Vous donnerez l'ordre au général Belliard d'envoyer des espions, et de pousser souvent des reconnaissances au loin pour connaître ce que font les mameloucks, et d'envoyer des lettres jusqu'à cinq et six lieues en remontant le Nil, en répandant des proclamations, et en exigeant que les villages envoient des députés pour prêter le serment d'obéissance.
Le 8 à la pointe du jour, si toutes ces opérations sont finies, vous vous en retournerez avec le reste de votre division à Giza, où vous recevrez de nouveaux ordres.
Vous ferez connaître au général Belliard que, dès l'instant que les trois redoutes seront susceptibles de quelque défense, et qu'il croira suffisant d'y laisser un bataillon, il vous en fera part et je lui enverrai l'ordre de rejoindre sa division.
Vous ordonnerez à l'autre officier du génie de votre division de faire un croquis à la main de tout le pays, depuis Giza jusqu'à la position que vous choisirez, et aux Pyramides, où est l'avant-garde du général Dugua. Il aura soin de bien placer les villages, et de spécifier particulièrement ceux qui sont habités par les Arabes.
BONAPARTE.
Giza, le 5 thermidor an 6 (23 juillet 1798).
Au pacha du Caire.
L'intention de la république française en occupant l'Égypte a été d'en chasser les mameloucks, qui étaient à la fois rebelles à la Porte et ennemis du gouvernement français.
Aujourd'hui qu'elle s'en trouve maîtresse par la victoire signalée que son armée a remportée, son intention est de conserver au pacha du grand-seigneur ses revenus et son existence.
Je vous prie donc d'assurer la Porte qu'elle n'éprouvera aucune espèce de perte, et que je veillerai à ce qu'elle continue à percevoir le même tribut qui lui était ci-devant payé.
BONAPARTE.
Giza, le 5 thermidor an 6 (23 juillet 1798).
Au général du génie.
Vous voudrez bien, citoyen général, envoyer un officier supérieur du génie avec l'avant-garde de la division du général Dugua, qui part demain pour se rendre aux Pyramides, et un autre avec la division du général Desaix, qui part ce soir pour prendre position à deux lieues, en remontant le Nil.
Ils seront chargés de tracer des ouvrages dans la position qu'occupe le général Desaix, trois redoutes ou bastions retranchés se flanquant entre eux, et capables d'être défendus chacun par quatre-vingt-dix hommes, deux pièces de canon et dix canonniers.
Ces trois redoutes se lieront par un grand fossé, ce qui formera un retranchement, dans lequel la division du général Desaix devra pouvoir se camper.
Le profil de ces redoutes doit être respectable, elles doivent surtout avoir un fossé très-profond, et sur toutes les parties les plus faibles, vous pouvez ordonner que l'on fasse une grande quantité de trous de loup.
L'officier du génie qui ira aux Pyramides devra tracer un fort à étoile, ou redoute brisée, capable de contenir deux cent cinquante à trois cents hommes, et pouvant être défendue par cent hommes et deux pièces de canon: le but de cette redoute est de contenir les Arabes.
L'un et l'autre de ces deux ouvrages doivent être à l'abri de l'inondation du Nil. Celui que vous ferez établir à la position du général Desaix, aura une batterie de deux pièces de 24, qui doivent être placées de manière à être maître de la navigation du Nil.
BONAPARTE.
Giza, le 5 thermidor an 6 (23 juillet 1798).
Au général Dugua.
Vous voudrez bien, général, faire partir demain, à la pointe du jour, votre avant-garde avec une pièce de 3 et trente hommes à cheval, le tout commandé par le général Verdier; elle se rendra aux Pyramides. Il fera connaître par une circulaire à tous les Arabes qui sont établis dans les environs, qu'ils seront responsables si les Arabes continuent à assassiner les Français et à nous faire la guerre; que je leur donne quarante-huit heures pour prévenir leurs compatriotes desdites dispositions: après quoi, si l'on continue, je sévirai contre eux.
Vous enverrez également avec cette avant-garde tous vos sapeurs et un officier du génie.
Le général du génie a ordre d'y envoyer un officier supérieur de cette arme, lequel se concertera avec le général Verdier pour y tracer une redoute à étoile capable de contenir cent hommes et deux pièces de canon, et de la mettre à l'abri de toute attaque de la part des Arabes. Vous ordonnerez au général Verdier de fournir des sapeurs travailleurs de la demi-brigade pour aider les sapeurs, et de prendre des paysans pour travailler.
Dès l'instant que cette redoute sera achevée, le général Verdier m'en préviendra, et je lui donnerai l'ordre de rejoindre sa division.
Le général d'artillerie a ordre de fournir deux pièces de canon pour ladite redoute.
Vous ordonnerez à cette division de nettoyer demain ses armes, pour pouvoir après demain occuper la position qui lui sera désignée de l'autre côté du Nil.
Cherchez à vous procurer le plus de bateaux que vous pourrez, afin de passer promptement. J'ai ordonné qu'on vous en envoyât du Caire le plus que l'on pourra.
BONAPARTE.
Au Caire, le 6 thermidor an 6 (24 juillet 1798).
Au directoire exécutif.
Le 19 messidor, l'armée partit d'Alexandrie. Elle arriva à Damanhour le 20, souffrant beaucoup à travers ce désert de l'excessive chaleur et du manque d'eau.
Combat de Rahmanieh.
Le 22 nous rencontrâmes le Nil à Rahmanieh, et nous nous rejoignîmes avec la division du général Dugua, qui était venue par Rosette en faisant plusieurs marches forcées.
La division du général Desaix fut attaquée par un corps de sept à huit cents mameloucks, qui après une canonnade assez vive, et la perte de quelques hommes, se retirèrent.
Bataille de Chebrheis.
Cependant j'appris que Mourad-Bey, à la tête de son armée composée d'une grande quantité de cavalerie, ayant huit ou dix grosses chaloupes canonnières, et plusieurs batteries sur le Nil, nous attendait au village de Chebrheis. Le 24 au soir, nous nous mîmes en marche pour nous en approcher. Le 25, à la pointe du jour, nous nous trouvâmes en présence.
Nous n'avions que deux cents hommes de cavalerie éclopés et harassés encore de la traversée; les mameloucks avaient un magnifique corps de cavalerie, couvert d'or et d'argent, armés des meilleures carabines et pistolets de Londres, des meilleurs sabres de l'Orient, et montés peut-être sur les meilleurs chevaux du continent.
L'armée était rangée, chaque division formant un bataillon carré, ayant les bagages au centre et l'artillerie dans les intervalles des bataillons. Les bataillons rangés, les deuxième et quatrième divisions derrière les première et troisième. Les cinq divisions de l'armée étaient placées en échelons, se flanquant entre elles, et flanquées par deux villages que nous occupions.
Le citoyen Perrée, chef de division de la marine, avec trois chaloupes canonnières, un chébec et une demi-galère, se porta pour attaquer la flottille ennemie. Le combat fut extrêmement opiniâtre. Il se tira de part et d'autre plus de quinze cents coups de canon. Le chef de division Perrée a été blessé au bras d'un coup de canon, et, par ses bonnes dispositions et son intrépidité, est parvenu à reprendre trois chaloupes canonnières, et la demi-galère, que les mameloucks avaient prises, et à mettre le feu à leur amiral. Les citoyens Monge et Berthollet, qui étaient sur le chébec, ont montré dans des momens difficiles beaucoup de courage. Le général Andréossy, qui commandait les troupes de débarquement, s'est parfaitement conduit.
