, que vous avez envoyé des députés. Magnifiques seigneurs, votre brave nation est mal conseillée, les intrigans substituent la voix de leurs passions et de leurs préjugés à celle de l'intérêt de leur patrie et aux principes de la démocratie.
La Valteline, Chiavene et Bormio sont irrévocablement réunis à la république cisalpine. Du reste, cela n'altérera d'aucune manière la bonne amitié et la protection que la république française vous accordera, toutes les fois que vous vous conduirez envers elle avec les égards qui sont dus au plus puissant peuple du monde.
Croyez au sentiment d'estime et à la haute considération que j'ai pour vous, etc., etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 22 brumaire an 6 (12 novembre 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous ferai passer la distribution de l'armée d'Italie en armée d'Angleterre.
J'ai fait toutes les dispositions et donné tous les ordres en conséquence, afin que, dès l'instant que l'échange des ratifications aura eu lieu, et que nous serons dans Mayence, on puisse commencer à mettre les colonnes en marche pour l'Océan.
Je ferai partir demain le citoyen Andréossy, chef de brigade d'artillerie, pour se rendre à Paris, afin de faire fondre des canons du calibre de l'artillerie de campagne anglaise, et faire faire des caissons plus légers et plus propres à l'embarquement que les nôtres. Il est nécessaire d'avoir des canons du calibre de ceux des Anglais, afin qu'une fois dans le pays on puisse se servir de leurs boulets.
Je travaille nuit et jour pour achever l'organisation de la république cisalpine et pour arranger l'Italie et l'armée, de manière que mon absence n'y fasse aucun vide et n'ait aucun inconvénient.
Je ne pourrai pas partir avant le 29.
Je me suis fait précéder à Rastadt du général de brigade Murat. Je ne suis pas fâché de ne m'y trouver que le 4 ou 5 frimaire, cela me donne d'autant plus de temps pour achever les cinq bâtimens de guerre qui nous reviennent à Venise, et les mettre dans le cas de tenir la mer.
Le ministre des relations extérieures vous rendra compte des opérations que je viens de faire dans la Cisalpine et à Gênes.
Une grande partie des Génois désirent être Français. C'est une acquisition qui, je crois, nous serait utile et qu'il ne faut pas perdre de vue. Je ne crois pas que la constitution qu'ils ont acceptée, quoique j'y aie fait quelques changemens pour l'améliorer, puisse leur convenir, et, si nous aidons un peu, avant deux ou trois ans ils viendront se jeter à nos genoux pour que nous les recevions comme citoyens français.
J'ai envoyé à Malte le citoyen Poussielgue sous le prétexte d'inspecter toutes les Echelles du Levant mais, à la vérité, pour mettre la dernière main au projet que nous avons sur cette île.
Je vous ferai tenir l'ordre que j'ai donné pour régler les affaires de Venise.
La république cisalpine s'est emparée de quelques villages qui sont sur la rive gauche du Pô, qui depuis long-temps sont en controverse avec le duc de Parme, et dès lors les gênaient beaucoup.
Elle s'empare également de la forteresse de Saint-Leo, enclavée dans la Romagne, où le pape est entré. Je ne sais trop pourquoi elle aura cette forteresse, extrêmement intéressante, en donnant quelque argent aux soldats du pape qui la défendent, et en faisant quelques dispositions.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 23 brumaire an 6 (13 novembre 1797).
Au consul de la république française à Malte.
De nouvelles relations, citoyen, vont résulter de la réunion à la république française des îles de Corfou, Zante, Céphalonie et Cerigo. Je charge le citoyen Poussielgue, premier secrétaire de la légation de France à Gênes, qui a la confiance du gouvernement et toute la mienne, de se transporter dans les différentes échelles du Levant, à l'effet d'y recueillir les observations et d'y prendre tous les renseignemens nécessaires pour mettre le gouvernement en état de faire les changemens et modifications à apporter dans nos relations commerciales et politiques dans cette partie, et d'établir, de la manière la plus sûre, la correspondance et les communications régulières entre le continent de la république française et ses îles de l'Adriatique.
Je vous prie d'aider le citoyen Poussielgue de vos connaissances et de vos lumières dans tout ce qui concerne sa mission, et de le faire connaître auprès du gouvernement du pays où vous résidez.