La cavalerie des mameloucks inonda bientôt toute la plaine, déborda toutes nos ailes, et chercha de tous côtés sur nos flancs et nos derrières le point faible pour pénétrer; mais partout elle trouva que la ligne était également formidable, et lui opposait un double feu de flanc et de front. Ils essayèrent plusieurs fois de charger, mais sans s'y déterminer. Quelques braves vinrent escarmoucher; ils furent reçus par des feux de pelotons de carabiniers placés en avant des intervalles des bataillons. Enfin, après être restés une partie de la journée à demi-portée de canon, ils opérèrent leur retraite, et disparurent. On peut évaluer leur perte à trois cents hommes tués ou blessés.
Nous avons marché pendant huit jours, privés de tout, et dans un des climats les plus brûlans du monde.
Le 2 thermidor au matin, nous aperçûmes les pyramides.
Le 2 au soir, nous nous trouvions à six lieues du Caire; et j'appris que les vingt-trois beys, avec toutes leurs forces, s'étaient retranchés à Embabeh, qu'ils avaient garni leurs retranchemens de plus de soixante pièces de canon.
Bataille des Pyramides.
Le 3, à la pointe du jour, nous rencontrâmes les avant-gardes, que nous repoussâmes de village en village.
À deux heures après midi, nous nous trouvâmes en présence des retranchemens et de l'armée ennemie.
J'ordonnai aux divisions des généraux Desaix et Reynier de prendre position sur la droite entre Djyzeh et Embabeh, de manière à couper à l'ennemi la communication de la Haute-Égypte, qui était sa retraite naturelle. L'armée était rangée de la même manière qu'à la bataille de Chebrheis.
Dès l'instant que Mourad Bey s'aperçut du mouvement du général Desaix, il se résolut à le charger, et il envoya un de ses beys les plus braves avec un corps d'élite qui, avec la rapidité de l'éclair, chargea les deux divisions. On le laissa approcher jusqu'à cinquante pas, et on l'accueillit par une grêle de balles et de mitraille, qui en fit tomber un grand nombre sur le champ de bataille. Ils se jetèrent dans l'intervalle que formaient les deux divisions, où ils furent reçus par un double feu qui acheva leur défaite.
Je saisis l'instant, et j'ordonnai à la division du général Bon, qui était sur le Nil, de se porter à l'attaque des retranchemens, et au général Vial, qui commande la division du général Menou, de se porter entre le corps qui venait de le charger et les retranchemens, de manière à remplir le triple but,
D'empêcher le corps d'y rentrer;
De couper la retraite à celui qui les occupait;
Et enfin, s'il était nécessaire, d'attaquer ces retranchemens par la gauche.
Dès l'instant que les généraux Vial et Bon furent à portée, ils ordonnèrent aux premières et troisièmes divisions de chaque bataillon de se ranger en colonnes d'attaque, tandis que les deuxièmes et quatrièmes conservaient leur même position, formant toujours le bataillon carré, qui ne se trouvait plus que sur trois de hauteur, et s'avançait pour soutenir les colonnes d'attaque.
Les colonnes d'attaque du général Bon, commandées par le brave général Rampon, se jetèrent sur les retranchemens avec leur impétuosité ordinaire, malgré le feu d'une assez grande quantité d'artillerie, lorsque les mameloucks firent une charge. Ils sortirent des retranchemens au grand galop. Nos colonnes eurent le temps de faire halte, de faire front de tous côtés, et de les recevoir la baïonnette au bout du fusil, et par une grêle de balles. À l'instant même le champ de bataille en fut jonché. Nos troupes eurent bientôt enlevé les retranchemens. Les mameloucks en fuite se précipitèrent aussitôt en foule sur leur gauche. Mais un bataillon de carabiniers, sous le feu duquel ils furent obligés de passer à cinq pas, en fît une boucherie effroyable. Un très-grand nombre se jeta dans le Nil, et s'y noya.
Plus de quatre cents chameaux chargés de bagages, cinquante pièces d'artillerie, sont tombés en notre pouvoir. J'évalue la perte des mameloucks à deux mille hommes de cavalerie d'élite. Une grande partie des beys a été blessée ou tuée. Mourad Bey a été blessé à la joue. Notre perte se monte à vingt ou trente hommes tués et à cent vingt blessés. Dans la nuit même, la ville du Caire a été évacuée. Toutes leurs chaloupes canonnières, corvettes, bricks, et même une frégate, ont été brûlées, et le 4, nos troupes sont entrées au Caire. Pendant la nuit, la populace a brûlé les maisons des beys, et commis plusieurs excès. Le Caire, qui a plus de trois cent mille habitans, a la plus vilaine populace du monde.
Après le grand nombre de combats et de batailles que les troupes que je commande ont livrés contre des forces supérieures, je ne m'aviserais point de louer leur contenance et leur sang-froid dans cette occasion, si véritablement ce genre tout nouveau n'avait exigé de leur part une patience qui contraste avec l'impétuosité française. S'ils se fussent livrés à leur ardeur, ils n'auraient point eu la victoire, qui ne pouvait s'obtenir que par un grand sang-froid et une grande patience.
La cavalerie des mameloucks a montré une grande bravoure. Ils défendaient leur fortune, et il n'y a pas un d'eux sur lequel nos soldats n'aient trouvé trois, quatre, et cinq cents louis d'or.
Tout le luxe de ces gens-ci était dans leurs chevaux et leur armement. Leurs maisons sont pitoyables. Il est difficile de voir une terre plus fertile et un peuple plus misérable, plus ignorant et plus abruti. Ils préfèrent un bouton de nos soldats à un écu de six francs; dans les villages ils ne connaissent pas même une paire de ciseaux. Leurs maisons sont d'un peu de boue. Ils n'ont pour tout meuble qu'une natte de paille et deux ou trois pots de terre. Ils mangent et consomment en général fort peu de chose. Ils ne connaissent point l'usage des moulins, de sorte que nous avons bivouaqué sur des tas immenses de blé, sans pouvoir avoir de farine. Nous ne nous nourrissions que de légumes et de bestiaux. Le peu de grains qu'ils convertissent en farine, ils le fout avec des pierres; et, dans quelques gros villages, il y a des moulins que font tourner des boeufs.
Nous avons été continuellement harcelés par des nuées d'Arabes, qui sont les plus grands voleurs et les plus grands scélérats de la terre, assassinant les Turcs comme les Français, tout ce qui leur tombe dans les mains. Le général de brigade Muireur et plusieurs autres aides-de-camp et officiers de l'état-major ont été assassinés par ces misérables. Embusqués derrière des dignes et dans des fossés, sur leurs excellens petits chevaux, malheur à celui qui s'éloigne à cent pas des colonnes. Le général Muireur, malgré les représentations de la grande garde, seul, par une fatalité que j'ai souvent remarqué accompagner ceux qui sont arrivés à leur dernière heure, a voulu se porter sur un monticule à deux cents pas du camp; derrière étaient trois bédouins qui l'ont assassiné. La république fait une perte réelle: c'était un des généraux les plus braves que je connusse.
La république ne peut pas avoir une colonie plus à sa portée et d'un sol plus riche que l'Égypte. Le climat est très-sain, parce que les nuits sont fraîches. Malgré quinze jours de marche, de fatigues de toute espèce, la privation du vin, et même de tout ce qui peut alléger la fatigue, nous n'avons point de malades. Le soldat a trouvé une grande ressource dans les pastèques, espèce de melons d'eau qui sont en très-grande quantité.
L'artillerie s'est spécialement distinguée. Je vous demande le grade de général de division pour le général de brigade Dommartin. J'ai promu au grade de général de brigade le chef de brigade Destaing, commandant la quatrième demi-brigade; le général Zayonschek s'est fort bien conduit dans plusieurs missions importantes que je lui ai confiées.
L'ordonnateur Sucy s'était embarqué sur notre flotille du Nil, pour être plus à portée de nous faire passer des vivres du Delta. Voyant que je redoublais de marche, et désirant être à mes côtés lors de la bataille, il se jeta dans une chaloupe canonnière, et, malgré les périls qu'il avait à courir, il se sépara de la flottille. Sa chaloupe échoua; il fut assailli par une grande quantité d'ennemis. Il montra le plus grand courage; blessé très-dangereusement au bras, il parvint, par son exemple, à ranimer l'équipage, et à tirer la chaloupe du mauvais pas où elle s'était engagée.
Nous sommes sans aucune nouvelle de France depuis notre départ.
Je vous enverrai incessamment un officier avec tous les renseignemens sur la situation économique, morale et politique de ce pays-ci.
Je vous ferai connaître également, dans le plus grand détail, tous ceux qui se sont distingués, et les avancemens que j'ai faits.
Je vous prie d'accorder le grade de contre-amiral au citoyen Perrée, chef de division, un des officiers de marine les plus distingués par son intrépidité.
Je vous prie de faire payer une gratification de 1,200 fr. à la femme du citoyen Larrey, chirurgien en chef de l'armée. Il nous a rendu, au milieu du désert, les plus grands services par son activité et son zèle. C'est l'officier de santé que je connaisse le plus fait pour être à la tête des ambulances d'une armée.
BONAPARTE.
Au Caire, le 7 thermidor an 6 (25 juillet 1798).
Bonaparte, général en chef, ordonne:
ART. 1er. Le Caire sera gouverné par un divan composé de neuf personnes, savoir: le scheick El-Sadat, le scheick El-Cherkaouï, le scheick El-Sahoni, le scheik El-Bekri, le scheick El-Fayoumiy, le scheick Chiarichi, le scheick Mussa-Lirssi, le scheick Nakib-el-Aschraf Seid-Omar, le scheick Mohamed-el-Emir. Ils se rendront ce soir à cinq heures dans la maison de ...; ils composeront le divan, et nommeront un d'entre eux pour président; ils choisiront un secrétaire pris hors de leur sein, et deux secrétaires interprètes, sachant le français et l'arabe.
Ils nommeront deux agas pour la police, une commission de trois pour surveiller les marchés et la propreté de la ville, et une autre également de trois, qui sera chargée de faire enterrer les morts qui se trouveraient au Caire, ou à deux lieues aux environs.
2. Le divan sera assemblé tous les jours à midi, et il y aura perpétuellement trois membres qui seront en permanence.
3. Il y aura à la porte du divan une garde française et une garde turque.
4. Le général Berthier et le commandant de la place se rendront le soir au divan, à cinq heures, pour les installer et leur faire prêter le serment de ne rien faire contre les intérêts de l'armée.
BONAPARTE.
Noms des familles les plus anciennes.
La maison des Beckris, la maison El-Sadat, la maison du nakib El-Aschraf, la maison du scheick Yuani.
Au Caire, le 8 thermidor an 6 (26 juillet 1798).
Au général Vial.
Vous devez avoir reçu, citoyen général, l'ordre de l'état-major pour votre départ à Damiette.
Le général Zayonscheck est à Menouf.
Je vous envoie une trentaine de proclamations que vous répandrez sur la route; vous vous arrêterez dans les plus grands endroits pour faire prêter le serment aux scheicks et rassurer les habitans; vous ferez mettre, par les scheicks, les scellés sur les biens des mameloucks, et vous veillerez à ce que rien ne soit volé.
Arrivé à Damiette, vous préviendrez le citoyen Blanc, directeur général de la santé à Alexandrie, pour qu'il y fasse établir sur-le-champ un lazaret. Vous ne laisserez rien sortir du port.
Vous ordonnerez que les douanes et toutes les impositions directes et indirectes soient prises comme à l'ordinaire. Vous ferez faire l'inventaire de tous les effets appartenans aux mameloucks.
Vous ferez réparer les forts situés à l'embouchure du Nil, de manière à les mettre à l'abri d'un coup de main.
Vous ferez désarmer tout le pays.
Vous aurez soin de vous faire instruire de ce qui se passe à Acre et en Syrie et de m'en prévenir.
Vous vous mettrez en correspondance avec la frégate qui croise à l'embouchure du Nil, ainsi qu'avec les bombardes, afin de vous en servir et de les faire avancer jusqu'au Caire, à mesure que le Nil s'accroîtra.
Votre commandement s'étendra non-seulement dans toute la province de Damiette, mais encore dans celle de Mansoura.
Je vous envoie l'organisation donnée à ce pays.
Vous nommerez un divan pour la province de Damiette, et un pour celle de Mansoura, ainsi qu'un aga des janissaires.
Vous vous empresserez également de nommer les deux compagnies.
Je fais nommer l'intendant de chacune des provinces, et l'administration des finances nommera l'agent français.
Pour faire l'inventaire des magasins, meubles et maisons des mameloucks, vous nommerez une commission de trois personnes; vous pouvez les prendre parmi les négocians français établis à Damiette, tant pour la province de Damiette, que pour celle de Mansoura.
Votre premier soin sera de prendre toutes les mesures, et de requérir des chevaux pour monter cent hommes de cavalerie. Vous pouvez demander à Rosette deux pièces de canon de campagne, et vous trouverez dans le pays les moyens de les atteler.
BONAPARTE.
Au Caire, le 9 thermidor an 6 (27 juillet 1798).
Le général en chef Bonaparte, considérant que les femmes des beys et des mameloucks, errantes aux environs de la ville, deviennent la proie des Arabes, et mu par la compassion, premier sentiment qui doit animer l'homme, autorise toutes les femmes des beys et des mameloucks à rentrer en ville dans les maisons qui sont leur propriété, et leur promet sûreté.
Elles seront tenues dans les vingt-quatre heures de leur arrivée, de se faire connaître au citoyen Magallon, et de déclarer leur demeure.
BONAPARTE.
Au Caire, le 9 thermidor an 6 (27 juillet 1798).
À l'amiral Brueys.
Après des marches fatigantes et quelques combats, nous sommes enfin arrivés au Caire.
J'ai été spécialement content du chef de division Perrée, et je l'ai nommé contre-amiral.
Je suis instruit d'Alexandrie qu'enfin vous avez trouvé une passe telle qu'on pouvait la désirer, et qu'à l'heure qu'il est vous êtes dans le port avec votre escadre.
Vous ne devez avoir aucune inquiétude sur les vivres nécessaires à votre armée.
J'imagine que demain, ou après, je recevrai de vos nouvelles et des nouvelles de France; je n'en ai point reçu depuis mon départ.
Dès que j'aurai reçu une lettre de vous, qui me fasse connaître ce que vous aurez fait et la position où vous êtes, je vous ferai passer des ordres sur ce que nous aurons encore à faire. L'état-major vous aura sans doute envoyé le détail de notre affaire des Pyramides.
Je pense que vous avez une frégate sur Damiette: comme j'envoie prendre possession de cette ville, je vous prie de dire à l'officier qui commande cette frégate de s'approcher le plus possible et d'entrer en communication avec nos troupes qui y seront lorsque vous aurez reçu cette lettre.