L'intention du gouvernement de la république française est de consolider toujours ses intérêts avec ceux des gouvernemens étrangers, dans les relations qu'il peut avoir à établir chez eux.
BONAPARTE.
Commission d'inspecteur général des échelles du Levant.
La réunion à la république française des îles de Corfou, Zante, Céphalonie et Cerigo, allant procurer à la France de nouvelles relations politiques et commerciales dans la Méditerranée et principalement dans le Levant; et le gouvernement voulant, le plus tôt possible, établir ses rapports d'une manière régulière et avantageuse, le général en chef de l'armée d'Italie charge, en son nom, le citoyen Poussielgue, premier secrétaire de la légation de la république française à Gênes de se transporter immédiatement, en qualité d'inspecteur général des échelles du Levant auprès des différens consuls et agens de la république dans le Levant, et en général de visiter tous les établissemens français situés dans cette partie; il examinera dans chaque point la situation actuelle de notre commerce et de nos relations; observera les changemens éprouvés depuis la révolution; recherchera les moyens les plus prompts de rétablir l'ancienne prospérité de notre commerce, et de l'accroître en proportion des avantages de notre nouvelle position; il examinera sous quels rapports il conviendrait d'étendre ou de modifier nos relations politiques; il prendra enfin des renseignemens sur la manière la plus sûre d'établir notre correspondance et nos communications régulières et périodiques entre le continent de la France et nos îles de l'Adriatique, en fixant les points intermédiaires en Corse, en Sardaigne, en Sicile ou à Malte, ou en les établissant sur le continent de l'Italie par Ancône. Au retour de cette mission, qu'il accélérera autant qu'il sera possible, il remettra au général en chef de l'armée d'Italie son rapport général sur tous les objets dont il est chargé par la présente commission.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797).
Au ministre des relations extérieures.
Je vous fais passer, citoyen ministre, copie de la commission que j'ai donnée au citoyen Poussielgue et de ma lettre au consul à Malte.
Le but réel de la mission du citoyen Poussielgue est de mettre la dernière main aux projets que nous avons sur Malte.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797).
Au cardinal Mattei.
J'ai reçu, monsieur le cardinal, votre lettre du 9 novembre. Je pars demain pour le congrès de Rastadt.
La cour de Rome commence à se mal conduire.
Contre l'opposition formelle qu'avait faite l'ambassadeur, et la promesse qu'avait donnée le secrétaire de l'état, elle vient de donner le commandement des troupes papales au général Provera.
Je crains bien que les maux que vous avez en partie épargnés à votre patrie ne tombent sur elle. Souvenez-vous, monsieur le cardinal, des conseils que vous avez donnés au pape à votre départ de Ferrare.
Faites donc entendre à Sa Sainteté, que, si elle continue à se laisser mener par le cardinal Busca et autres intrigans, cela finira mal pour vous.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797).
Au citoyen Joseph Bonaparte, ambassadeur de la république française à Rome.
J'ai partagé votre indignation, citoyen ambassadeur, lorsque vous m'avez appris l'arrivée du général Provera. Vous pouvez déclarer présentement à la cour de Rome que, si elle reçoit à son service aucun officier connu pour être on avoir été au service de l'empereur, toute bonne intelligence entre la France et la cour de Rome cesserait à l'heure même, et la guerre se trouverait déclarée.
Vous ferez connaître, par une note spéciale au pape, que vous adresserez à lui-même en personne, que quoique la paix soit faite avec S.M. l'empereur, la république française ne consentira pas à ce que le pape accepte dans ses troupes aucun officier ni aucun agent, sous quelque dénomination que ce soit, de l'empereur, hormis les agens diplomatiques d'usage.
Vous exigerez que M. le général Provera, vingt-quatre heures après la présentation d'une note que vous ferez à ce sujet, quitte le territoire de Sa Sainteté, sans quoi vous déclarerez que vous allez quitter Rome.
Vous ferez connaître, dans la conversation, au pape que je viens d'envoyer trois autres mille hommes à Ancône, lesquels ne rétrograderont que lorsque vous leur ferez connaître que M. Provera et tous les autres officiers autrichiens auront quitté le territoire de Sa Sainteté.
Vous ferez connaître au secrétaire-d'état que si Sa Sainteté se porte à faire exécuter aucun des détenus, de ceux que vous avez réclamés, la république française, par représailles, fera arrêter les attenans du cardinal Busca et des autres cardinaux qui égarent la cour de Rome. Enfin, je vous invite à prendre dans vos notes un style concis et ferme, et, si le cas arrive, vous pouvez quitter Rome et vous rendre à Florence ou à Ancône.