Faites partir le courrier que je vous envoie pour prendre terre à l'endroit qui vous paraîtra le plus convenable, selon les nouvelles que vous avez des ennemis et selon les vents qui règnent dans cette saison.
Je désire que vous puissiez envoyer une frégate qui aurait ordre de partir quarante-huit heures après son arrivée, dans les ports, soit de Malte, soit d'Aucune, en lui recommandant de nous apporter les gazettes et nouvelles qu'elle recevrait des agens français.
J'ai fait filer sur Alexandrie une grande quantité de denrées, pour solder le nolis des bâtimens de transport.
Mille choses à Ganteaume et à Casa-Bianca.
Faites bien garder Coraïm; c'est un coquin qui nous a trompés: s'il ne nous donne pas les cent mille écus que je lui ai demandés, je lui ferai couper la tête.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Au commissaire ordonnateur.
Je vous fais passer, citoyen ordonnateur, différentes impositions que je viens de frapper sur Rosette, Alexandrie et Damiette. Le tiers de ces impositions sera affecté au service de ces places; donnez vos ordres aux commissaires des guerres pour leur répartition; le deuxième tiers sera affecté à la solde des troupes, et enfin l'autre tiers à l'ordonnateur Leroi.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Au citoyen Leroi.
Je donne l'ordre au général Kléber de percevoir différentes contributions à Alexandrie, montant à 600,000 fr.
Le tiers sera à votre disposition pour le service de la marine, le deuxième tiers est destiné à la solde de l'armée, et le troisième tiers est à la disposition de l'ordonnateur en chef pour les frais d'administration d'armée.
Je donne ordre au général Vial de percevoir à Damiette une contribution de 150,
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
À l'amiral Brueys.
D'après tous les relevés, il me paraît que l'escadre anglaise a passé le détroit le 12 prairial, est arrivée devant Toulon le 23, devant Naples le 29, devant Alexandrie le 9 messidor.
BONAPARTE.
Au Caire, le 11 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Au général Kléber.
Je vous prie, citoyen général, d'organiser la place d'Alexandrie: dès l'instant que tous les officiers seront organisés et que vos blessures seront cicatrisées, vous pourrez rejoindre l'armée.
Vous sentez que votre présence est encore nécessaire dans cette place une quinzaine de jours.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Au même.
Je viens de recevoir tout à la fois vos lettres depuis le 22 messidor jusqu'au 3 thermidor. La conduite que vous avez tenue est celle qu'il fallait tenir.
Je vous ai envoyé, avant-hier, l'ordre pour l'organisation de la province d'Alexandrie: ainsi nommez pour composer le divan, l'aga et les commissaires, les hommes les plus attachés aux Français et les plus ennemis des beys. Non-seulement j'approuve l'arrestation de Coraïm, mais vous verrez par l'ordre ci-joint que j'ordonne encore celle de plusieurs autres individus.
La chose que nous avions le plus à craindre, c'était d'être précédés par la terreur qui n'existait déjà que trop et qui nous aurait exposés dans chaque bicoque, à des scènes pareilles à celles d'Alexandrie. Tous ces gens-ci pouvaient penser que nous venions dans le même esprit que Saint-Louis, et qu'ils portent eux-mêmes lorsqu'il entrent dans les états chrétiens; mais aujourd'hui les circonstances sont tout opposées. Ce n'est plus ce que nous ferons à Alexandrie qui fixera notre réputation, mais ce que nous ferons au Caire: d'ailleurs répandus sur tous les points, nous sommes parfaitement connus.
Il paraît que vous êtes peu satisfait de la soixante-neuvième demi-brigade: faites connaître au chef que si sa demi-brigade ne va pas mieux, on le destituera.
Vous trouverez ci-joint différens ordres; vous les ferez publier l'un après l'autre, et vous veillerez surtout à leur exécution. Ce n'est que par ces moyens-là que nous avons pu trouver quelque chose au Caire.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
À l'amiral Brueys.
Je reçois à l'instant et tout à la fois vos lettres depuis le 25 messidor jusqu'au 8 thermidor. Les nouvelles que je reçois d'Alexandrie sur le succès des sondes, me font espérer qu'à l'heure qu'il est, vous serez entré dans le port. Je pense aussi que le Causse et le Dubois sont armés en guerre de manière à pouvoir se trouver en ligne, si vous étiez attaqué; car enfin deux vaisseaux de plus ne sont point à négliger.
Le contre-amiral Perrée sera pour long-temps nécessaire sur le Nil, qu'il commence à connaître. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous donniez le commandement de son vaisseau au citoyen ... Faites là-dessus ce qu'il convient.
Je vous ai écrit le 9, je vous ai envoyé copie de tous les ordres que j'ai donnés pour l'approvisionnement de l'escadre; j'imagine qu'à l'heure qu'il est, les cinquante bateaux chargés de vivres sont arrivés. Nous avons ici une besogne immense; c'est un chaos à débrouiller et à organiser qui n'eut jamais d'égal. Nous avons du blé, du riz, des légumes en abondance. Nous cherchons et nous commençons à trouver de l'argent; mais tout cela est environné de travail, de peines et de difficultés.
Vous trouverez ci-joint un ordre pour Damiette, envoyez-le par un aviso, qui, avant d'entrer, s'informera si nos troupes y sont. Elles sont parties pour s'y rendre il y a trois jours, en barques sur le Nil: ainsi elles seront arrivées lorsque vous recevrez cette lettre; envoyez-y un des sous-commissaires de l'escadre pour surveiller l'exécution de l'ordre.
Je vais encore faire partir une trentaine de bâtimens chargés de blé pour votre escadre.
Toute la conduite des Anglais porte à croire qu'ils sont inférieurs en nombre, et qu'ils se contentent de bloquer Malte et d'empêcher les subsistances d'y arriver. Quoi qu'il en soit il faut bien vite entrer dans le port d'Alexandrie, ou vous approvisionner promptement de riz, de blé, que je vous envoie, et vous transporter dans le port de Corfou; car il est indispensable que jusqu'à ce que tout ceci se décide, vous vous trouviez dans une position à portée d'en imposer à la Porte. Dans le second cas, vous aurez soin que tous les vaisseaux, frégates vénitiennes et françaises qui peuvent nous servir, restent à Alexandrie.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Au commissaire ordonnateur en chef.
Les pailles arrivent continuellement au Caire lors de l'inondation du Nil, parce qu'alors le transport devient très-facile.
Les provinces les plus riches de l'Égypte sont dans ce moment occupées par nos troupes; je crois que vous avez un commissaire dans la province de Menoufié où commande le général Zayonscheck. Envoyez-en un dans la province de Kélioubeh où commande le général Murat, un dans la province de Giza où commande le général Bélijard, et un dans la province de Mansoura et Damiette, où commande le général Vial, et un dans la province de Bahhiré, où commande le général Dumuy.
Dans chacune de ces provinces, il y a un commandant français, une commission administrative du pays ou divan, un intendant cophte, un agent français près l'intendant, et enfin une commission, pour faire dans chaque province l'inventaire des biens des mameloucks. En envoyant des commissaires de guerre dans ces différentes provinces, il vous sera facile de faire venir au Caire les approvisionnemens du pays.