Vous ne manquerez pas de faire connaître à Sa Sainteté et au secrétaire-d'état, qu'à peine vous aurez quitté le territoire de Sa Sainteté, vous déclarerez la réunion d'Ancône à la Cisalpine. Vous sentez que cette phrase doit se dire et non pas s'écrire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797).
Au général Kilmaine.
Je pars, citoyen général, pour me rendre au congrès de Rastadt. Vous prendrez le commandement de l'armée jusqu'à l'arrivée du général Berthier.
Le général de brigade Leclerc remplira les fonctions de chef de l'état-major.
Le chef de l'état-major vous fera connaître les mouvemens que j'ai ordonnés pour mettre l'armée en état de faire son mouvement rétrograde, dès l'instant que je vous en enverrai l'ordre par un de mes aides-de-camp.
Si le bataillon de la soixante-dix-neuvième, qui était dans la huitième division militaire arrive, vous l'enverrez à Ancône, où il s'embarquera pour Corfou, ainsi que tous les détachemens des sixième et soixante-dix-neuvième demi-brigades.
Vous laisserez a Ancône la trente-neuvième demi-brigade de ligne.
Les généraux Chabot et Lasalcette ont ordre de se rendra à Corfou.
Le général Baraguey d'Hilliers, comme vous le verrez par les ordres que j'ai donnés, doit faire l'arrière-garde de l'armée.
Jusqu'à ce que vous receviez de nouveaux ordres de moi de Rastadt, le général Baraguey d'Hilliers occupera la Ponteba, les gorges de Cividale et Monte-Falcone, indépendamment de quoi il y aura une demi-brigade, comme j'en ai spécialement donné l'ordre, pour la garnison de Palma-Nova, et un bataillon pour celle d'Osopo.
Si des événemens quelconques vous faisaient penser nécessaire de renforcer le général Baraguey d'Hilliers, vous le feriez avec la onzième demi-brigade de ligne, qui doit être à Bassano, et avec la division du général Guieux, qui se trouvera à Padoue et composée des onzième, vingt-troisième et vingt-neuvième d'infanterie légère; et enfin, si cela ne suffisait pas, par toute la division du général Serrurier, qui est à Venise, et par la grosse cavalerie, le vingt-quatrième de chasseurs, le septième de hussards, et, s'il le fallait, par toute la division de cavalerie aux ordres du général Rey.
Par ce moyen, la partie de l'armée qui est destinée à faire partie de l'armée d'Angleterre, resterait toujours placée en deçà de la Brenta.
Je ne prévois pas le cas où vous vous trouverez en rupture ouverte avec l'ennemi, alors même il faudrait marcher avec toutes vos divisions, et employer tous les moyens qui sont en votre pouvoir.
Vous devez prendre les mesures, même celles de rigueur, des arrestations, des contributions forcées, pour que les ordres que j'ai donnés à Venise pour l'achèvement de nos vaisseaux et l'évacuation de cette place soient terminés. Le chef de l'état-major, le général Serrurier et le citoyen Villetard vous donneront des renseignemens sur cette place. J'ai donné tous les ordres nécessaires, il ne s'agit plus que de les exécuter avec vigueur.
Il faut laisser le gouvernement cisalpin livré à lui-même, s'essayer; cependant, s'il demandait votre secours, vous devez lui accorder celui de votre influence morale et des troupes qui sont à vos ordres, pour le soutenir.
Tous les princes d'Italie étant accoutumés, pour le moindre événement, à recourir à moi, vous devez, pour ce qui regarde la république cisalpine, les renvoyer au ministre des affaires étrangères, disant que cela ne vous regarde point. Pour ce qui est de nos troupes, veillez à ce qu'elles vivent en bonne intelligence et sous la plus sévère discipline, à ce qu'elles soient bien logées et bien nourries, excepté dans la république cisalpine, où nous en sommes empêchés par nos traités.
Vous pouvez favoriser tous les élans de la ville d'Ancône pour la liberté, notre intention étant de la considérer comme une république indépendante.
La neuvième demi-brigade de bataille doit être toute réunie à Gênes. Vous devez également prêter le secours de votre influence morale et de vos troupes, pour soutenir le gouvernement démocratique à Gênes.