Je vous envoie copie des ordres que j'ai donnés, soit pour les approvisionnemens, soit pour l'organisation du pays. J'ai aussi ordonné à l'état-major général de vous envoyer une carte avec les divisions des différentes provinces.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Bonaparte, général en chef, ayant des preuves de trahison de Sidi Mohamed-el-Coraïm qu'il avait comblé de bienfaits, ordonne:
ART 1er. Sidi Mohamed-el-Coraïm paiera une contribution de 300,000 fr.
2. À défaut par lui d'acquitter ladite contribution cinq jours après la publication du présent ordre, il aura la tête tranchée.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Au général Menou.
Je vous fais passer, citoyen général, un ordre pour lever une contribution de 100,000 fr. sur les habitans de Rosette. Le tiers de cette contribution sera destiné à l'ordonnateur en chef, pour les dépenses de l'administration, et les deux autres tiers à la solde des troupes.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798).
Au général Zayonscheck.
Je donne ordre, citoyen général, pour qu'on établisse à Menouf un hôpital de cinquante lits, et qu'on y construise deux fours. Voyez à faire tout ce qui sera possible pour activer cette opération.
Vous avez dû recevoir hier les ordres pour l'organisation de votre province. Il faut que vous traitiez les Turcs avec la plus grande sévérité; tous les jours ici je fais couper trois têtes et les promener dans le Caire: c'est le seul moyen de venir a bout de ces gens-ci.
Veillez surtout a l'entier désarmement du pays.
Faites-moi faire, par un officier du génie ou de l'état-major, un croquis de toutes les provinces, avec la situation de tous les villages, et des renseignemens généraux sur leur population, et ce que produisaient le miri, le seddan et autres impositions.
Prenez tous les moyens pour monter votre cavalerie; avec les chevaux, prenez les selles, et faites faire par vos commissions, un inventaire exact et prompt de tous les biens appartenans aux mameloucks.
Faites-moi connaître quelles sont les ressources pécuniaires que nous offre votre province.
Je vous envoie une grande quantité de proclamations que vous répandrez dans la province; je désire que vous vous mettiez en correspondance avec le général Murat, qui commande la province de Kelioubeh.
Il me serait facile de vous procurer deux pièces de canon, si vous trouviez dans le pays des moyens de les atteler. Je vous les enverrais sur des bateaux jusqu'au point de débarquement où vous les feriez prendre.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 thermidor an 6 (31 juillet 1798).
Bonaparte, général en chef, ordonne:
ART 1er. Tous les propriétaires de l'Égypte sont confirmés dans leurs propriétés.
2. Les fondations pieuses affectées aux mosquées, et spécialement à celles de Médine et de la Mecque, sont confirmées comme par le passé.
3. Toutes les transactions civiles continueront à avoir lieu comme par le passé.
4. La justice civile sera administrée comme par le passé.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 thermidor an 6 (31 juillet 1798).
Au général Menou.
Votre présence est encore nécessaire, citoyen général, à Rosette pendant quelques jours, pour l'organisation de cette province; les Turcs ne peuvent se conduire que par la plus grande sévérité; tous les jours je fais couper cinq ou six têtes dans les rues du Caire. Nous avons dû les ménager jusqu'à présent pour détruire cette réputation de terreur qui nous précédait: aujourd'hui, au contraire, il faut prendre le ton qui convient pour que ces peuples obéissent; et obéir, pour eux, c'est craindre.
Je vous ai envoyé, par mon dernier courrier, des ordres pour l'organisation du divan, de l'aga d'une compagnie de soixante hommes turcs pour la police.
Il serait nécessaire que la commission chargée de faire l'inventaire des biens des mameloucks envoyât ses états à l'ordonnateur.
Faites-nous passer avec la plus grande promptitude des nouvelles de l'amiral et de l'escadre.
Ordonnez au commandant d'artillerie d'envoyer prendre à Alexandrie deux ou trois grosses pièces d'artillerie, pour les placer à l'embouchure du Nil, et empêcher les chaloupes anglaises de nous insulter.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er août 1798).
Bonaparte, général en chef, ordonne:
ART. 1er. Tous les effets et esclaves appartenans à la femme de Mourad-Bey et aux femmes des mameloucks qui composaient sa maison, leur seront laissés en pleine propriété.
2. La femme de Mourad-Bey versera dans la caisse du payeur de l'armée 600,000 fr., dont 100,000 fr. demain, et le restant 50,000 fr. par jour.
3. À défaut d'effectuer lesdits paiemens, tous les esclaves et biens appartenans aux femmes des mameloucks de la maison de Mourad-Bey, seront regardés comme propriétés nationales; il sera seulement laissé à la femme de Mourad-Bey les meubles de l'appartement qu'elle occupe et six esclaves pour la servir.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er août 1798).
Au citoyen Rosetti.
Vous vous rendrez secrètement, citoyen, auprès de Mourad-Bey: vous lui direz que vous m'avez présenté l'homme qu'il avait envoyé; que cet homme, par des paroles indiscrètes, des discours verbeux et faux, n'était parvenu qu'à m'indisposer davantage contre lui: mais que j'ai compris que le moment pouvait venir où il fût de mon intérêt de me servir de Mourad-Bey comme de mon bras droit, et que je consentais à ce qu'il conservât la province de Girgé, dans laquelle il devrait se retirer dans l'espace de cinq jours, et que, de mon côté, je n'y ferais point entrer de troupes; vous lui direz que, ce premier arrangement fait, il sera possible, en le connaissant mieux, que je lui fasse de plus grands avantages, et vous signerez de suite un traité en français et en arabe, conçu à peu près en ces termes:
ART 1er. Mourad-Bey conservera avec lui cinq ou six cents hommes à cheval, avec lesquels il gouvernera la province de Girgé, depuis les cataractes jusqu'à une demi-lieue plus bas que Girgé, et la maintiendra à l'abri des Arabes.
2. Il se reconnaîtra dans le gouvernement de ladite province, dépendant de la France. Il paiera à l'administration de l'armée le miri que cette province payait.
3. Le général s'engage de son côté à ne faire entrer aucune troupe dans la province de Girgé, et à en laisser le gouvernement à Mourad-Bey.
4. Mourad-Bey sera rendu au-delà de Girgé, dans l'espace de cinq jours. Aucun de ses gens n'en pourra sortir pour entrer dans les limites d'une autre province sans une permission du général.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er août 1798).
Pouvoirs au citoyen Rosetti.
Le général en chef, mu par les sentimens d'humanité qui l'ont toujours animé, donne au citoyen Rosetti les pleins pouvoirs pour négocier avec Mourad-Bey, conclure et signer avec lui une convention qui mette fin aux hostilités.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er août 1798).
Au général Kléber.
Ceux qui m'ont donné des preuves de la trahison de Coraïm, m'ont assuré que son argent est dans une citerne; qu'il a un registre particulier où est le détail de toutes ses affaires; qu'il y a plusieurs de ses domestiques qui sont au fait de tout.
J'ordonne en conséquence à l'amiral Brueys de faire arrêter tous les domestiques qu'il a avec lui et de vous les envoyer; faites également arrêter tous ceux qu'il a dans sa maison, et faites-y mettre les scellés par la commission, ainsi que sur tous ses biens.
Faites interroger séparément avec de fortes menaces ses domestiques.
S'il paie dans les huit jours les 300,000 fr., mon intention est qu'on le retienne comme prisonnier à bord d'un des bâtimens de l'escadre, de manière qu'il ne puisse s'échapper, désirant le faire passer en France par une occasion sûre. S'il n'a pas, dans les cinq jours, payé au moins le tiers de la contribution à laquelle il est imposé, vous donnerez l'ordre qu'on le fasse fusiller.