Vous me ferez passer à Rastadt, par des courriers extraordinaires, toutes les dépêches que vous recevrez de Corfou et de l'amiral Brueys.
La cour de Rome commence à se mal conduire: vous devez soutenir par votre influence morale, et, dans l'occasion, en faisant concourir le mouvement de quelques troupes, les démarches que ferait l'ambassadeur de la république de Rome, et surtout avoir bien soin que le roi de Naples ne sorte point de ses frontières.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797).
Au contre-amiral Brueys.
Je vous ai écrit, général, par mon aide-de-camp Eugène Beauharnais, pour vous donner des nouvelles de la paix. Je vous instruis aujourd'hui que la paix ayant été ratifiée par les deux conseils, je me rends à Rastadt pour suivre différentes négociations diplomatiques.
Je vous ai déjà écrit de vous préparer avec vos vaisseaux vénitiens, afin de pouvoir les convoyer jusqu'aux îles Saint-Pierre, et, de là, prendre votre vol pour la grande expédition. J'ai été nommé pour commander l'armée d'Angleterre, j'ai demandé que Truguet commandât: vous sentez combien il serait nécessaire de vous avoir là avec vos six vaisseaux, vos frégates et vos corvettes.
Je viens d'envoyer un agent diplomatique à Malte. La sixième demi-brigade, forte de seize cents hommes, part demain pour se rendre à Corfou: cela vous mettra à même de pouvoir embarquer trois mille hommes pour la petite expédition, et je vous enverrai des ordres pour l'une et pour l'autre par un de mes aides-de-camp.
Vous aurez avec vous la Diane et la Junon.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 brumaire an 6 (15 novembre 1797).
Au directoire exécutif.
Le général Clarke, qui se rend à Paris, est employé en Italie depuis plusieurs mois. Dans toutes les lettres qui lui ont été adressées et qui ont été interceptées, et qui me sont parvenues, je n'ai jamais rien vu que de conforme aux principes de la république.
Il s'est conduit dans les mêmes principes aux négociations. Le général Clarke est travailleur et d'un sens droit. Si ses liaisons avec Carnot le rendent suspect dans la diplomatie, je crois qu'il peut être utile dans le militaire, et surtout à l'expédition d'Angleterre.
S'il se trouve avoir besoin d'indulgence, je vous prie de lui en accorder un peu. En dernière analyse, le général Clarke est un bon homme: je l'ai retenu à Passeriano jusqu'au 30 vendémiaire, et depuis il a été malade.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 25 brumaire an 6 (15 novembre 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie plusieurs exemplaires de mes adieux à la république cisalpine et à l'armée: je compte partir décidément demain.
Le citoyen Cerbelloni m'a demandé sa démission. Je vous fais passer copie de sa lettre et de l'arrêté du directoire.
Le citoyen Savaldi, patriote prononcé, un des chefs du gouvernement de Brescia, a été nommé pour le remplacer.
La cour de Rome n'a pas reconnu la république cisalpine. Je vous envoie copie du message du directoire exécutif aux comités réunis, faisant fonctions de corps législatif, et de la résolution qu'ils ont prise en conséquence.
Cela ne laissera pas de beaucoup embarrasser le pape et finira par l'avilir, en l'obligeant à reconnaître de force une puissance qu'il eût dû, comme les autres puissances, reconnaître de bonne volonté.
Notre ambassadeur à Rome instruit, je crois, le ministre des relations extérieures de la conduite de cette imbécile cour de Rome; je vous envoie copie de la lettre que j'écris à notre ambassadeur. J'ai lieu de penser qu'à l'heure qu'il est Provera aura été chassé.
Je pense que nous devons tenir garnison dans la citadelle d'Ancône, et laisser cette ville se déclarer indépendante.
Dans cet intervalle, le temps s'écoulera, et nous aurons toujours un point extrêmement intéressant pour notre commerce, pour observer le pape et brider Naples.
Il faudra, je pense, garder Ancône, en disant toujours que nous y attachons peu de prix, et que, dès que le pape se conduira envers nous comme il convient, nous n'aurons point de difficulté à le lui rendre.
Je vous envoie une lettre d'Ottolini, gouverneur de Bergame, que l'on a trouvée dans les papiers des inquisiteurs de Venise. Vous y verrez qu'elle compromet beaucoup un adjudant-général nommé Landrieux, qui, depuis long-temps, a quitté l'armée pour se rendre en France. Ce misérable, a ce qu'il parait, excitait le Brescian et le Bergamasque à l'insurrection, et en tirait de l'argent; dans le même temps qu'il prévenait les inquisiteurs, il en tirait aussi de l'argent. Peut-être jugerez-vous à propos de faire un exemple de ce coquin-là; mais, dans tous les cas, j'ai pensé qu'il fallait que vous fussiez instruits, afin qu'il ne vint pas à demander à être employé.
J'ai destitué un nommé Gérard, chef de brigade, qui a été sept ou huit mois commandant à Brescia; il parait, par la correspondance également prise à Venise, qu'il avait avec le provéditeur ou gouverneur de la république de Venise des relations d'intimité que l'intérêt de l'armée aurait dû lui prohiber.
Dans quelques autres lettres trouvées également à Venise, de légers indices de soupçons planent sur des officiers d'ailleurs estimables. Ces malheureux inquisiteurs répandaient l'argent partout, et cherchaient par ce moyen à connaître et à avoir des indices sur tout.
J'ai envoyé a Corfou le citoyen Rolhières, homme instruit, pour remplir les fonctions de commissaire près le département de la mer Egée. Je n'ai point trouvé de sujets pour envoyer comme commissaires dans les départemens de Corcyre et d'Ithaque. Il faudrait des hommes instruits et extrêmement désintéressés. Ces peuples aiment beaucoup les Français. Je vous fais passer copie d'une lettre de la municipalité de Zante.
Je vous prie de donner l'ordre pour que l'on fasse travailler à la fonderie et à l'organisation d'un petit équipage d'un calibre anglais. J'envoie à Paris le citoyen Andréossy, chef de brigade d'artillerie, pour faire exécuter ledit travail.
BONAPARTE.
P.S. Le citoyen Pocholle, ex-conventionnel, et le citoyen Carbini, m'ayant demandé à être commissaires dans les départemens de Corcyre et d'Ithaque, je les y ai envoyés. Cela vous donnera le temps d'envoyer dans ces départemens des hommes qui aient votre confiance, en même temps que cela épargne des frais de route, ces citoyens se trouvant ici.
Le citoyen Comeyras, président de la république à Coire, désirerait être votre commissaire pour l'organisation de ces îles. Comme cette place est très-importante, et que le citoyen Comeyras est employé comme agent, je n'ai pas voulu prendre sur moi de le nommer.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 26 brumaire an 6 (16 novembre 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie le drapeau dont la convention fit présent à l'armée d'Italie par un des généraux qui ont le plus contribué aux différens succès des dernières campagnes, et par un des officiers d'artillerie les plus instruits de deux corps savans qui jouissent d'une réputation distinguée dans l'Europe.
Le général Joubert, qui a commandé à la bataille de Rivoli, a reçu de la nature les qualités qui distinguent les guerriers. Grenadier par le courage, il est général par le sang-froid et les talens militaires: il s'est trouvé souvent dans ces circonstances où les connaissances et les talens d'un homme influent tant sur le succès. C'est de lui qu'on a dit avant le 18 fructidor: Cet homme vit encore. Malgré plusieurs blessures et mille dangers, il a échappé aux périls de la guerre; il vivra long-temps, j'espère, pour la gloire de nos armes, le triomphe de la constitution de l'an III et le bonheur de ses amis!
Le chef de brigade d'artillerie Andréossy a dirigé dans les deux campagnes la partie la plus essentielle comme la plus difficile en Italie; il a eu la direction des ponts; il nous a rendu de grands services à tous les passages. À celui de l'Izonzo, il trouva plus expéditif, pour répondre à la demande qu'on lui fit si la rivière était guéable, de s'y jeter le premier devant l'ennemi pour la sonder.
Un état n'acquiert des officiers comme le citoyen Andréossy, qu'en soignant l'éducation et en protégeant les sciences dont le résultat s'applique à la marine, a la guerre comme aux arts, à la culture des terres, à la conservation des hommes et des êtres vivans.
BONAPARTE.
Rastadt, le 10 frimaire an 6 (30 novembre 1797).
Au directoire exécutif.