Je vous envoie copie de la lettre que j'écris à l'amiral Brueys.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er août 1798).
À l'amiral Brueys.
Depuis que je vous ai écrit, j'ai acquis de nouvelles preuves de la trahison de Coraïm: vous voudrez bien le faire mettre aux fers et prendre toutes les précautions pour qu'il ne vous échappe pas.
Vous ferez arrêter tous les domestiques et autres individus qu'il aurait avec lui, que vous enverrez sous bonne escorte à Alexandrie, à la disposition du général Kléber.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er août 1798).
Bonaparte, général en chef,
Voyant avec déplaisir que le versement d'argent que doivent faire les Cophtes et les négocians de café et de Damas ne s'effectue qu'avec la plus grande lenteur, charge le citoyen Magallon de leur déclarer que les 60,000 talaris que doivent payer les Cophtes, seront livrés dans six jours, à raison de 10,000 talaris par jour.
Les 130,000 mille talaris que doivent les négocians de café, seront payés à raison de 22,000 par jour; les 35,275 que doivent les négocians de Damas, seront également payés en six jours, à raison de 5,878 par jour.
BONAPARTE.
Au Caire, le 15 thermidor an 6 (3 août 1798).
À l'ordonnateur en chef.
Je vous envoie, citoyen ordonnateur, un ordre pour la poste.
Les individus de l'armée paieront leurs ports de lettres conformément à l'usage établi en France; mais le directeur de la poste versera, toutes les décades, l'état des sommes qu'il aura reçues; nous en serons responsables, s'il est nécessaire, à l'administration des postes, et cela sera un revenu pour l'armée.
Vous aurez soin, pour ce moment, de commencer par organiser les bureaux du Caire, d'Alexandrie, de Rosette et de Damiette.
Dès que ceux-là seront établis, vous formerez les quatre autres. Cependant, comme il est indispensable que nous communiquions avec Menouf, lorsque le bateau qui va à Rosette sera arrivé au village de Genid, il remettra le paquet qui sera pour Menouf. Il y aura à ce village un détachement qui sera chargé de le porter à Menouf.
BONAPARTE.
Au Caire, le 15 thermidor an 6 (2 août 1798).
Bonaparte, général en chef, ordonne:
ART. 1er. Les citoyens Berthollet, Monge et le général du génie se concerteront pour choisir une maison dans laquelle on puisse établir une imprimerie française et arabe, un laboratoire de chimie, un cabinet de physique, et, s'il est possible, un observatoire.
Il y aura une salle pour l'Institut.
2. Ils me présenteront un projet pour l'organisation de ladite maison avec un état de dépenses.
3. Je désirerais que cette maison fût située sur la place Elbekieh ou le plus près possible.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
Au général Chabot, gouverneur de Corfou et des îles de la mer Ionienne.
C'est avec le plus grand plaisir, citoyen général, que j'ai appris de vos nouvelles; on nous avait beaucoup alarmés sur votre sûreté.
L'état-major vous aura fait part des événemens militaires qui ont eu lieu ici. Nous sommes enfin au grand Caire et maîtres de toute l'Égypte.
Il est indispensable que vous nous fassiez passer, par tout les moyens possibles, la plus grande quantité de vins, eau-de-vie, raisins secs et bois. Ce sont des objets dont vous savez que l'Égypte manque entièrement; les négocians porteront en retour, du café, du sucre, de l'indigo, du blé, du riz et toute espèce de marchandises des Indes.
Tenez-moi instruit de toutes les nouvelles que vous avez des affaires des Turcs, et surtout de Passwan-Oglou.
Le premier bataillon de la soixante-neuvième demi-brigade a reçu un ordre positif de partir lorsque je quittai Toulon; je ne doute donc pas qu'en ce moment il ne soit arrivé.
Dès l'instant que ce pays sera organisé et les impositions assises, je vous enverrai 300,000 fr. qui paraissent nécessaires pour votre solde; mais comme il me sera beaucoup plus facile de vous envoyer des blés, du riz, etc., je vous prie de former une compagnie de dix ou douze négocians des plus riches; qu'ils chargent plusieurs bâtimens, qu'ils m'expédient des bois, du vin, des eaux-de-vie, etc., ils seront payés en échange avec des marchandises du pays. Ils enverront un commissaire avec une lettre de vous, et je leur donnerai en surplus pour 3 ou 400,000 fr. de marchandises qu'il vous solderont.
Je vous envoie un ordre qu'il est bien nécessaire d'exécuter ponctuellement pour l'approvisionnement de l'escadre. Comme ici nous manquons de bois, je désire que vous fassiez beaucoup de biscuit à Corfou, afin que nous ayons toujours un point où nous puissions puiser et ravitailler notre escadre toutes les fois que nous en aurons besoin: je compte sur votre zèle. Vous pouvez tirer, pour la confection, pour 50,000 fr. de lettres de change sur le payeur au Caire. Elles seront soldées, soit en marchandises, soit en argent, comme le négociant le désirera. Incessamment je vous enverrai, par la première occasion, du blé et du riz pour votre approvisionnement.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
Au citoyen Rhullières, commissaire du directoire exécutif français à Corfou et dans les îles Ioniennes.
J'ai reçu à Paris les différentes lettres que vous m'avez écrites à votre arrivée à Zante. Je viens d'en recevoir une, en date du 13 messidor, de Corfou. L'état-major vous aura instruit des différentes batailles que nous avons livrées aux mameloucks et des succès complets qu'a obtenus l'armée de la république. À la bataille des Pyramides, nous leurs avons pris soixante ou quatre-vingt pièces de canon, et tué plus de dix mille hommes de cavalerie d'élite; nous sommes au Caire depuis une douzaine de jours et en possession de presque toute l'Égypte. Il nous manque ici trois choses, le vin, l'eau-de-vie et le bois à brûler. Faites faire, avec la plus grande quantité que vous aurez de raisins secs, de l'eau-de-vie; les négocians porteront en retour le blé, le sucre, l'indigo, le riz, les marchandises des Indes et le café. C'est un vrai service à rendre à la république, que d'employer l'influence que vous avez par votre place, à activer le commerce de Zante avec l'Égypte. Continuez à bien mériter de ces peuples par votre conduite sage et philantrophique, et croyez au désir vrai que j'ai de vous donner des preuves de l'estime et de l'amitié que vous savez que je vous porte. Soit en Égypte, soit en France, soit ailleurs, vous pouvez compter sur moi.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
À l'amiral Brueys.
Je vous envoie, citoyen amiral, la lettre que je reçois de Corfou; je vous prie de me faire connaître quand le bâtiment chargé de bois sera arrivé.
Peut-être jugez-vous également nécessaire d'envoyer deux ou trois bâtimens de transport pour continuer lesdits chargemens de bois, tant pour la flotte que pour Alexandrie.
Le général Chabot me mande que le Fortunatus escorte plusieurs bâtimens chargés de bois; moyennant cela, vous serez dans le cas de ne pas prendre les quinze cents quintaux de bois que je vous ai accordés à Rosette et dont nous avons plus grand besoin au Caire.
Je vous fais passer un nouvel ordre pour l'approvisionnement de l'escadre.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
À l'administration centrale de Corcyre (Corfou.)
Tous les renseignemens qui me sont donnés sur la conduite de votre département, font l'éloge de ses administrateurs. Les nouveaux établissemens de la France doivent d'autant plus accroître votre commerce, et vous ouvrir une nouvelle source de richesse et de prospérité.