J'ai reçu, citoyens directeurs, votre lettre du 6 frimaire. Conformément à vos intentions, je partirai demain au soir ou après-demain.
Nous avons aujourd'hui échangé les ratifications. M. le comte de Cobentzel et le général Meerweldt ont été chargés de cette opération du côté de l'empereur. Demain nous achèverons tout ce qui nous reste à faire pour l'exécution de la convention secrète. Si cela est achevé demain, je partirai le soir même.
BONAPARTE.
Paris, 21 frimaire an 6 (17 décembre 1797).
Discours de Bonaparte en présentant au directoire la ratification du traité de Campo-Formio.
«Citoyens directeurs, «Le peuple français, pour être libre, avait des rois à combattre.
«Pour obtenir une constitution fondée sur la raison, il avait dix-huit siècles de préjugés à vaincre.
«La constitution de l'an III, et vous, vous avez triomphé de tous ces obstacles.
«La religion, la féodalité et le royalisme ont successivement, depuis vingt siècles, gouverné l'Europe; mais de la paix que vous venez de conclure, date l'ère des gouvernemens représentatifs.
«Vous êtes parvenus à organiser la grande nation, dont le vaste territoire n'est circonscrit, que parce que la nature en a posé elle-même les limites.
«Vous ayez fait plus.
«Les deux plus belles parties de l'Europe, jadis si célèbres par les arts, les sciences et les grands hommes dont elles furent le berceau, voient avec les plus grandes espérances le génie de la liberté sortir des tombeaux de leurs ancêtres.
«Ce sont deux piédestaux sur lesquels les destinées vont placer deux puissantes nations.
«J'ai l'honneur de vous remettre le traité signé à Campo-Formio, et ratifié par S.M. l'empereur.
«La paix assure la liberté, la prospérité et la gloire de la république.
«Lorsque le bonheur du peuple français sera assis sur les meilleures lois organiques, l'Europe entière deviendra libre.»
Paris, le 18 nivose an 6 (7 février 1798).
Au ministre de la guerre.
Je reçois, citoyen ministre, avec reconnaissance, le drapeau et le sabre que vous m'avez envoyés.
C'est l'armée d'Italie que le gouvernement honore dans son général. Agréez en particulier mes remercimens sur la belle lettre qui accompagne votre envoi.
BONAPARTE.
Paris, le 18 nivose an 6 (7 février 1798).
Au général de brigade Lannes.
Le corps législatif, citoyen général, me donne un drapeau en mémoire de la bataille d'Arcole: il a voulu honorer l'armée d'Italie dans son général. Il fut, aux champs d'Arcole, un instant où la victoire incertaine eut besoin de l'audace des chefs: plein de sang et couvert de trois blessures, vous quittâtes l'ambulance, résolu de mourir ou de vaincre. Je vous vis constamment, dans cette journée, au premier rang des braves; c'est vous également qui, a la tête de la colonne infernale, arrivâtes le premier à Dego, passâtes le Pó et l'Adda: c'est à vous à être le dépositaire de cet honorable drapeau, qui couvre de gloire les grenadiers que vous avez constamment commandés. Vous ne le déploierez désormais que lorsque tout mouvement en arrière sera inutile, et que la victoire consistera à rester maître du champ de bataille.
BONAPARTE.
Au directoire exécutif de la république cisalpine.
Le pays de Vaud et les différens cantons de la Suisse, animés d'un même esprit de liberté, adoptent les principes de liberté, d'égalité et d'indivisibilité sur lesquels est fondé le gouvernement représentatif.
Nous savons que les bailliages italiens sont animés du même esprit; nous croyons essentiel que, dans ce moment-ci, ils imitent le pays vaudois et manifestent le voeu de se réunir à la république helvétique.
Nous désirons, en conséquence, que vous vous serviez de tous les moyens que vous pouvez avoir pour répandre chez ces peuples, vos voisins, l'esprit de liberté; faites répandre des imprimés libéraux; excitez-y un mouvement qui accélère le mouvement général de la Suisse.
Nous donnons l'ordre au général de brigade Monnier de se porter sur les confins des bailliages suisses avec des troupes, afin d'encourager et de soutenir les mouvemens que pourraient opérer les insurgés. Il a ordre de se concerter avec vous pour parvenir à ce but, qui intéresse également les deux républiques.
Note.
Dans la position actuelle de l'Europe, la prudence nous fait une loi de nous tenir prêts sur nos différentes frontières à pouvoir, au premier signal des autres puissances, faire la guerre.
Nous avons en Italie seize mille Français et cinq mille Polonais contre le roi de Naples, ce qui, joint à deux mille hommes de débarquement que le gouvernement a ordonné de préparer à Toulon, suffit pour n'avoir rien à craindre de ce monarque.
Nous avons en Italie, contre l'empereur, vingt-un mille hommes, qui, joints aux quatre mille que le gouvernement vient de mettre à la disposition de cette armée, forment vingt-cinq mille hommes.
On peut compter à peu près sur dix mille Cisalpins de mauvaises troupes, ce qui porterait nos forces à trente-cinq mille hommes, nombre insuffisant pour garnir les places et former un corps d'observation, en comparaison de quatre-vingt mille hommes que l'empereur a sur cette frontière.
Mais toutes les forces de la république peuvent se réunir en Allemagne pour bien vite dégager l'Italie, et empêcher les places fortes d'être prises.
Il nous serait bien facile de porter à quatre-vingt ou quatre-vingt-dix mille-hommes l'armée de Mayence, et d'avoir quarante ou cinquante mille hommes sur le lac de Constance, renforcés d'un certain nombre de Suisses.
Ces deux armées se réuniraient bien vite pour attaquer la maison d'Autriche dans le coeur de ses états héréditaires.
Si nous avions la guerre contre le roi de Prusse, l'armée de Mayence et celle de Hollande se jetteraient bien vite dans l'évêché de Munster, pour entrer dans le Hanovre.
Mais, dans tous les cas, il est indispensable: 1°. de faire travailler à l'armement et à l'approvisionnement de Dusseldorf et à celui de Mayence; 2°. De suspendre le licenciement de nos équipages d'artillerie, afin de ne pas être obligé de faire des achats pressés, qui nécessiteraient beaucoup d'argent et perdraient un temps précieux, car si la guerre a lieu, ceux qui frapperont les premiers coups auront, par leur position, de grands avantages.
Au général Bernadote.
Je reçois, citoyen général, votre dernière lettre. Le directoire exécutif, à ce qu'il m'a assuré, s'empressera de saisir toutes les occasions de faire ce qui pourrait vous convenir.
Il a décidé qu'il vous laisserait le choix de prendre le commandement des îles ioniennes; de prendre une division de l'armée d'Angleterre, laquelle sera augmentée des anciennes troupes que vous aviez à l'armée de Sambre-et-Meuse, ou même de prendre une division territoriale, la dix-septième, par exemple.
Personne ne fait plus de cas que moi de la pureté de vos principes, de la loyauté de votre caractère, et des talens militaires que vous avez développés pendant le temps que nous avons servi ensemble. Vous seriez injuste si vous pouviez en douter un instant.
Dans toutes les circonstances, je compterai sur votre estime et sur votre amitié.
BONAPARTE.
Paris, le 8 ventose an 6 (26 février 1798).
Au général Dufalga.
Le résultat à obtenir dans les travaux des ports du Pas-de-Calais est celui-ci:
Travailler à ces ports de manière à obtenir que le plus grand nombre de bateaux possible pût sortir dans une seule marée.
Calais, Ambleteuse, Boulogne, Etaples, peuvent seuls être comptés, et encore n'est-ce qu'avec réserve, de sorte que je me trouverais obligé de calculer sur Calais pour porter les premiers trente mille hommes.
Il serait inutile de faire des travaux longs et coûteux au port de Boulogne, pour le rendre susceptible de contenir un plus grand nombre de bateaux qu'il n'en peut sortir dans une marée.
Ainsi, il est bien prouvé que l'on ne peut sortir du port de Boulogne que cent à cent cinquante bateaux dans une marée; il ne faut travailler au port que pour le mettre à même de contenir ce nombre de bateaux.
À Calais, même raisonnement.
Il faudrait forcer les travaux du port d'Ambleteuse, et le mettre à même de contenir autant de bateaux qu'il serait possible d'en faire sortir dans une marée.
Je vous prie de me faire connaître le parti que l'on peut tirer d'Etaples, tant en raisonnant sur sa situation actuelle, que sur sa position géographique.