Faites connaître aux négocians qu'ils trouveront ici des blés, du riz, du café, des marchandises des Indes, du sucre en abondance, et que je désire qu'en échange, ils portent à Alexandrie du bois à brûler, des bois de construction, des vins, des eaux-de-vie: ce sont les principales choses qui manquent à ce beau pays.
Croyez au désir que j'ai de vous donner des preuves du vif intérêt que je prends à votre tranquillité.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
À Georgio Gioari, intendant général de l'Égypte.
Vos fonctions doivent se borner à l'organisation des revenus de l'Égypte, à une correspondance suivie avec les intendans particuliers des provinces, avec le général en chef et l'ordonnateur en chef de l'armée. Vous vous ferez aider dans ces travaux par le moalleim Fretaou. Ainsi donc, vous chargerez, de ma part, les moalleims Malati, Anfourni, Hanin et Faudus, de la recette de la somme que j'ai demandée à la nation cophte. Je vois avec déplaisir qu'il reste encore en arrière 50,000 talaris, je veux qu'ils soient rentrés, dans cinq jours, dans la caisse du payeur de l'armée. Vous pouvez assurer les Cophtes que je les placerai d'une manière convenable lorsque les circonstances le permettront.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
Bonaparte, général en chef, ordonne:
ART. 1. L'or ou l'argent monnoyé, tous les objets d'or et d'argent, tous les lingots, les schals de valeur, les tapis brodés en or qui se trouvent dans les magasins généraux, seront enfermés dans des caisses sur lesquelles seront apposés les scellés du payeur de l'armée, de l'état-major général et de la commission chargée de l'inventaire. Lesdites caisses seront transportées dans le logement du payeur de l'armée; l'inventaire sera remis à l'ordonnateur en chef et à l'administrateur des finances.
2. Tous les objets nécessaires à la subsistance de l'armée seront remis de suite à la disposition de l'ordonnateur en chef; la commission tirera un reçu du garde-magasin auquel elle remettra lesdites denrées.
3. Tous les cinq jours, l'ordonnateur en chef, assisté d'un officier de l'état-major, de l'administrateur des finances ou d'un membre de la commission provisoire, et des agens en chef de chaque service, feront une tournée dans les magasins généraux et affecteront aux hôpitaux, aux transports, à l'habillement, tout ce qui peut leur être utile; mais les garde-magasins des magasins généraux ne livreront rien qu'après avoir dressé un inventaire circonstancié, et tiré un reçu des garde-magasins d'administration auxquels ils livreront lesdits objets.
4. Il sera formé une compagnie de commerce, à laquelle seront vendus tous les effets qui se trouveraient dans les magasins généraux, et qui ne seraient pas essentiels au service de l'armée.
L'ordonnateur en chef me remettra un règlement sur la manière de former cette compagnie et de procéder avec elle.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
Au commandant de la place du Caire.
Vous requerrez, citoyen général, deux moines de Terre-Sainte pour être toujours de planton à l'hôpital, afin de servir d'interprètes et de soigner les malades.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
Aux généraux de l'artillerie et du génie.
Je vous prie, citoyen général, de vouloir bien me faire connaître combien de temps il vous faudrait pour faire abattre toutes les portes qui barricadent les différens quartiers de la ville et en faire transporter le bois pour le service de votre arme; vous pourriez partager la besogne avec le génie, l'artillerie; je désirerais qu'on pût commencer dès demain: j'en donnerai l'ordre aussitôt que j'aurai reçu votre réponse.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
À l'ordonnateur en chef.
L'hôpital du grand Caire manque d'eau, d'eau-de-vie, et de toute espèce de médicamens. Je vous prie de vouloir bien me rendre compte si le pharmacien en chef a trouvé au Caire de quoi l'approvisionner.
Je vous prie d'ordonner que les officiers soient mis dans des chambres séparées, et qu'il leur soit fourni tout ce qui leur est nécessaire. Vous sentez que cela est d'autant plus essentiel dans un pays où tout homme malade est obligé d'aller à l'hôpital.
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 août 1798).
Au général Berthier.
Je vous prie, citoyen général, de vouloir bien faire vérifier en présence d'un officier de l'état-major, combien un chameau porte d'eau dans les outres ordinaires.
BONAPARTE.
Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 août 1798).
Au consul de la république à Tripoli.
Je profite du passage de la caravane pour vous faire part du succès de la république à la bataille des Pyramides, où nous avons tué plus de deux mille mameloucks. Je désire que vous fassiez connaître au bey de cette régence, que la république française continuera à vivre en bonne intelligence avec lui, comme elle l'a fait par le passé. Tous les sujets du bey seront également protégés en Égypte; j'espère que de son côté, il se comportera envers la république avec tous les égards qui lui sont dus. Faites-moi part de toutes les nouvelles que vous pourriez avoir dans la Méditerranée.
BONAPARTE.
Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 août 1798).
Au général Zaionscheck.
Vous avez bien fait, citoyen général, de faire fusiller cinq hommes des villages qui s'étaient révoltés: je désire fort apprendre que vous avez monté notre cavalerie. Le moyen le plus court, je crois, est celui-ci: ordonnez que chaque village vous fournisse deux bons chevaux. Il ne faut pas en recevoir de mauvais, et les villages qui, cinq jours après la proclamation de votre ordre, ne les auront pas fournis, seront condamnés à payer mille talaris d'amende. C'est un moyen infaillible, expéditif, d'avoir les six cents chevaux qui vous seront nécessaires. En requérant les chevaux, requérez les brides et selles, afin d'avoir tout de suite un corps de cavalerie à votre disposition: c'est le seul moyen d'être maître de ce pays.
Vous pouvez garder sans inconvéniens le chef de bataillon du génie Lazowski, qui vous est nécessaire.
Le général Fugières, avec un bataillon de la dix-huitième, part demain ou ce soir pour Mehal-el-Kebir; il passe par Kélioubé, et il se rendra à Menouf, où il arrivera probablement le 21: j'ai donné l'ordre qu'on embarquât sur une djerme, du pain pour ce bataillon, pour quatre ou cinq jours; il se rendra jusqu'à ..., d'où l'officier qui escorte ces djermes fera partir ce pain à Menouf. Cependant, si vos fours sont achevés, il serait essentiel que vous fissiez préparer du pain pour ce bataillon. J'ai donné ordre à ce bataillon de séjourner deux jours à Menouf. Vous en profiterez pour opérer le désarmement et tous les actes difficiles.
À mesure que vous aurez des chevaux, donnez-les aux différens détachemens de dragons qui sont sous vos ordres, en tirant des reçus des officiers.
BONAPARTE.
Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 août 1798).
Au général Dupuis.
Je viens d'écrire au divan pour qu'il fasse faire une distribution de blé pour les pauvres de la grande mosquée.
Il faudra se servir des magasins qui sont à Boulac et à Gizeh, appartenans à ..., attendu qu'un seul magasin ne suffirait pas pour contenir tous les effets provenant des maisons des mameloucks. J'ai ordonné qu'un magasin servirait à deux commissions, tout comme une commission doit faire la visite dans deux arrondissemens.