Si le chenal du port de Boulogne et ceux des autres ports étaient parallèles au rivage de la mer, il est clair que les bâtimens, recevant l'eau de la marée au même instant, pourraient sortir sur-le-champ: c'est donc sur la partie des ports qui est la plus proche de la mer, qu'il faut travailler.
Enfin, il faut que vous vous appliquiez à favoriser partout les travaux qu'il sera possible de faire pour la prompte sortie d'une grande quantité de bateaux.
Tous les petits bateaux ne portant que quarante à cinquante hommes ne pourraient-ils pas être échoués sur la plage, et ne pourrait-on pas favoriser cet échouage eu faisant quelques travaux sur la plage?
Tous les bâtimens hollandais, et même ceux de Dieppe, ne pourraient-ils pas être échoués sur la plage?
Puisqu'il n'est pas possible de faire sortir plus de cent bateaux de Boulogne dans une marée, nous y mettrons de préférence les écuries, les bâtimens chargés et les grosses chaloupes canonnières.
Nous mettrons les bateaux canonniers et les muskins2, qui ne tirent que trois pieds d'eau, dans le port d'Ambleteuse.
Et les trois ou quatre cents bateaux, nous les échouerons sur la plage de la rade de Saint-Jean: ces bâtimens ne doivent porter que des hommes et deux ou trois sacs de biscuit, et ne se trouveront chargés de rien.
Je voudrais que vous vous occupassiez de choisir: 1°. le local de la plage, depuis Ambleteuse jusqu'à Boulogne, le plus favorable pour cet échouement; 2°. voir les travaux que l'on pourrait faire à ladite plage pour rendre cette opération plus facile et moins fatigante pour les bateaux.
Quant à Calais et à Dunkerque, on s'en servirait pour le complément de l'armée, le reste des denrées, les bagages, les approvisionnemens, etc.
BONAPARTE.
Footnote 2: (return) Espèce de prâme ou chaloupe cannonière, de l'invention du capitaine de vaisseau Muskins.
Paris, le 24 ventose an 6 (14 mai 1798).
Au ministre des relations extérieures.
Je viens d'être instruit, citoyen ministre, que l'Empire a enfin consenti à prendre pour base du traité de Rastadt la rive gauche du Rhin. Les citoyens Treilhard et Bonnier achèveront sans difficulté ce qu'ils viennent de commencer si heureusement. Mon intervention désormais devient superflue; je vous prie donc de vouloir bien m'autoriser à faire revenir de Rastadt une partie de ma maison que j'y avais laissée, ma présence à Paris étant nécessaire pour différens ordres et différentes expéditions.
BONAPARTE.
Paris, le 7 germinal an 6 (27 mai 1798).
Au directoire exécutif.
Les papiers publics répandent que vous avez fait arrêter plusieurs membres des conseils de la république cisalpine, et qu'il est dans ce moment-ci question de faire arrêter Moscati et Paradisi, deux membres du directoire exécutif de ladite république.
Je crois qu'il est de mon devoir, comme citoyen qui a quelque connaissance des personnes et des événement qui se sont passés en Italie, de vous faire connaître que la France et la liberté n'ont point d'amis plus vrais que ces deux directeurs.
Le citoyen Paradisi, qui était professeur renommé à Reggio, est le seul Italien qui ait rendu quelques services aux armées françaises, tandis que Mantoue était encore au pouvoir des Autrichiens, et, vers le milieu de la première campagne, il osa, les armes à la main, à la tête de douze cents hommes de Reggio, ses compatriotes, investir un détachement de deux cents Autrichiens qui s'étaient retirés dans un château, et les fit prisonniers. Lui, sa famille et la ville de Reggio ont été depuis spécialement menacés par les Autrichiens, qui leur ont conservé un ressentiment très-vif de cet événement.
Le citoyen Moscati était connu pour un des plus célèbres médecins de l'Europe, ayant de grandes connaissances dans les sciences morales et politiques. Il s'abandonna tout entier au service de l'armée, et c'est à lui et à ses conseils que nous devons peut-être vingt mille hommes, qui eussent péri dans nos hôpitaux en Italie.
L'avilissement du gouvernement cisalpin dès sa naissance et la perte de ses meilleurs citoyens seraient un malheur réel pour la France, et un sujet de triomphe pour l'empereur et ses partisans.
Voyez, je vous prie, dans cette lettre, le désir constant qui m'a toujours animé, d'employer toutes mes connaissances au service de la patrie.
BONAPARTE.