Une grande vigilance est plus nécessaire pour la tranquillité de la place, qu'une grande dissémination de troupes; quelques officiers de service qui courent la ville, quelques sergens de planton qui se croisent sur des ânes, quelques adjudans-majors qui visitent les endroits les plus essentiels, quelques Francs qui se faufilent dans les marchés et les différens quartiers, et quelques compagnies de réserve pour pouvoir envoyer dans les endroits où il y aurait quelque trouble, sont plus utiles et fatiguent moins que des gardes fixées sur des places et dans les carrefours. Si ce n'était la surveillance à exercer sur les maisons de mameloucks, quatre cents hommes d'infanterie et cinquante de cavalerie suffiraient pour le service de la place: en mettant trois cents hommes pour le service des mameloucks, cela exige quinze cents hommes. Je pense que deux mille hommes de garnison sont suffisans ici; faites-moi remettre l'état des postes que vous occupez, et de tout le service en détail.
BONAPARTE.
Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 août 1798).
Au commissaire ordonnateur en chef.
Il m'a été présenté plusieurs états signés par des commissaires des guerres, où ils paraissent légaliser des abus évidens et des prétentions peu fondées.
Je vous prie de leur écrire pour leur faire sentir combien ils sont coupables, lorsqu'ils s'éloignent de ce que la loi prescrit. J'ai vu un état où le commissaire des guerres demande une indemnité pour non fourniture de vin.
Je vous prie de faire un réglement pour ce qui est accordé par mois aux demi-brigades et aux régimens, pour leur entretien.
Les corps doivent toucher les sommes qui leur reviennent pour l'entretien pendant le temps qu'ils ont été embarqués.
Les corps de cavalerie qui n'ont qu'un cinquième des hommes montés, doivent-ils toucher une somme qui est jugée nécessaire pour un régiment de huit cents chevaux?
BONAPARTE.
Au Caire, le 18 thermidor an 6 (5 août 1798).
Au général Reynier.
Vous partirez, citoyen général, avec le restant de votre division pour vous rendre au village de El-Hanka, où se trouve déjà le général Leclerc.
L'état-major a dû vous donner l'ordre de partir avec six jours de vivres, mais ils ne seront probablement pas prêts, et, si vous les attendez, ils retarderaient considérablement votre marche. Laissez votre commissaire des guerres et le troisième bataillon de la neuvième, afin qu'ils vous conduisent des vivres dès l'instant qu'ils seront livrés. Ne partez pas au moins avant que la division n'ait son pain pour la journée de demain.
Le général Leclerc a déjà fait construire un four, faites-en construire deux autres.
Les villages environnans, qui sont extrêmement riches, vous fourniront de la farine, de la viande et des légumes pour votre division; indépendamment de cela, j'ordonne qu'on vous complette vos six jours de vivres et qu'on vous en fasse passer une plus grande quantité.
Plusieurs scheicks sont réunis à Belbeis, avec Ibrahim-Bey, et l'on pense que demain la caravane y sera arrivée; c'est ce qui m'a fait juger votre présence nécessaire à El-Hanka, où, selon le rapport que l'on m'a fait, vous vous trouverez juste à un jour de chemin du Caire à Belbeis.
Le général Leclerc a mené avec lui une certaine quantité de chameaux pour porter des vivres. Il est indispensable qu'il les renvoie, ainsi que tous ceux qui vous porteront des vivres, afin de pouvoir continuer.
Vous vous trouverez à El-Hanka au milieu de plusieurs tribus d'Arabes. Faites ce qu'il vous sera possible pour leur faire entendre qu'ils n'ont rien à gagner à nous faire la guerre, pour qu'ils nous envoient des députations, et pour qu'ils vivent tranquilles sans nous attaquer; vous leur enverrez de mes proclamations.
Vous vous tiendrez en garde contre les attaques que vous pourrait faire Ibrahim-Bey. Vous vous retrancherez dans le village de manière à être à l'abri de toute insulte, et une heure avant le jour, vous ferez faire des reconnaissances, afin d'être prévenu et de pouvoir me prévenir aussi avant que la cavalerie ne soit sur vous.
Vous interrogerez en détail tous les hommes qui viendraient de Belbeis ou de Syrie, et vous m'enverrez leurs rapports. Si la caravane se présentait pour venir, vous l'accueillerez de votre mieux; mais vous ne dissimulerez pas au boy qui l'escorte, s'il y était encore, que mon intention est, comme je le lui ai fait écrire, qu'arrivés à la Coubé, les mameloucks livrent leurs armes et leurs chevaux, excepté lui et les siens.
Je n'attends, pour me mettre en marche et me porter à Belbeis, que la construction de vos trois fours, et l'établissement d'une boulangerie à El-Hanka; je vous recommande de veiller spécialement à la formation de vos magasins de subsistances à El-Hanka, d'y faire réunir le plus de légumes, blé et riz, qu'il vous sera possible.
Je désire aussi que vous employiez les deux ou trois jours que vous resterez à El-Hanka, à vous retrancher en crénelant quelques maisons, en creusant quelques fossés. Mon intention est de faire occuper toujours ce village par un bataillon.
BONAPARTE.
Au Caire, le 18 thermidor an 6 (5 août 1798).
Au général Dugua.
Le général Murat me mande de Médié, qu'il a entendu quelque canonnade à une lieue en avant de lui, et qu'il est parti avec le bataillon qu'il commande pour connaître ce que c'était.
Je désire que vous me fassiez partir un bataillon de la soixante-quinzième, qui se rendra avec une pièce de canon jusqu'à Kélioubeh, où est le général Murat. Si, en route, il apprenait que le général Murat est rentré à son poste, et qu'il n'y a rien de nouveau, il rentrera au camp; s'il n'apprend rien en route, il se rendra à Kélioubeh, où il restera pendant la journée, et reviendra le lendemain matin, à moins que le général Murat ne croie avoir des raisons pour le retenir.
Si le bataillon apprenait en route que le général Murat est aux mains avec l'ennemi, il me renverrait l'officier des guides porteur de la présente, pour me faire part des renseignement qu'il aurait recueillis.
Faites commander cette reconnaissance par un homme intelligent. En partant exactement à deux heures après minuit, elle arrivera à cinq heures à Kélioubeh.
BONAPARTE.
Au Caire, le 20 thermidor an 6 (7 août 1798).
Au général Kléber.
Le kyaya du pacha d'Egypte expédie à Constantinople un exprès: je vous prie, citoyen général, de lui donner toutes les facilités nécessaires pour son passage.
BONAPARTE.
Au Caire, le 20 thermidor an 6 (7 août 1798).
À l'ordonnateur en chef.
Je vais partir, citoyen ordonnateur, pour me porter à vingt-cinq lieues d'ici vers la Syrie.
Moyennant les différens envois de farine que je vous ai demandés, et ceux que l'état-major ordonne, nous serons en mesure pour les subsistances; mais je vous prie de veiller à ce qu'on nous fasse les envois demain, comme je le demande, de cinquante quintaux de riz, et autant après-demain, ainsi que de dix-huit cents rations de pain.
La police de la ville exigerait que le blé y fût maintenu à un bon prix. Un moyen nécessaire serait que vous fissiez vendre tous les jours une certaine quantité de blé au tarif. Cela nous procurerait de l'argent et ferait un grand bien à la ville.
Je vous recommande, pendant mon absence, d'avoir en magasin la plus grande quantité de farine que vous pourrez, et de faire faire, tant à Boulac qu'au Caire et au vieux Caire, la plus grande quantité possible de biscuit: les mameloucks en faisaient faire dans la ville de fort beau. Je désirerais que vous pussiez passer un marché avec les boulangers de la ville, car il serait essentiel que vous eussiez, d'ici à dix jours, trois cent mille rations de biscuit. C'est le seul moyen d'assurer les subsistances dans nos routes et de ne pas mourir de faim dans nos opérations.